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Les turpitudes de la rentrée littéraire

Envoyé par Michel Le Floch 
Alain Finkielkraut: "Je suis atterré"
Propos recueillis par, Jérôme Dupuis, mis à jour le 04/09/2008 - publié le 04/09/2008

Le philosophe conteste le portrait que fait de lui Tristan Garcia dans son roman événement La Meilleure Part des hommes (Gallimard). Sous le nom de Leibowitz, il y apparaît comme un intellectuel réactionnaire, sioniste fanatique et avide de pouvoir. Alain Finkielkraut a choisi L'Express pour dire sa colère.
"Je suis atterré par le procédé qui consiste à me mettre en scène de façon transparente tout en m'inventant, au nom des sacro-saints droits de la création littéraire, une liaison fictive avec une journaliste de Libération et en dénaturant grossièrement le rapport que je pouvais entretenir avec mon père déporté. Dans son roman à clef Les Mandarins, qui déjà n'est pas génial, Simone de Beauvoir s'inspire au moins de faits réels quand elle campe, sous un autre nom, Albert Camus. J'ai le sentiment désagréable d'une totale dépossession de moi-même.

L'auteur me présente comme un homme de réseaux, alors que je vis à l'écart. Il y a un certain paradoxe, chez ce jeune écrivain qui se réclame de la connaissance par le roman, à travestir mes engagements, notamment sur les minorités ou sur Israël, et à réduire ma pensée à un pur souci de positionnement. Autrefois, la littérature avait un rapport avec la courtoisie et avec l'imagination. Il semble qu'aujourd'hui elle relève de plus en plus de la muflerie et du fantasme. C'est déprimant, mais que puis-je faire ? Les duels sont désormais hors la loi... "
Si les duels sont interdits, depuis Louis XIII, ils peuvent se départager à la Pétanque...
On aimerait lui conseiller, avec amitié et reconnaissance, de continuer son précieux travail, de suivre sa belle route sans trop se préoccuper des roquets qui aboient au passage.
Utilisateur anonyme
12 septembre 2008, 17:52   Les turpitudes des Lettres
"Autrefois, la littérature avait un rapport avec la courtoisie et avec l'imagination."

Autrefois quand ? Au XVIIème siècle où s'échangent entre poètes les propos les plus orduriers, les dénonciations de toutes sortes qui pouvaient conduire en Place de Grève ? Au siècle suivant entre encyclopédistes et philosophes des Lumières, l'aménité est-elle de règle ? Il est permis d'en douter. Cent ans plus tard, quand apparait dans toute sa splendeur carriériste "l'homme de lettres" ? Franchement, je n'y crois guère, à ce règne de la courtoisie et de l'imagination en littérature, hormis en cercles inévitablement restreints.
C'est curieux, j'ai l'impression d'être entièrement d'accord avec M. Bolacre...
Finkielkraut a parlé trop vite, de toute évidence. Le livre vient de paraître, et je n'en ai pas trouvé d'extrait en ligne. Mais je suppose que ce qu'il entendait, c'est que la violence des pointes du jeune Garcia n'est guère adoucie par la force du style ou l'effort littéraire (on peut aujourd'hui tout faire passer, pourvu que ce soit sous le nom de "fiction"). J'ai vu le Garcia "s'exprimer" sur Daily Motion, et ça n'augure rien de bon.
Ci-joint le CR du Monde (4 septembre), où l'on apprend que le romancier en question est un thésard de Badiou. Il est dans l'ordre des choses (les choses de ces gens) qu'AF soit caricaturé en une sorte de monstre sioniste et qu'il lui soit prêté les plus noires intentions.

