Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué n° 1637 : Sur l’ouverture dominicale et nocturne des magasins et “grandes surfaces”

Sur l’ouverture dominicale et nocturne des magasins et “grandes surfaces”

Le parti de l’In-nocence appelle au respect et au renforcement des lois existantes visant à l’interdiction de l’ouverture dominicale des magasins et grandes surfaces, ouverture qui doit rester une rare exception. Elle est en effet un sûr emblème, en même temps qu’une des formes les plus pernicieuses, de la commercialisation générale de l’existence, elle-même manifestation patente de la décivilisation en cours. Il est significatif à cet égard de la voir présentée par ses partisans comme offrant, entre autres mérites, une “distraction” aux clients potentiels, dont il faut qu’ils soient bien désemparés et déculturés pour en avoir d’aussi médiocres : la prochaine étape est sans doute que cette “distraction” soit qualifiée, comme tant d’autres choses, de “culturelle”...

Le parti de l’In-nocence fait remarquer d’ailleurs à quel point la traduction spatiale, topographique, de cette commercialisation à outrance dit la vérité de ce qu'elle est en termes de civilisation et contribue à la fatale “banleucalisation” du territoire, son “devenir banlieue”. Attenter si fort à la terre, engendrer pareille laideur — les centres commerciaux, les grandes surfaces, leurs parcs de stationnement, les abords des villes et maintenant des bourgs et presque des villages... — ne peut pas ne pas être la marque d’activités et de principes fondamentalement nocifs pour l’espèce. Si le commerce électronique peut remédier en partie à cet état de choses, il y a tout lieu de s’en féliciter et de l’encourager.
Ne pas oublier la première ligne dans la fenêtre — son absence rend plus compliquée la diffusion.

D’autre part l’accès à ce forum est de nouveau très difficile. Ces problèmes sont trop fréquents. Ne faudrait-il pas envisager un changement de fournisseur d’accès ? Ou bien c’est la grande diffusion qui se venge ?
J'avais toujours lu chez Renaud Camus, sauf erreur, banlocalisation et non banleucalisation.

D'autre part, la deuxième phrase, celle qui commence par : Elle est en effet un sûr emblème ... n'est pas facilement compréhensible si on lit vite ou si on manque d'attention, car il faut faire un effort pour déterminer l'antécédent de Elle. J'aurais écrit, mais cela n'engage que moi : Celle-ci est en effet un sûr emblème...
Oui, mais Renaud Camus, comme souvent, avait tort — on (Emmanuel Michon, l’étymologiste) le lui a fait justement remarquer : il commetait une erreur sur l’étymologie de banlieue (lieu/lieue). Il s’est donc corrigé.

“Celle-ci”, de même que “cette dernière”, me semble à éviter autant que possible et devoir n’être utilisé qu’en tout dernier recours. Dans le cas particulier le sujet de la phrase a fait l’objet d’une répétition dans la phrase précédente, la dernière occurrence étant immédiatement antérieure à lui. Il ne me semble pas y avoir d’ambiguïté.
“Celle-ci” serait un peu lourd, je le crains.
Il y a aussi que "celle-ci" renverrait, en bonne logique, à "rare exception", et non à "ouverture dominicale".
(J'en profite pour approuver chaudement ce communiqué...)
Remarquez, la rare exception serait aussi un sûr emblème...
Pour ma part, je remarque avec plaisir que le PI semble de plus en plus souvent avoir à cœur d'être le garant de l'intégrité morale de l'espèce, et c'est une marque d’universalisme qui l'honore.

(À propos d'"espèce", dans le CNRTL : « C'est à cette même époque [le xviiies.] que paraît le terme nouveau d'espèce, par où l'on exprime le contraire des qualités qui constituent l'honnête homme. Je n'oserais pas affirmer qu'on ne pût trouver ce mot chez les écrivains du siècle précédent. Je ne me rappelle pas l'y avoir jamais vu; en revanche, je le rencontre sans cesse dans les livres de Chamfort, de Duclos, de Rivarol. Sarcey, Mot et chose,1862 »)

(Enfin, sortant hagard de l'enfilade interminable des fêtes, où tout est bouclé et atrocement maintenu en mort artificielle, je n'ai plus qu'un souhait, c'est que tous les jours fussent dorénavant ouvrables en une obscène béance jusqu'à la fin des temps.)
Motion en faveur de "banlocalisation".

