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"The skin of civilizations" (lamarckisme)

Envoyé par Francis Marche 
Peu à peu, et comme je l'indiquais dans un fil proche et tout à fait par coïncidence: la race devient civilisation par la vertu des produits cosmétiques agissant de pair avec les progrès de la connaissance que la race développe d'elle-même (il s'agit ici du choix des cadeaux protocolaires à Michelle Obama remis à la Maison Blanche par le couple Hollande):

«Nous adaptons nos soins aux peaux des différentes civilisations», observe Bernard Mas, PDG de la marque de beauté. «Les Américains ont des peaux un peu plus grasses que les Européens, il faut donc dans ce cas des produits plus légers.» I C I

Une certaine civilisation nouvelle fait que la chair, celle des épidermes naturels, n'est plus substrat charnel mais substrat civilisationnel. La chair, la race, sont disparues; réfugiées peut-être dans les placards de la pornographie, elles sont désormais interdites de cité (leur festin permanent se tient underground), là où siège et se donne à voir la civilisation désincarnée, acceptable, où les peaux sont grasses non point par nature mais par fait de civilisation, où le teint des visages témoigne une pure orientation de civilisation, où l'ancestralité aura été balayée par le respect du libre arbitre à décider de son être.

Michael Jackson s'était fait éclaircir le teint, s'était rendu semblable à un Blanc: en un sens, cette oeuvre cosmétique était plus qu'un fait de civilisation -- elle participa de la forge de la civilisation nouvelle.
Mais n'y a-t-il pas des fissures dans le discours du choix absolu que répercute la doxa ?
Après tout, les mêmes qui exaltent la liberté et l'autonomie de l'individu, ne chantent-ils pas les racines, les origines, ne révèrent-ils pas les communautés et ne sont-ils pas joyeux de voir surgir des drapeaux de différents pays à certainexs élections ?
C'est cette contradiction intime, qui les fait jouer tantôt l'air de l'autonomie, tantôt celui de l'identité, et argumenter dans un sens ou dans l'autre, qui rend fou.
Si le discours dominant s'attachait, une fois pour toutes, à "libérer tous les individus de leurs appartenances", il serait cohérent (et il condamnerait systématiquement les drapeaux et les "racines", comme des archaïsmes et des illusions qui emprisonnent l'individu souverain) ; là, je crains qu'il ne le soit pas...
En effet la doxa est ambiguë et en cela elle crée un double-bind, elle donne tort à tout le monde, à toute parole, partout et constamment: il est bon de dire qu'être Noir, c'est beau; il s'agit d'un élément de langage (on appelait cela "parole" il y a encore deux ou trois ans) qui affirme que les Afro-Américains ont tout lieu d'être fiers de leur beauté, de leurs canons esthétiques, ce qui ma foi n'est guère contestable devant les images, par exemple, d'une Donna Summer. Seulement voilà, on ne peut pas dire que certains cosmétiques conviennent à leur peau, il faut déclarer qu'ils conviennent à "la civilisation américaine". Paul Morand écrivait dans les années 20 que, je cite, "les Nègres ont la peau grasse", fin de citation. C'est ce que nous dit ce monsieur qui va porter des petits pots de beurre maigre à la Maison Blanche, cependant qu'il doit maquiller l'affaire de peau en "phénomène de civilisation", et à tout prendre, ce maquillage est tout a fait cohérent, congruent avec ce qui se passe dans les faits. La civilisation en négation de race, qui chante la race ("Black is beautiful") tout en même temps qu'elle détruit la race dans la cosmétologie et la surcorrection de soi, la surautonomisation, s'auto-forge, s'institue civilisation dans cette contradiction, quand elle prend en charge cette évolution tout en exaltant abstraitement et idéellement (les "Black Studies") ce qu'elle s'applique des deux mains et dans toutes ses pratiques langagières à nier dans les faits et dans les mots ("nous sommes une civilisation, et non une race").

