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Anglicismes journalistiques ; filmiques

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
08 septembre 2013, 21:40   Anglicismes journalistiques ; filmiques
L'avant-dernier en date des anglicismes journalistiques : l'abus du mot "réfuter". Jadis on réfutait une démonstration. Maintenant on fait mieux : on réfute une accusation (= on la nie), et on réfute un propos (= on le conteste). Je crois qu'il n'y a plus un journal duquel on puisse compter qu'il emploiera le verbe correctement.

Et le dernier : des combats féroces ; des combats féroces ont opposé les rebelles aux forces gouvernementales.
Ils veulent dire : acharnés.

Les anglicismes journalistiques ne sont pas si vieux que ça, me semble-t-il. Le premier d'entre eux me semble avoir été "vétéran" (pour "ancien combattant"), vers 1968. Manifestation de vétérans du Vietnam.
Des hommes de vingt-deux ans qui avaient fait six mois de séjour au Vietnam étaient des vétérans.

Je réfute avoir interrogé sur la Côte d'Azur un vétéran ayant participé à des combats féroces l'année dernière à Damas.


Comment supporter aussi les titres de films étrangers en anglais ? Récemment : "Generation War" : une (excellente) trilogie télévisée allemande dont les protagonistes sont de jeunes Allemands dans la Seconde Guerre mondiale (le titre de la version allemande est en allemand).
Avec ce principe, si "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" sortait en film en Allemagne, il aurait pour titre "With a Budding Grove", et on pourrait voir "The Magic Mountain" (film allemand, d'après Thomas Mann).

Cela dit, celui qui commence à laisser ce genre de choses l'énerver est mal parti, continuera plus mal et finira plus mal encore... Mieux vaut assister à ça avec l'équanimité d'un qui jadis voyait tomber l'Empire romain en composant des acrostiches indifférents ou indolents.
A propos, je viens de découvrir avec excitation que l'adjectif damascène est tout ce qu'il y a de plus usuel quand on écrit sur la Syrie, et je me rends compte qu'il n'a pratiquement qu'une seule rime riche en français : obscène. Quelqu'un pour nous faire rimer quelques vers malins ?
Pour vétéran, vous avez tort.

Ce sujet a été abordé ici.

Voici, pour votre information, cette photographie de la "une" de "Ze Liteul Niouspépère" du 28 novembre 1909 :



Pour la rime, il y a Arsène, très 1909.

Je crois que le titre anglais auquel vous faites allusion est "Within a Budding Grove".

Vous me faites penser à proposer que la prochaine version des aventures de Léo de Hurlevent se nomme "Yorkshire Budding".
"Combats féroces" figure quant à lui dans la "Chronique de la prise de Constantinople par les Francs", de Villehardouin, édition annotée par Buchon, Paris, 1828.

Je ne me rappelle pas très bien si c'est chez Villehardouin ou chez Robert de Clary que se trouve cette fameuse description des défenseurs de la Ville qui, pour réfuter une attaque, montèrent sur les murailles et "baissèrent leurs braies et montrèrent leur cul" (je traduis librement de l'ancien français).

Henri Bès, notre byzantologue, trouvera sans doute le passage original.
Pour secouer encore un peu le marronnier je dirai qu'en ce qui concerne "vétéran" M. Frèche n'a pas tort. Le mot venant de vetus, veteris ("vieux") il peut s'appliquer à la rigueur aux vénérables anciens combattants que l'on voit sur ce document mais il est plutôt absurde pour parler de gens qui reviennent, âgés de vingt ans à peine, d'une campagne de six mois en Irak ou en Afghanistan.
08 septembre 2013, 22:26   Castagne ("combats féroces")
"il montre avec force documents à l'appui, que jamais on n'a réussi à détruire dans l'âme des foules civilisées cette soif voluptueuse de combats féroces, de rugissements rauques et de sang fumant, à peine deux ou trois édits des lieutenants généraux de police vinrent-ils de fois à autre, supprimer ces spectacles immoraux."

C'est tiré d'un article de journal (Le Moniteur viennois) sur la corrida, dans lequel on déplore l'invasion de la langue par les termes "du pays de Don Carlos"; ça date d'octobre 1894.

Le terme combat féroce est parfaitement normal, français, admissible depuis toujours. Je suis sûr qu'on le trouve chez Hérédia, par exemple. Le juge des touches doit rentrer son petit carton jaune dans sa chemisette et avouer avoir été frappé d'un accès de berlue lexicographique, symptôme classique du tableau clinique aisément diagnosticable de survigilance procrustéenne obsessionnelle à l'égard de la langue. Rien de bien grave en somme.