Le lexique est plein de mots parfaitement honorables reposant sur une étymologie fautive ou approximative.

Banlocalisation avait (a toujours) quelque chose d'un peu fou* qui lui allait à ravir.

Tandis que banleucalisation est trop sage, laid dans ses sonorités, quasi imprononçable.

(*un peu fou : sans doute par association avec le "loco" espagnol)
Surtout, la "banlocalisation" est formée de deux mots qui existent en français, et se comprend sans peine.

"Banleucalisation" est fort bancal et, en tout cas, incompréhensible.

Mieux vaut dans ce cas partir de l'adjectif péjoratif "banlieusard" qui existe déjà et de créer "banlieusarder" (verbe) et "banlieusardage" (sur l'exemple de chapardage), "banlieusardement" (sur l'exemple de remplacement ou d'emmerdement).
Souscrivant à ce communiqué, je n'en suis pas moins sensible aux arguments d'Alain Eytan. L'otium, la poésie, la méditation et la vie de l'esprit peuvent avoir besoin de l'activité de la fourmilière spectaculaire, s'en accommoder fort bien, et l'ouverture permanente, le business sans interruption accommodent tout aussi bien le rêveur imprévoyant dépourvu de sens pratique. (Au Japon, et en Asie orientale en général, on peut faire ses courses à quatres heures du matin dans des grandes surfaces, pays où tout, toujours, est ouvert et dispos, pays de rêve pour le "poète" aux fringales impromptues et au réfrigérateur toujours vide, aux pulsions de sortie à des heures aberrantes et inciviles). Le repos dominical pour tous est aussi un cauchemar régimentaire ; le repos aux ordres, le loisir et la "culture" régis par le calendrier, le tous ensemble et en même temps au parc, au musée, au terrain de sport, sont assassins de la distinction et de l'élévation de l'individualité. Le quotidien sans hiatus, jour et nuit, en continu, l'activité universelle sans repos réparties entre tous les pans indiscernables de l'humanité (à chacun, à chaque menue classe ou corporation son jour de repos) m'ont toujours convenu, ne serait-ce que parce ce système exclut toute journée où l'humanité s'empresse de se divertir en même temps et s'oblige et m'oblige à la rejoindre sous peine de claquemurage misanthrope. Je reconnais que je ne suis pas normal, mais me réjouis paradoxalement de voir que grâce à Alain Eytan je ne suis pas tout seul.
Enfin, sortant hagard de l'enfilade interminable des fêtes, où tout est bouclé et atrocement maintenu en mort artificielle, je n'ai plus qu'un souhait, c'est que tous les jours fussent dorénavant ouvrables en une obscène béance jusqu'à la fin des temps.

Alain, à vous lire, on comprend que, depuis Montaigne, on est passé de la branloire pérenne à l'obscène béance par le truchement de l'enfilade interminable, est-ce cela ?

Je vous propose, Alain et François, que nous organisions en novembre ou décembre, en tout cas un dimanche quand il pleut, si possible en Normandie, c'est plus sûr, un séminaire. Il se tiendra dans la grande salle déserte, froide sombre et humide de l'hôtel de la Fauvette et du 4-septembre réunis. Il y sera procédé à la lecture à voix haute des grands grammairiens du début du XXème, de temps à autre notre regard se perdra par la fenêtre crasseuse sur une silhouette noire cheminant sous la pluie.

En soirée, nous regarderons "Le Corbeau", avant de nous coucher à neuf heures et demie dans des draps râpés et rêches à la fois, rôtant encore du festin de rôti de veau accompagné de bière trop froide et de nouilles trop cuites.

Dimanche

Dans la Manche

A Coutances

Est chiance.
Jean-Marc,

Si vous choisissez le dimanche de la Toussaint, on pourrait après la soupe au chou de midi, se faire une promenade au cimetière. Avec un peu de chance, on croiserait des veuves et peut-être même le corbillard d'un suicidé.

