04 septembre 2013, 18:36 La littérature selon Léautaud |
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Paul Léautaud
En tout cas, je l'aurais recommencé, ce livre, ou je l'aurais écrit là, que je n'aurais pas fait plus attention au style. Ca m'est bien égal qu'il soit mal écrit et j'avais autre chose à faire, en l'écrivant, que de perdre mon temps à soigner mes phrases. D'ailleurs, bien finis pour moi, les chinoiseries de l'écriture et les recommencements, comme il y a encore deux ans, quinze fois de la même page. Les grandes machines de style, avec le perpétuel ronron de leurs phrases, m'ont à jamais dégoûté de la forme. Pauvres livres, si harmonieux, si l'on veut, et si assommants ! Dans les livres que j'aime, il n'y a pas de rhétorique, il y a même bien des imperfections, mais celui qui les a écrits valait tous les Flaubert du monde. Ah ! la beauté, l'intérêt pénétrant, souvent, de certaines de ses phrases mal faites, mais laissées dans leur vérité, mais pas truquées par l'art ! Mais, voilà ! Il faut savoir lire, avoir beaucoup lu, et comparé, et pesé la duperie de ce mot : l'art, qu'affectionnent les imbéciles. Alors, on revient de bien des admirations, et tous ces soi-disant grands livres ne tiennent pas une minute.
Je peux le dire, on trouvera que je pose si l'on veut : maintenant, quand j'écris quelque chose, le mal, c'est de trouver ma première phrase, mais après, je ne fais plus attention aux phrases, j'écris en ne voyant que mon idée, et comme ça vient. Une phrase ne me plaît pas, je ne l'arrange pas, j'en refais une autre, voilà tout. S'il se trouve par hasard dans ce livre quelques phrases pas mal, je n'y suis pour rien, c'est qu'elles sont venues ainsi et je ne sais même pas si je ne préfère pas les autres, avec tous leurs défauts, parce qu'elles sont quelquefois mieux l'expression d'un sentiment, la nuance d'un souvenir. Plus je vais, et plus je pense qu'on ne devrait peut être commencer à écrire que vers quarante ans. Avant, rien n'est mûr, on est trop vif, trop sensible, pour ainsi dire, et surtout on aime encore trop la littérature, qui fausse tout. Mon bonheur, ç'aurait été d'écrire ce livre comme des Lettres, ou comme des Mémoires, les seuls écrits qui comptent, avec de petites phrases exactes, courtes et sèches, comme des indications de catalogue, ou à peu près. J'en suis un peu loin, je le sais. Les encouragements de ma mère m'ont peut être aussi engagé dans une mauvaise voie ? Ridicules attendrissements, si inutiles ! Admirable ironie aussi... Ce sera pour la seconde fois, alors ! Du reste, je referai peut être un jour ce livre, en une cinquantaine de pages ; je vois si bien ce qu'il faudrait y enlever. Et cependant... Ce livre ne me plaît pas, c'est entendu, ou du moins, s'il me plaît un jour, il me déplaît trois lendemains. Il n'en est pas moins vrai que j'ai senti les choses que j'y raconte de la façon exacte dont je les ai dites. Ma nature est ici en conflit avec mon goût, voilà tout. C'est très amusant.
04 septembre 2013, 19:11 Re : La littérature selon Léautaud |
04 septembre 2013, 19:31 Re : La littérature selon Léautaud |
04 septembre 2013, 20:22 Paranoïa |
04 septembre 2013, 20:55 Re : Paranoïa |
04 septembre 2013, 21:40 Re : La littérature selon Léautaud |
04 septembre 2013, 22:16 Re : La littérature selon Léautaud |
04 septembre 2013, 22:20 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 10:43 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 11:11 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 11:13 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 15:16 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 15:56 Re : La littérature selon Léautaud |
Citation
CNRTL
B.− En constr. pronom., arg. et pop. Se coltiner qqc.Porter quelque chose de lourd. Le facteur il avait sa claque... Il se coltinait trois fois par semaine des sacs entiers de manuscrits... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 589).
− Au fig. Faire un travail fatigant, pénible ou inintéressant. Je me suis coltiné toute la correspondance (Dub.1967).
06 septembre 2013, 17:10 "L'évolution créatrice, c'est la création continuée" |
06 septembre 2013, 19:06 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 21:58 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 22:14 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 22:53 Re : La littérature selon Léautaud |
06 septembre 2013, 23:38 Re : La littérature selon Léautaud |
07 septembre 2013, 00:49 Re : La littérature selon Léautaud |
07 septembre 2013, 02:00 Re : La littérature selon Léautaud |
07 septembre 2013, 02:05 Re : La littérature selon Léautaud |
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Daniel Teyssier
A moins, bien sûr, mais je n'ose y penser un seul instant, que vous aviez opté pour le très vilain sens figuré de ce mot de portefaix.
