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Le vin en France (à la suite d'un déjeuner)

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
Je ne sais si cette observation m'est personnelle, mais il est devenu très difficile, au restaurant, d'avoir un vin à la bonne température. C'est particulièrement dommage s'il s'agit de vins de bonne qualité.

Pour faire court, la règle est :

- pour un vin blanc, servir frais (vers les 11/12°, davantage si c'est un grand vin) ;

- pour un vin rouge, servir "chambré", comme on disait autrefois (vers les 17°, un peu plus si c'est un grand vin).

Il y a, bien sûr, un grand nombre d'exceptions.

Or, que voit-on ? la règle est connue, elle figure sur tous les sites consultés. Dans le même temps, le vin blanc est de plus en plus froid, et le vin rouge est de plus en plus chaud...

Est-ce une fantaisie des sommeliers, ou bien une demande des clients ?

Je me perds en conjectures... je ne peux par exemple tout simplement pas imaginer un grand Chablis servi à 8°, quasi-glacé, et pourtant j'en ai vu, perdant tout arôme et, comme on dit techniquement, "ne parlant pas".

Bien évidemment, rien de cela ne s'applique aux "vins de soif", qu'à mon avis on peut boire comme on veut, l'essentiel en ce qui les concerne est de prendre un plaisir simple. Un "petit blanc" servi très frais l'été, et pourquoi pas avec un glaçon, il n'y a pas de mal s'il n'a pas de bouquet au départ.
Une terrible chaleur s'installant à Jéru, j'apprécie aux petites heures du matin de me rafraîchir en sirotant un modeste vin blanc qui n'est que d'agrément, le har hermon, mélange de sauvignon blanc et de chardonnay, qui présente toutefois un caractère relativement stable à dominante d'abricot et de silex ; consommé très froid (vers les 5 degrés je suppose) le fruit "parle" en effet moins, mais le silex vous claque dans la bouche !  c'est normal pour une pierre à fusil.
Cela me paraît en effet un très bon choix : à temps chaud, vin frais.

Un conseil d'ami : je suppose que la bouteille en cause est mise au réfrigérateur. Placez-la non point à l'intérieur de la porte (la contreporte) ni surtout sur les clayettes, mais simplement dans le bac à légumes, ou à la place de celui-ci. Vous serez surpris d'avoir un vin très frais, voire froid, mais qui a encore un peu de bouquet.
24 juin 2013, 22:21   Pierre épanouie
Merci, Jean-Marc, j'essaierai ; mais notez que, justement, j'aime bien le boire très froid, car si la note fruitée est comme engourdie et épaissie, la minéralité en est accentuée et épanouie.
Alain, l'essentiel, en matière de cuisine, est d'avoir les bonnes choses au bon moment.

Ian Fleming, homme de fort bonnes manières, chez qui étaient alliés éducation, goût du risque et opulence disait, dans je ne sais lequel des James Bond, qu'avoir un très bon caviar était aisé, mais qu'avoir les toats à la bonne température au bon moment était fort difficile.
24 juin 2013, 22:56   Pas bête
Fleming avait raison, pour ne rien dire des œufs à la coque et des omelettes ; considérez cependant que le contretemps est également cultivé dans la région (le Proche-Orient), avec les meilleurs effets : les Bédouins par exemple boivent leur thé ou café brûlants, par une chaleur infernale ; du coup, plus réchauffé en dedans, on en est par comparaison rafraîchi au dehors...
"(...) le vin blanc est de plus en plus froid, et le vin rouge est de plus en plus chaud..."

