Comment concilier le fait que la victoire des rebelles semble peu dans l'intérêt d'Israël avec le fait que le renversement du régime d'Assad est réclamé par B.-H. Lévy, lui qui se veut le meilleur des pro-israéliens ?
La réponse est probablement que Lévy doit vouloir le renversement d'Assad sans vouloir la victoire des rebelles.
Il pourrait vouloir le renversement par les Occidentaux suivi de l'occupation par ces mêmes Occidentaux jusqu'à ce qu'un régime démocratique et respectueux des minorités soit maître de la situation : non le scénario libyen mais le scénario irakien (enfin, le scénario irakien qui fut souhaité).
Il doit pourtant savoir que, si un renversement des rebelles par une intervention occidentale est concevable, ou l'a été, l'occupation du pays des années durant est, elle, inconcevable, du fait de la "fatigue irakienne" des Etats-Unis, et de l'extrême réticence des Européens à des engagements extérieurs.
Il pourrait rétorquer que, si le régime est renversé, et si les massacres des minorités commencent au son des "Allah Akhbar", les Occidentaux se sentiront obligés d'intervenir de nouveau...
Mais qu'ils interviennent massivement pendant des années, cela est inconcevable. même à son cerveau imaginatif.
Et je crois qu'on a la réponse : Il doit penser que le partage communautaire du pays peut se faire assez naturellement et rapidement et peut-être même sans trop de casse - les alaouites et les chrétiens évacuant précipitamment les villes et les territoires conquis par les rebelles. On aboutirait alors, une intervention limitée des Occidentaux et peut-être des Israéliens aidant, idéalement à un partage de la Syrie en cinq entités - sunnite, alaouite, kurde, chrétienne et druze - ou quatre, si les chrétiens qui n'émigrent pas se réfugient dans l'entité alaouite. Bref, une solution à la yougoslave. Ce partage, évidemment, serait pour Israël, la meilleure solution.
Et finalement Lévy échapperait à la contradiction entre sa position et sa passion de servir Israël.
Cette solution peut d'ailleurs se soutenir du point de vue de la justice pure : puisque la majorité ne supporte plus la dictature tolérante - tolérante et cruelle - d'une des minorités, et puisque le règne de cette majorité serait persécutoire, ou pis que persécutoire, pourquoi pas un partage du pays ?
Elle est également de l'intérêt de Lévy : les Occidentaux se sentiront responsables pendant longtemps de la situation, et seront engagés en Syrie pour longtemps : et sans cesse Lévy et sa grande âme auront l'occasion de donner des conseils, d'adjurer, d'invoquer, etc. Si, comme il est probable, ces Occidentaux se réduisent essentiellement aux Etats-Unis, cela lui permettra peut-être de s'importer dans le débat politique étatsunien, voire auprès de la Présidence (ou, disons, du Sénat).
Il est cependant à remarquer que tout cela est du domaine de la reconstitution : à lire Lévy, il fait fond sur la force et la modération des rebelles dits modérés.
Peut-être d'ailleurs concilie-t-il les deux points de vue : il espère, en y croyant peut-être de moins en moins, que les rebelles modérés liquideront rapidement les milices djihadistes, et il se dit que, s'ils ne le font pas, le deuxième scénario est en réserve.