[www.memoireetactualite.org]
Utilisateur anonyme
08 septembre 2013, 23:10   Re : Castagne ("combats féroces")
Un combat peut, bien entendu, être féroce. On achève les blessés, on tue les non-combattants, on se réjouit du sang qui coule à flots. Comme un jugement peut être féroce. Mais, quand ces derniers temps il est question des combats en Syrie dans la presse, l'expression "combats acharnés" est introuvable. L'expression "combats féroces" est très répandue, sans qu'on mentionne des atrocités qui auraient justifié ce qualificatif.
D'où l'hypothèse selon laquelle ces journalistes recopient de l'anglais.

Si bien que votre réponse, qui me fait la leçon comme si j'étais tout à fait ignorant du sens du mot dont je parle, ne fait pas mouche.
Même pas mal, Francis, même pas mal...
Je crains, Marcel (je sens que ma tension monte !), qu'il ne faille être prudent en maniant le latin, car des non latinistes peuvent hanter ce forum.

Pour ce qui est du lien entre vieux et vétéran, il est réel, mais le latin et le français abordent la notion de vieillesse de façon fort différente. "Obit anus", par exemple, n'évoque pas spontanément pour la masse du peuple la mort d'une vieille femme.
L'expression "combats féroces" est très répandue, sans qu'on mentionne des atrocités qui auraient justifié ce qualificatif.

Euh.... vraiment là... Non. Rien.
Je crois que pour être féroce il faut aller dans les bras des gens égorger leurs fils et leurs compagnes. Égorger les filles est simplement être acharné.
Citation
Jean-Marc du Masnau
"Combats féroces" figure quant à lui dans la "Chronique de la prise de Constantinople par les Francs", de Villehardouin, édition annotée par Buchon, Paris, 1828.

Je ne me rappelle pas très bien si c'est chez Villehardouin ou chez Robert de Clary que se trouve cette fameuse description des défenseurs de la Ville qui, pour réfuter une attaque, montèrent sur les murailles et "baissèrent leurs braies et montrèrent leur cul" (je traduis librement de l'ancien français).

Henri Bès, notre byzantologue, trouvera sans doute le passage original.

Le temps me manque pour étudier le récit de ce triste événement de 1204, braies baissées ou relevées. A première vue, Villehardouin ne lésine pas avec les adjectifs fier, bon et dur pour qualifier les combats. Fier et féroce sont parents, l'un par dérivation populaire du latin, l'autre par dérivation savante. C'est ce qui arrive avec la plupart des anglicismes introduits dans notre langue, d'ailleurs : c'est du latin, en général, bien plus que du saxon. Aussi la question ne concerne-t-elle pas tant la pureté de la langue, que la formation intellectuelle et langagière des "autorisés de parole", les journalistes.
Bon Jean-Marc, arrêtons, ça devient de l'acharnement là. De la plaisanterie féroce à l'acharnement, il y a une limite que l'In-nocence nous interdit de franchir.
Oui, nous sommes quelque peu fierce, comme le suggère Henri !

Ce qu'est féroce à fierce

François l'est à Francis !

09 septembre 2013, 12:00   Toc toc toc
""Assez les conversaziones !"
Le dos à la glace, collée à sa propre image, Mlle Frangipani frappe les plancher de sa canne d'ébène : deux coups pour la colère, un coup pour l'ordre et les derniers pour la mesure."

Paul Morand - Rococo (1933)
Au passage quand même ... Des civilisations et cultures de grande valeur ont choisi l'adoption de vocables étrangers, leur naturalisation tels quels ou presque (je pense à l'Iran islamisé ou au Japon) tandis que d'autres traduisaient selon le génie propre de leur langue les termes à introduire : ainsi les Anglo-Saxons d'avant la Conquête, premiers traducteurs de la Bible latine en vernaculaire et auteurs d'une littérature intéressante, ou les Romains, dont la langue n'a inclus une grande masse d'hellénismes qu'avec la conversion au christianisme, mais non à l'époque de la philosophie. L'hébreu et le grec modernes, que je connais très mal, présentent je crois les deux tendances : la traduction du terme étranger selon des racines sémitiques ou du moins anciennes, et l'introduction du mot tel quel. Ce n'est pas en soi un signe de décadence que de ne pas traduire dans sa langue les notions étrangères.
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