[[i]Francis[/i], my name is Francis, François, c'est l'autre, celui qui a réussi sa vie]
Je suis sûr qu'il a pensé à vous, en prenant ce prénom (cela montre d'ailleurs toute l'importance des prénoms : Roncalli, Pacelli, Montini, cela fait un peu pizzeria ; Jean XXIII, Pie XII, Paul VI, ça a de l'allure...).

Je trouve le dimanche suivant la Toussaint encore trop animé. Je préfère ces dimanches ou rien ne se passe, où le seul bruit est celui des giffles sur les joues des enfants, ces dimanches de la France d'avant chère à notre coeur à tous.

Je me répète : il est nécessaire qu'il pleuve. Dès que l'espoir du soleil paraît, le père prépare la Dauphine, la mère les cornichons et tout le monde part pour la promenade au soleil obligatoire, avec pique-nique. Les enfants savent qu'ils seront battus après le régime apéro-apéro-vin-digestif, mais ne savent pas encore pourquoi. Les dimanches pluvieux, il sont battus, mais au moins ils n'ont pas à se déplacer.
L'otium, la poésie, la méditation et la vie de l'esprit peuvent avoir besoin de l'activité de la fourmilière spectaculaire, s'en accommoder fort bien, et l'ouverture permanente, le business sans interruption accommodent tout aussi bien le rêveur imprévoyant dépourvu de sens pratique.

Eh bien, mais si l'otium, la poésie, la méditation et la vie de l'esprit ont à ce point besoin de l'activité de la fourmilière spectaculaire, ils disposent de six jours pleins par semaine à cet effet.
Cinq. Le samedi, Alain mange le Choulent, et passe l'après-midi effondré sur son lit, à le digérer.
C'est pas assez Dangle. En matière d'évasion constructive, le repos du septième jour anéantit la construction des six autres. L'évasion constructive et la permanence du repli sur soi, souhaitées face à la fourmillière que l'on voudrait non moins permanente n'est pas une attitude chrétienne face au prochain, hélas, ne constitue pas un mode urbique d'organisation de son temps; elle témoigne d'un dérèglement profond, et d'un décalage têtu et systématique entre le temps sien que l'on se forge dans la solidité des heures égales bien qu'anarchiquement brisées et le temps public et calendérique que l'on doit subir par le contact d'autrui, j'en a bien conscience. Dans mon cas, tout a commencé enfant, par des absences récurrentes à la messe dominicale, depuis, mon existence n'est plus qu'une longue extraction de la société des hommes, tantôt haute, l'extraction, tantôt basse, jamais sûre d'un dimanche à l'autre. Mais je dois être un peu particulier.

Bon, si vous voulez, on se voit tout à l'heure au club pour en reparler. Anyone for tennis ?
Citation
Francis Marche
Souscrivant à ce communiqué, je n'en suis pas moins sensible aux arguments d'Alain Eytan. L'otium, la poésie, la méditation et la vie de l'esprit peuvent avoir besoin de l'activité de la fourmilière spectaculaire, s'en accommoder fort bien, et l'ouverture permanente, le business sans interruption accommodent tout aussi bien le rêveur imprévoyant dépourvu de sens pratique. (Au Japon, et en Asie orientale en général, on peut faire ses courses à quatres heures du matin dans des grandes surfaces, pays où tout, toujours, est ouvert et dispos, pays de rêve pour le "poète" aux fringales impromptues et au réfrigérateur toujours vide, aux pulsions de sortie à des heures aberrantes et inciviles). Le repos dominical pour tous est aussi un cauchemar régimentaire ; le repos aux ordres, le loisir et la "culture" régis par le calendrier, le tous ensemble et en même temps au parc, au musée, au terrain de sport, sont assassins de la distinction et de l'élévation de l'individualité. Le quotidien sans hiatus, jour et nuit, en continu, l'activité universelle sans repos réparties entre tous les pans indiscernables de l'humanité (à chacun, à chaque menue classe ou corporation son jour de repos) m'ont toujours convenu, ne serait-ce que parce ce système exclut toute journée où l'humanité s'empresse de se divertir en même temps et s'oblige et m'oblige à la rejoindre sous peine de claquemurage misanthrope. Je reconnais que je ne suis pas normal, mais me réjouis paradoxalement de voir que grâce à Alain Eytan je ne suis pas tout seul.