07 septembre 2013, 07:44 Re : La littérature selon Léautaud |
07 septembre 2013, 10:00 Re : La littérature selon Léautaud |
10 septembre 2013, 04:16 Re : La littérature selon Léautaud |
10 septembre 2013, 14:07 Re : La littérature selon Léautaud |
10 septembre 2013, 15:01 Re : La littérature selon Léautaud |
11 septembre 2013, 00:31 Re : La littérature selon Léautaud |
11 septembre 2013, 00:53 Re : La littérature selon Léautaud |
11 septembre 2013, 03:50 Re : La littérature selon Léautaud |
11 septembre 2013, 09:56 Re : La littérature selon Léautaud |
11 septembre 2013, 11:49 Re : La littérature selon Léautaud |
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Alain Eytan
À ceci près, cher Daniel Teyssier, qu'il me semble que le temps kantien n'est pas un "jugement synthétique à priori" (le temps n'est point un jugement), mais l'une des deux formes a priori de la sensibilité, l'autre étant l'espace, ou, comme vous l'avez fort justement dit, une "intuition pure". Cela étant, ces deux formes a priori de la sensibilité constituent les conditions de possibilité des jugements synthétiques à priori, puisque selon Kant les modes et les déterminations de l'espace (et du temps) rendent possibles les concepts des formes et de leurs rapports qui sont l'objet de ces JSAPriori.
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Alain Eytan
Là où je suis un peu en désaccord avec vous, du moins avec votre formulation, c'est quand vous semblez dissocier très nettement les "objets" et les phénomènes du temps et de l'espace (également désignés comme "formes des phénomènes") : en effet, sans sensibilité a priori, il n'y a tout simplement pas d'"objets" du tout, du moins au sens où l'entend clairement Kant (« S’appellent "objets" des représentations liées les unes aux autres et déterminables dans les rapports de l'espace et du temps... »), aussi le temps n’appartient-il peut-être pas aux objets, mais ceux-ci, en ce sens, lui appartiennent totalement, puisque espace et temps constituent la condition même de leur apparaître possible comme phénomènes dans la représentation.
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Alain Eytan
Je crois que l'"idéalité transcendentale", à quoi ressortissent en tant que conditions subjectives de tous les phénomènes extérieurs l'espace et le temps, embrasse en fait bien davantage que notre être et "monde intérieur", car elle délinée en vérité la face visible de la totalité du monde extérieur considéré comme objet d'expérience
12 septembre 2013, 19:14 Re : La littérature selon Léautaud |
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Alain Eytan
Toujours est-il que ces notions de "commencement du temps" sont très casse-tête : comment en effet conserver un sens quelconque à la notion de "commencement" si la dimension dans laquelle on suppute qu'il a eu lieu ne peut admettre aucune sorte de "commencement" whatsoever, puisqu'elle est par définition atemporelle ?
Il semble que nos bons vieux mots regimbent d’être ainsi employés si à rebrousse-poil de leur sens commun habituel, et qu'on se heurte alors à la barrière infranchissable que constitue la profération d'un pur non sens : si le temps a commencé, il n'a pu avoir commencé à partir d'un certain moment. Vous voyez le genre...
Enfin, le débat reste bien entendu ouvert...
12 septembre 2013, 22:24 Re : La littérature selon Léautaud |
13 septembre 2013, 12:47 Re : La littérature selon Léautaud |
18 septembre 2013, 03:20 Re : La littérature selon Léautaud |
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Francis Marche
L'autre branche de l'alternative est bien évidemment que le temps fut incréé et qu'il est sans évolution, qu'il n'agit point, qu'il est cyclique, que la mort n'existe pas, le progrès non plus, l'entropie non plus et qu'il se confond avec l'espace, lui-même, par conséquent, sans borne. La conscience de notre mort (de la généralité de la mort, celle des civilisations comprise) ruine cette branche de l'alternative.
S'il ne reste que du temps créé, cela suppose une transcendance, un au-dehors du moment zéro, évidemment. Mais la question fondamentale n'est pas même située à ce niveau, du moins, elle n'intéresse guère, ou du moins pas immédiatement, l'action.
Que fait le temps et que faire de lui ? Que fait le temps veut dire "comment agit-il dans les choses, les articule-t-il, les fait-il naître et organise-t-il leur mort". Cette question reste passionnante. Elle n'est peut-être pas sans réponse.