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Marronniers éloquents

Envoyé par Henri Rebeyrol 
07 septembre 2013, 11:07   Marronniers éloquents
Depuis quelques années, la "rentrée des classes" fournit à quasiment tous les médias un "bon" et même sujet, parfaitement convenu, répété dans des termes quasiment identiques d'une année à l'autre, non pas l'achat des fournitures scolaires, ni l'émotion des tout petits que l'école, pour la première fois depuis leur naissance, sépare, la méchante !, de leur "maman", mais la tension, le stress, l'anxiété ou même l'angoisse (il n'y a pas de limite dans l'échelle de l'intensité sémantique : bientôt ce sera la scolé ou scola ou scolo phobie) des professeurs, et plus particulièrement des jeunes fonctionnaires qui font leurs premiers pas dans la carrière...

Dans tous les reportages ou témoignages que l'on peut lire, écouter ou regarder, sur ce sujet, des jeunes gens de 25 ans à 30 ans sont décrits ou montrés comme dans d'autres marronniers sont décrits ou montrés les enfants de trois ans qui vont pour la première fois de leur vie à l'école ou comme ceux de six ou sept ans qui passent de l'école des petits à l'école des grands ou comme ceux de onze ou douze ans qui commencent une scolarité au collège, etc. Que le "sujet" soit un professeur de 30 ans ou un élève de sept ans, la topique de ces marronniers est identique : anxiété ou simple inquiétude, nouveauté redoutée, changement de statut, mauvaise nuit ou mauvais rêves ou même cauchemars, besoin de se "confier" pour se libérer de l'anxiété, etc.

Jamais marronnier, tout détestable qu'il soit, n'a été aussi éloquent, non pas au sens où il convainc (en fait, tout cela, c'est l'écume du faux), mais au sens où il dévoile l'état réel de l'école, que, par ailleurs, il a pour fonction de dissimuler sous une épaisse couche de psycho-sociologie à la noix. La première expérience (professionnelle, amoureuse, sportive) fait partie de la condition humaine : tous les jeunes gens, âgés de 18 à 26 ans, font chaque jour, l'expérience du premier emploi, saisonnier, précaire ou durable. Ils ne sont pas pour autant des sujets de marronniers. Seule l'expérience des professeurs, lesquels, à la différence des autres jeunes gens, n'ont jamais quitté l'école et pour qui l'école est un terrain familier, fait l'objet de cette médiatisation entre le 1 et le 30 septembre. Le premier emploi, pour tous les jeunes gens, marque le début d'une vie adulte, mais pour les professeurs, c'est le retour de (ou à) la prime enfance. Ils sont rabaissés, étant infantilisés; ils ne sont pas différents des enfants de trois ans (de ceux qui, comme l'indique l'origine du mot, ne parlent pas ou ne savent pas encore parler). Ce que disent, sans le vouloir ou sans le savoir, ces marronniers, c'est que l'école est engluée dans l'ordre de l'indifférenciation généralisée; profs et mômes, tous pareils, tous les mêmes, pas de distinction (évidemment) et Allah seul reconnaîtra les siens...

Les "syndicats" qui sont censés représenter les professeurs, du moins lors des élections corporatives, ne disent rien de ce traitement médiatique. Leur seule activité publique est de défendre les professeurs contre les critiques dont ceux-ci seraient la cible. Or, cette humiliation publique et répétée chaque année les laissent de marbre; pis, ils l'encouragent, instrumentalisant cette anxiété (imaginaire sans doute) pour réciter le catéchisme : absence de formation professionnelle (ce qui, évidemment, est un mensonge), plus de moyens, les 60000 postes supplémentaires ne suffisent pas, il en faudrait le triple ou le quintuple, etc.

Alain Finkielkraut, au début de l'émission Répliques diffusée ce matin, a tenté, non pas d'analyser ce marronnier, mais de s'en étonner, ayant perçu l'infantilisation qui le sous-tendait, mais aucun des deux "experts" qu'il a invités n'a "saisi la balle au bond" (ou au "rebond" comme dans "Libé"). Il faut dire qu'il a choisi deux dinosaures durs de la feuille et dont l'aptitude à la comprenette ne doit excéder celle des in-fantes, à ce que l'on a pu en juger aux platitudes moutonnières qu'ils nous ont assénées pendant une heure.
07 septembre 2013, 11:59   Re : Marronniers éloquents
Oui absolument. J'ai été très impressionné par Maryline Baumard : une arme de destruction massive au sens lafullyen, une véritable bombe à neutron idéologique, une incarnation obscène de la doxa.

Elle : Village mondial, hétérogénéité, Pythagor(hen).

Lui : Tout est question de proportion.

Elle : Internet, venir à la lecture, national dépassé, sms, ouverture.

Lui : Tout est question de proportion.

Elle : Esther Duflot, modèle kenyan, cités, avenir(hen).

Lui : Tout est question de proportion.

Elle : Niveau monte-baisse, CAPES mieux que rien, ils lisent.

Animateur : Ethnique ?

Lui : Tout est question de proportion.

Elle : Tout à fait d'accord, avenir, oueb(hen), citoyen(hen), pédagogie, accompagnement, parisien (hen).

Lui : Tout est question de proportion.

Elle : Peillon pas assez loin, timoré, ministère.

Animateur : Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
07 septembre 2013, 14:28   Re : Marronniers éloquents
Excellent ! c'était tout à fait ça... malheureusement.
Répliques est sans doute la meilleure émission radiophonique qui soit ; malheureusement, je ne sais trop pourquoi, il arrive assez souvent que certains invités, bien moins intéressants que lui, réduisent comme peau de chagrin le temps de parole de l'excellent Alain Finkielkraut, dont on se contenterait - si l'on peut dire - allègrement. Aussi en arrive-t-on parfois à se demander, à la suite de Muray, à quoi bon encore débattre dans un tel monde ?
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