Au fond, c'est une exacerbation de l'usage, une sorte de fanatisme, plutôt qu'une aberration, qui serait "le vin blanc est de plus en plus chaud, et le vin rouge de plus en plus froid."
Du vin blanc aux petites heures du matin, Alain ...? Quand il y a plus de trente ans, ma compagne chinoise débarqua en région parisienne elle fut estomaquée (au sens propre), de voir des poivrots (elle avait appris ce mot et s'en enchantait) sur le zinc du matin, dès les sept heures, déguster ce qui s'appelait alors un rosé limé, qu'elle avait d'abord pris pour un jus de fruit. Les verres dans lesquels on servait le rosé limé étaient de taille moyenne ou petite, comme des verres à pastis dans le midi, c'est à dire qu'ils étaient tout à fait de la taille du nez du buveur, lequel, tout naturellement et régulièrement était de la teinte exacte du rosé limé. Nez et verre se confondaient. Ma compagne en était confondue. Longtemps elle en conserva la souvenance comme d'un traumatisme de l'enfance. Je ne pense pas que le "rosé limé" existe encore; personne aujourd'hui n'en consomme plus et il est sans doute déjà oublié. Je ne serais pas surpris qu'il soit même interdit d'en servir le matin au comptoir (directive européenne, etc.). Autre horreur matinale des brumes plébéiennes du bassin parisien : le café arrosé.
Je ne connaissais pas le rosé limé, mais je me souviens très bien du blanc limé, effectivement disparu.
Le buveur matinal le plus horrifiant (mais déjà, s'est-il seulement couché la veille?), c'est le buveur de pastis au cou pourpre qui vit et sévit à Marseille, dès 9h du matin.... Ce pastis qui crame les papilles gustatives et pousse à la surconsommation de sel qui provoque l'hypertension fatale à même pas 60 ans! (Paul Ricard avait l'esprit au moins aussi tordu que les auteurs du Supplice de Tantale).

PS: les phrases de Deleuze sur l'alcoolique pris au piège du pénultième verre (celui-ci, contrairement à ce qu'il dit, ne boit jamais de dernier verre) sont des merveilles.
Buveur matinal: j'ai été étonné de voir encore récemment -- mais ce ne doit pas être si récent car ces buveurs de bière, comme il leur est apparemment indispensable, fumaient du tabac en buvant, attablés aux guéridons à l'intérieur de l'établissement, clopardaient avec des oeillades cabochardes, dirigées à hauteur de nombril -- cramponnés, dans un bar du quartier des Halles à Paris, boulevard de Sébastopol je crois, à leur demi pression, les phalanges tremblantes ceinturant le verre comme des serres d'oiseau de proie. Comme quoi, l'esprit des lieux existe bien encore, à Paris : plus de halles ni de forts des halles, mais toujours des bars où l'on consomme le matin comme si ces choses étaient encore là. La bière, dans ces moments, dans ces lieux, est ordinairement le signe d'un chagrin d'amour, d'une passion amoureuse contrariée, visqueuse et attendrie, au désespoir lent.
Citation
Thomas Rothomago
"(...) le vin blanc est de plus en plus froid, et le vin rouge est de plus en plus chaud..."

Au fond, c'est une exacerbation de l'usage, une sorte de fanatisme, plutôt qu'une aberration, qui serait "le vin blanc est de plus en plus chaud, et le vin rouge de plus en plus froid."

Comme le disait Cocteau, "Tout était froid, sauf le champagne".
N'oublions pas, Francis, tous ces gens qui, autrefois, faisaient passer l'ennui du travail et la fatigue à venir par un (ou des) petit coup d'alcool le matin au bistrot (café arrosé très tôt, puis un petit blanc limé ou non vers 10h, puis l'apéro...).

Cela persiste outremer, avec le "coup de sec", du rhum en général.
Le vin a souvent tenu une place politique.

Voici une affiche critiquant Léon Blum, candidat à Narbonne en 29 :



Blum, tout Conseiller d'Etat qu'il était, et tout grand bourgeois qu'il fut, avait au contraire fort bien compris la leçon.

Alors qu'il avait en charge le Gouvernement du Front popluaire, il n'oublia pas cette inauguration oenologique à Narbonne en 1936 :

» Du vin blanc aux petites heures du matin, Alain ...? Quand il y a plus de trente ans, ma compagne chinoise débarqua en région parisienne elle fut estomaquée (au sens propre), de voir des poivrots

Oui, Francis, mais l'Eytan cananéen étant en général de mœurs nocturnes, j'ai pour règle infrangible de ne jamais boire d’alcool avant quatre heures du matin, ce qui doit équivaloir à votre sept heures du soir environ, en nychtémère inversé.
Avant, ce n'est que de l'eau fraîche ; rien à voir avec vos nasiques matineux, je vous prie...
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