Alors qu'il s'apprête d'ici à quelques jours à soutenir sa thèse de philosophie dirigée par Alain Badiou sur "La crise de la représentation", Tristan Garcia se présente déjà, avec son premier roman, La Meilleure Part des hommes, comme l'une des révélations de cette rentrée littéraire.
Nourri de séries américaines ("Six Feet Under" notamment), mais aussi de littérature anglo-saxonne (Bret Easton Ellis, auquel on l'a abusivement comparé, ou William Gaddis), ce jeune normalien de 27 ans n'est encore qu'un bébé au début des années 1980. Des "Années d'hiver" - comme les qualifia Félix Guattari - dont il dresse sous la forme d'une fresque intime, sentimentale, politique et culturelle, un portrait saisissant de justesse.
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"Les années 1980, écrit-il en préambule, furent horribles pour toutes formes d'esprit et de culture, exception faite des médias, de la télévision, du libéralisme et de l'homosexualité en Occident." Alors que la musique électronique envahit les radios, que Barthes tire sa révérence au moment où la déconstruction s'impose en philosophie ; que la politique s'enfonce dans la déliquescence, la communauté gay, elle, s'agite, débat et s'émancipe. L'heure est à la fête. "On baisait, on était politique (...). Tu embrassais un mec, tu faisais la révolution d'Octobre (...) c'était nos sixties, notre foutue libération des moeurs."
Mais, très vite, l'apparition du sida sonne la fin de la partie et stoppe dans son élan la folie créatrice de ce moment de "grande joie". Et c'est là justement, à cette charnière de l'histoire de la sexualité qui voit s'affronter deux "générations perdues", que se noue La Meilleure Part des hommes incarnée par quatre personnages, dont Tristan Garcia assure en avertissement "qu'ils n'ont jamais existé ailleurs que dans les pages de ce roman". Même si, au passage, on peut reconnaître le philosophe Alain Finkielkraut, l'activiste Didier Lestrade, cofondateur d'Act-Up, et l'écrivain Guillaume Dustan, mort en 2005.
Quatre personnages, ou plus exactement trois hommes et une femme. Il y a d'abord Dominique Rossi (alias Doumé), ex- "prince de la nuit" et journaliste issu des milieux d'extrême gauche, qui fonde, au milieu des années 1980, Stand, un mouvement d'émancipation et de prévention contre le sida. Jean-Michel Leibowitz (Leibo) ensuite, marié et père de deux enfants, ce philosophe médiatique prenant son époque à contre-pied va glisser peu à peu à droite. William Miller (Will), sorte de "Rimbaud incontrôlable", écrivant tout et son contraire, provocateur en diable, adepte du barebacking (les rapports non protégés), qui deviendra un temps l'icône sulfureuse d'une partie du milieu gay.
Entre ces trois figures archétypales (mais jamais caricaturales), qui s'aiment, s'affrontent et se déchirent, navigue, de l'un à l'autre, Elizabeth Levallois, la narratrice. Journaliste culturelle à Libération, amie de Doumé, confidente de Will et maîtresse de Leibo, tournant à vide autour d'une existence qu'elle subit plus qu'elle ne la vit, c'est elle qui écoute, console, soutient. Elle surtout, qui observe, écoute et relate, sans jugement aucun ou presque, leurs combats, leurs idéaux (bafoués), leurs tangages politiques, leurs lâchetés, leurs renoncements, leurs trahisons, leur soif de reconnaissance dans une époque où s'imposent peu à peu le libéralisme, la "pensée unique", la fausse compassion, le fric et le show...
Spectatrice donc plus qu'actrice, c'est elle encore qui assiste, aux premières loges, à la passion puis à la haine qui conduira Doumé et Will à se livrer une guerre sans merci. Une haine inextinguible qui n'aura de cesse de grandir et de faire grandir William. Un "être pur", "sali par le monde" qu'il rejette, aussi détestable qu'émouvant, aussi irritant qu'attachant dans ses dérives et excès, dans cette cruelle et noire lucidité qui l'habite...
"Le trésor d'un homme est-il dans ce qu'il laisse - des sentiments, des certitudes, des objets, des images et des gestes - ou dans ce qu'il garde ?"
Plus que dans le style - relâché, branché, grinçant, proche de l'oralité -, c'est certainement là que réside toute la force de ce roman générationnel et intime. Dans ce renversement du regard où se révèle dans la noirceur des temps et des âmes la meilleure part des hommes.
LA MEILLEURE PART DES HOMMES de Tristan Garcia. Gallimard, 306 p., 18,50 €.

Christine Rousseau
"le style - relâché, branché, grinçant, proche de l'oralité"

Hmm... Ça donne envie, hein ?
Citation
Alors qu'il s'apprête d'ici à quelques jours à soutenir sa thèse de philosophie dirigée par Alain Badiou sur "La crise de la représentation",

Cela laisse augurer le pire ...
Il est très gentil ce [url=
]Tristan Garcia[/url] .

Je crois qu'il ira médiatiquement très loin ...surtout qu'il se targue d'avoir de bonnes références: p.e. Americain Psycho ou certaines séries américaines!
Utilisateur anonyme
13 septembre 2008, 10:55   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
Me frappe beaucoup le "La Maladie", quand il parle du SIDA. Le SIDA, c'est La maladie.

Bonne nouvelle, donc, si nous échappons au SIDA, nous ne serons jamais malades !
Il est mignon comme tout, un véritable éphèbe. Il n'arrête pas de sourire (d'une façon qui serait très attendrissante si ne s'y mêlait une trace - oh !, à peine un soupçon - de niaiserie), sauf quand il prononce l'expression "communauté gay" : là, il prend un air d'enterrement.

Je m'étonne, Boris, que vous n'ayez pas relevé ceci : "les années quatre-vingt, c'est quasiment un concept en musique". Le thésard de philo, comme il dit, n'associe au terme "musique" que le rock and roll.
Utilisateur anonyme
13 septembre 2008, 11:20   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
Si, Marcel, je l'ai bien entendu, ce concept, mais j'en ai parfois marre de rabâcher. Et puis, parfois, une grande lassitude me prend : et si, finalement, ils avaient raison, tous ceux qui pensent que La Musique, c'est ce dont ils parlent. Comme ce serait simple alors…
Utilisateur anonyme
14 septembre 2008, 09:32   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
D'après ce que je lis ici, ce triste Garcia me paraît de dimensions extrêmement restreintes, en envergure comme en profondeur.
Finkielkraut aurait bien tort de se chagriner pour si peu.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2008, 19:56   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
Il a vraiment une tête à claque qui sonne creux.
Petit minet en chaleur, peut-être...
En tout cas, il a l'air assez embarrassé de nous dire tout ce qu'il nous dit... Peut-être qu'il se rend compte, en le disant, que ça n'est pas très intéressant ?
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 10:25   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
Je ne pense pas, non. C'est filmé par Médiapart, le "média" du grand Edwy Plenel, qui doit savourer sa petite morsure à Finkielkraut…
Dans ce genre de situation, le mieux est de ne pas réagir : cela fait, sinon, de la réclame au texte en question.
Très vrai, jmarc, mais videosphériquement impossible.
(très beau, votre "réclame")
Que ne pensez-vous pas, Boris ? Ce n'est pas clair.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 12:42   Re : Les turpitudes de la rentrée littéraire
Je ne pense pas qu'il pense que ce qu'il raconte n'est pas très intéressant.
Ah très bien...
Finalement, je ne suis pas loin de penser comme vous.
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