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Les Origines des Structures Familiales

Envoyé par Bernard Tascius 
Emmanuel Todd présente son dernier livre sur FR3: [ce-soir-ou-jamais.france3.fr]




Je crois que ce qui m'insupporte le plus chez ce personnage est sa propension à se qualifier (ou être qualifié) un jour d'historien, le lendemain de démographe, quand la seule discipline dont il peut honnêtement se réclamer est la sociologie. Cet homme est l'archétype de l'idéologue qui part de (ses) conclusions pour arriver aux causes, et démontrer au passage que "nous ne voyons pas ce que nous voyons", selon l'expression consacrée.

Son idéologie du moment (depuis un certain moment en fait) se résume en gros à décrire l'Occident comme une civilisation minable et le reste du monde (pays Arabes en tête) comme la quintessence méconnue du progrès, auquel nous devons évidemment tout (en dehors de notre médiocrité, bien sûr) ("L'Europe est archaïque", "Tout vient de Chine et du Moyen-Orient" - on croirait entendre le discours du Caire d'Obama et ses "approximations" historiques).

Peut-être son ouvrage est-il moins idéologique que la présentation qu'il en fait, mais vu le passif du bonhomme, j'en doute.
Citation
Tascius
Olivier Todd

Est-ce là un trait d'humour ?
Citation
Tascius
Olivier Todd

Merci, Pyrrhon. Quant il s'agit des prénoms, je suis souvent myope comme une taupe.
Citation
Whitna
sa propension à se qualifier (ou être qualifié) un jour d'historien, le lendemain de démographe,

En général, on attend d'un chercheur un peu d'éclectisme, ce qui n'empêche nullement qu'il doive se spécialiser.
Quant à, Emmanuel Todd, manifestement il ne cherche pas la contradiction, c'est tout le côté ambigu des gens qui maitrisent leur métier:
timeo hominem unius libri
Le pire chez lui, c'est la manière dont il se dit sans cesse "anthropologue", sachant que personne ne sait vraiment à quoi cette appellation correspond. La semaine dernière, aux Matins de France Culture, il affichait son mépris pour les hommes politiques et les économistes en brandissant sa condition d'anthropologue, comme si c'était une garantie qu'on dit des choses vraies et intelligentes. Voilà un personnage dont la prétention et la morgue sont ahurissantes, quand bien même il dit parfois des choses intéressantes - cela lui arrive. Ce qu'il dit d'intéressant est généralement gâché par tout le reste et par son ton.
"Son idéologie du moment (depuis un certain moment en fait) se résume en gros à décrire l'Occident comme une civilisation minable et le reste du monde (pays Arabes en tête) comme la quintessence méconnue du progrès, auquel nous devons évidemment tout (en dehors de notre médiocrité, bien sûr) ("L'Europe est archaïque", (...)"

C'est sur les mille variations de cette tournure d'esprit que s'est établie, il y a longtemps désormais, l'intelligenstia dominante. Au sortir de la Grande guerre, elle me semble déjà bien présente chez bon nombre d'intellectuels français, appelés définitivement à exercer leur magistère moral, après la catastrophe de la seconde guerre mondiale.
Je crois que votre défiance à l'égard d'Emmanuel Todd, vous conduit à un léger contre-sens.
Ce que dit Todd, c'est que la famille nucléaire (A), c'est-à-dire la nôtre, c'est-à-dire aussi celle des hommes d'il y a 30000 ans, est la forme la plus ancienne (la plus archaïque). Selon lui, cette famille nucléaire est supplantée au cours du temps par une innovation (B) qui s'impose dans certaines régions, et dont le résultat est ce qu'il nomme le bloc communautaire patri-linéaire, bloc qui serait par ailleurs la cause de l'assechement des civilisations. Le modèle (A) met la femme en valeur, là ou le modèle (B) au contraire, soumet la femme et l'entrave dans le travail d'éducation.
L'archaïsme dont parle Todd est donc à prendre au sens chronologique, 'ancien', 'premier', et il pense sans doute à une richesse 'première' et 'archaïque" que nous devons conserver, le rôle de la femme dans la société permettant de mesurer l'état de cette richesse.
Quant à opposer l'Europe à d'autres régions, Chine, Moyen-Orient, il les oppose en effet, parce que dans son esprit l'Europe c'est (A)(famille nucléaire), la Chine, le Moyen-Orient, c'est (B)(bloc communautaire patri-linéaire). Là encore, je crois qu'il fait la part belle à l'Europe.
En fait, il dénonce un paradoxe: quand nous disons que notre modèle de vie est le plus moderne, nous faisons un contre-sens car, le noyau familial de la société occidental serait le plus ancien, le plus archaïque, par opposition aux formes communautaires qui sont arrivées plus récemment dans l'histoire, et donc, qui sont d'un point de vue chronologique, plus modernes.
Merci de cette mise au point, cher Tascius.
J'avais déjà remarqué combien cet homme, malgré des prises de position "intelligentsiales" au possible et un déni suspect de l’importance du saucisson dans la vie, pouvait également apporter un éclairage inédit et des outils de prévision assez justes sur certains aspects des sujets qu'il étudiait...
Citation
J'avais déjà remarqué combien cet homme, malgré des prises de position "intelligentsiales" au possible et un déni suspect de l’importance du saucisson dans la vie, pouvait également apporter un éclairage inédit et des outils de prévision assez justes sur certains aspects des sujets qu'il étudiait...

