Afin de ne pas polluer le fil relatif à l'islamophobie, je me permets d'en ouvrir un nouveau à propos de l'antisémtisme intellectuel.
M. Rebeyrol nous indique :
Les journaleux du Monde feraient mieux de lire Snyder (Terres de sang) qui montre que l'extermination de six millions de juifs n'a pas eu pour cause première ou efficiente les opinions antisémites exprimées ça et là, mais la volonté de l'Allemagne et de l'URSS de "purifier" les terres qu'ils avaient conquises, dont le Yiddishland, de toutes les populations indigènes, dont les Juifs, et de les remplacer par de nouvelles populations, jugées plus dociles, composées de paysans allemands ou russes ou de paysans assimilables à l'un et à l'autre empires. Comme ces journaleux font primer l'idéologie sur la connaissance et préfèrent rester aveugles plutôt que d'ouvrir un oeil, ils en sont réduits à énoncer des bribes du catéchisme des puissants.
Je pense que cela est, au moins partiellement, inexact.
Les travaux de Snyder sont très intéressants, j'en conseille la lecture. Ce que dit Snyder n'est d'ailleurs pas entièrement nouveau : la "Shoah par balles" avait déjà été abordée, la question du massacre de populations slaves par les nazis aussi, de même que les exactions staliniennes. Snyder a le très grand mérite de fort bien argumenter, de prouver de façon incontestable et surtout de mettre tout cela en perspective.
Cela dit, Snyder limite volontairement son analyse à ces régions (appelées "Bloodlands" qui recouvrent la Pologne, la Biélorussie, l'Ukraine et quelques autres contrées).
Snyder ne nous parle pas du massacre des juifs occidentaux (Allemands et Hollandais, par exemple), totalement assimilés.
Il y a sans doute, de mon point de vue, deux formes dans cette haine nazie : celle qui est effectivement sous-tendue par le "Drang nach Osten", pour faire court ; celle, intellectuelle, du juif en général.
Zweig était parfaitement assimilé, Klemperer aussi. Lire Zweig et Klemperer nous montre bien cette haine intellectuelle.
Cet antisémtisme intellectuel n'est en rien comparable à la catophobie d'un Bergé, par exemple. Pour Bergé, un catho qui se renierait serait immédiatement paré de toutes les vertus, alors que pour les nazis l'athée Klemperer, officiellement protestant, était juif, quoi qu'il fasse.
Lisez "The Pity of It All", par Amos Elon (Requiem allemand). Il montre le drame des juifs assimilés, qui souvent n'étaient plus juifs à leurs propres yeux, face à l'antisémitisme intellectuel. Cet antisémitisme intellectuel, en Allemagne, a des racines très profondes, comme l'indique le nom même du sinistre mouvement "Hep-Hep".