Il existe des coiffeurs dits "afro" pour têtes négroïdes; bientôt il sera dangereux d'appeler ainsi ces têtes, souvent très belles, et ces coiffeurs; ils seront des "coiffeurs pour civilisation afro", des "civilisateurs afro", en quelque sorte, ce que, pour de bon et dans les faits, ils sont déjà.
Double-bind est bien le terme, ou plutôt la situation-pour-rendre-l'autre-fou dans laquelle cette société entière se trouve.
Incise féminine : vous avez certainement raison, Francis, néanmoins il y a sans doute un aspect plus pragmatique dans le choix de ce cadeau diplomatique.

Aux Etats-Unis, les marques de cosmétiques répondent déjà à ces questions de carnation. Ainsi chez Mac et Bobby Brown, les fonds de teint et poudres ont une gamme de colories bien plus ample que ce qui se fait chez Chanel, St Laurent, etc. Or, ce ne sont pas uniquement les carnations métisses, africaines, etc. qui sont prises en compte. C'est l'ensemble des carnations, de la plus claire à la plus foncée, avec toutes sortes de nuances.

On y trouve donc aussi des fonds de teint pour peaux claires que l'on ne trouve pas chez les fabriquants de cosmétiques français qui ne proposent que des teintes médianes qui pour ne pas être adaptées aux femmes noires, ne le sont pas davantage aux femmes à peau claire.

C'était la rubrique : j'ai testé pour vous.
Le propre de la doxa moderne: ne jamais être blessante, mais être toujours blessée. Exalter la race, voilà la doxa blessée; la nier, la revoilà blessée. L'essentiel étant que, à son crible, l'on reste toujours en tort. Pas de paix possible dans cet enfer des blessés, cette société-salle-d'hôpital où se pratiquent des soins esthétiques paradoxaux chez les gens les plus fiers d'eux-mêmes et de ce qu'ils proclament être, où l'âme saigne à tous les détours de phrase, où toute entorse au corps de la doxa, comme chez certains hémophiles qui redoutent cet accident des chevilles comme pouvant leur être fatal, peut valoir arrêt de mort sociale.
Utilisateur anonyme
19 mai 2012, 12:08   Re : "The skin of civilizations" (lamarkisme)
Sur Michael Jackson, par un professeur de SciencesPo :

Utilisateur anonyme
19 mai 2012, 12:12   Re : "The skin of civilizations" (lamarkisme)
En lien à la fois avec le fil Démographie et destin de Stéphane Bily et celui-ci, cher Francis Marche, une anecdote qui va dans le sens de ce que vous disiez de la confusion entre race et civilisation.

Faisant part à un ami du fait que les bébés blancs étaient désormais minoritaires dans les maternités américaines (ce qui, énoncé tel quel, est faux puisqu'ils continuent de représenter 49 % des nouveaux-nés - en fait, ils deviennent simplement la première des minorités), j'obtins la réponse suivante (en gros) : ne t'inquiète pas, la perte de vitesse des blancs est liée à l'essor des asiatiques, très patriotes, et des hispaniques, chrétiens ; donc, pas de problème !
Je parlais de race et il me répondit en parlant de civilisation.
La danse permet de suivre, grâce aux films, l'étonnante transformation des corps et des gestes. Les chorégraphies de Petipa ou de Nijinska, par exemple, ne vieillissent pas autrement que les oeuvres en général. Par contre, les danseurs contemporains de leur création appartiennent par le corps et le geste a un monde révolu. Sauf erreur, Wilfride Piollet qui se plait à remonter les enchaînement de classe du professeur Vestris, enchaînement très tourbillonants, juge que la danse s'invente dans les classes plutôt que dans les oeuvres. De la fabrique du danseur à la forge des races...
Utilisateur anonyme
20 mai 2012, 13:32   Re : "The skin of civilizations" (lamarkisme)
D'ailleurs, Drieu écrit à la page 54 du Feu follet : une race usée par la civilisation ne peut croire dans la volonté et établit bien cette dialectique.
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