Parfaitement et le drame est que justement il nie ses propres conclusions en prétendant que les populations musulmanes petit à petit s'intégreront grâce au mariage mixe.

Dans son livre
LE DESTIN DES IMMIGRES
Assimilation et ségrégation
dans les démocraties occidentales

il décrit, p. e., avec acuité l'opiniâtre résistance des immigrés juifs aux USA à qui il fallut presque 4 générations avant de céder aux coups de boutoir de la sociéte anglo-saxonne car c'est seulement dans les années 60 et 70 du 20 ème siécle que les juifs américains commencérent à épouser majoritairement des non-juifs.

Il suffit d'ouvrir les yeux pour constater qu'en Europe les nord-africains, les subsahariens et autres turcs continuent de se marier majoritairement avec des conjoints cherchés au bled. Ce qui d'ailleurs explique les chiffres énormes des entrées annuelles d'immigrés.

Le nombre extravagant des populations immigrées en France annule complétement son analyse des évolutions démographiques mais en plus le pauvre Todd au lieu de s'en remettre aux outils qu'il a lui-même developpé a été saisi par l'hubris et fait dans les médias des démonstrations de la mégalomanie la plus désagréable sans parler de la manière méprisante avec laquelle il a à plusieurs reprises traité Alain Finkielkraut.
Bien qu'Emmanuel Todd m'ait plus qu'agacée souvent, j'aime son indépendance d'esprit et son assurance pour décliner gentiment ses théories qui fusent avec aisance,
Je suis pour le moins sceptique quant aux propos d'E. Todd. Tout d'abord, l'exercice (présenter un essai de 700 pages en une dizaine de minutes et ce, sans contradicteur qui serait un historien ) me semble périlleux voire malhonnête. En outre, E. Todd s'auto-proclame historien. A la bonne heure ! Pour ma part, je n'y vois que des généralités qui passent en force faute de contradicteur, justement !

Exemple : Le communisme serait apparu lors de l'éclatement des grandes structures familiales. Ah bon ! Je croyais que c'était le communisme qui s'était attaqué aux familles de paysans.
En outre, je suppose que s'il était anthroplogue, Todd partirait des racines communes indo-européennes afin de repérer des structures communes sur des espaces géographiques aussi vastes.
Todd dit que le Moyen-Orient aurait inventé l'Etat. Qu'entend-t-il par là ? C'est bien vague. Il passe aussi sous silence le rôle de l'esclavage lors de la phase de développement du Moyen-Orient antique. Comme l'opposition des conceptions du politique entre les empires d'Orient (les Perses) et la Grèce, notre mère. Ce qu'il dit du statut des femmes est aussi réducteur puisqu'il passe sous silence le rôle de l'introduction du monothéisme et la façon dont celui-ci n'a eu de cesse de battre en brêche les religions de la "Grande Mère" afin de s'imposer, rabaissant du même coup le rôle du féminin et dégradant ses représentations symboliques.

Enfin, ce brave Todd, à mon sens, ne nous livre pas de clé de lecture du rapport famille / société qu'Aristote.

C'est ballot, non ?
Voici, en gros, comment s'articule le rapport famille / cité selon Aristote.

Il y a chez Aristote deux théories concurrentes. La première part
effectivement de la famille, mode primitif et biologique de la
société. Mais cette société qui a pour but des sécurités matérielles,
ne trouve son expression parfaite, parce qu'autarcique, que dans la
cité.

Car dans un autre ordre c'est l'amitié qui est première, la philia,
parce qu'elle permet de vivre ensemble dans la cité, d'où la formule
répétée a satiété que l'amitié est au fondement de la cité (de mémoire
c'est dans la Politique, mais la réflexion sur l'amitié c'est l'etn)
mais elle n'est pas suffisante, il faut encore que cette vie en commun
soit morale.

Donc sa conception de la vie politique est le résultat pour Aristote
de deux réflexions. Qui s'entrecroisent. Dans l'ordre de la nature, du
besoin, du réalisme biologique, c'est la famille qui est première.
Dans l'ordre proprement politique, grec, de la valeur et de la
finalité, c'est l'amitié.

A la limite, sans l'idéal de valeurs qui fait la cité, le destin de la
famille, puis du clan, puis du village, etc c'est de former par
agrégation non une cité grecque mais un ethnos, comme dans les
monarchies orientales, puis un empire qui regroupe plusieurs ethnies.

Etre grec, donc civilisé, c'est prendre un embranchement original qui
fait aboutir à la Cité plutôt qu'à l'ethnos. Avec cet horizon plus
personnel, mais jamais individuel, qu'est la vie morale et in fine la
vie théorétique du sage.

C'est sur ce type de pensée que le politique, en partie, s'est construit en Occident. Je trouve cette pensée nettement plus féconde que celle de Todd.

Je crois qu'il vaut mieux lire, relire Aristote et laisser Todd à Taddéi.
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