Je souscris pratiquement mot à mot à cela ; et considère sérieusement aller m'installer en haut d'une tour à Hong-Kong, Tokyo ou Shanghai, en plein milieu d'une de ces métropoles crues modernes et sans interruption que décrit Francis Marche. Si la paix absolue est désormais impossible, au moins sera-t-on plus tranquille parmi une foule affairée.

De même, je connais peu de sources de nuisance aussi redoutables que la distraction réglementée et imposée des actifs désœuvrés sévissant en nuages déprédateurs de sauterelles festives. Ce qui me permet de relever là aussi un contradiction : comment se désoler si amèrement des effets de la vacance de masse, et souhaiter pour tous le même jour assigné au "repos", par contrainte légale ?
(Où l'on retrouve d'ailleurs le même problème que celui du jour du Kippour : si tous étaient ce jour-là aussi parfaitement recueillis et battant muettement leur coulpe, en accord avec l'arrêt total de tout bruit ambiant ordinaire, cela pourrait se concevoir et même être agréable ; mais que nenni ! l'absence de circulation fait que les rues, du moins dans les quartiers "laïques", sont envahies par des grappes d'enfants hurleurs à bicyclette, l'on sort en famille et cela papote dans tous les coins, quand la moindre parole est insupportablement amplifiée par l'absence de fond sonore. L'horreur !)
Cette idée commune à Francis et Alain est développée par Doeblin, dans Berlin Alexanderplatz.

Je ne suis pas loin de penser comme eux : devenu un grand usager de transports en commun, je découvre que dans le bruit général aucun bruit particulier ne peut m'atteindre et que je suis bien plus concentré pour lire, par exemple, que dans le calme d'une pièce.
C'est le principe de la neutralisation d'un bruit par une autre source sonore en opposition de phase : la stridence trop localisable et personnelle d'un proche voisin, par exemple, est plus ou moins grandement atténuée par un fond sonore diffus et impersonnel qui tend à l'annuler.

(Cher Jean-Marc, je ne suis pas très porté sur la cuisine ostjude en général (encore que le Tchoulent soit un cas un peu à part, participant de la nature salmigondesque des cassoulet, chili con..., feijoada et autres stews que j'apprécie beaucoup) ; non, ce qui me fait le plus saliver dernièrement, c'est très banal de le dire, ce sont les cuisines extrême-orientales surtout, le sucré-salé ciselé et pimenté. Il me prend parfois des envies simples de gambas à la sauce piquante qui sont pratiquement inassouvissables à Jéru, ou si mal, que faire ?)
Ouais... Notre trio d'acrobates nous livre là un de ses tours de paradoxe dont il a le secret... Plus il y a de bruit et de fureur, mieux on peut trouver la paix, en quelque sorte. Je vous laisse à ces constructions intellectuelles, Messieurs, et retourne à mes dimanches matin où chantent la cloche et l'oiseau.
Vous savez, on dit bien que la vie is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing.
Le problème, c’est que la position du trio n’est pas du tout une position politique. C’est une position intellectuelle, éventuellement séduisante, une position de dandy, une position post-moderne si l’on veut mais dont la portée est uniquement individuelle, et personnelle. A partir de cette idée (la sérénité dans l’agitation — et, à cet égard, l’exemple de villes orientales, et plus particulièrement japonaises, semble convainquant —, on peut penser à Lost in Translation mais c’est un peu l’anti-exemple), on ne peut élaborer aucune politique, on ne peut rien construire qui soit valable pour une société, pour de larges pans de la population. En ce sens, toute attirante qu’elle soit, cette idée ne peut être défendue que par des individus et certainement pas par un parti politique.
03 octobre 2013, 19:02   en plein Chagall
..où chantent les cloches et sonnent les oiseaux peut-être ?
03 octobre 2013, 19:05   Re : en plein Chagall
Erreur Leroy... grave erreur, puisque des centaines de millions d'hommes et de femmes, pas plus malheureux que les Français chez qui l'on fait fermer des magasins le dimanche, vivent en société efficacement ainsi depuis des lustres, au Japon en particulier, et pas qu'à Tokyo d'une manière qui est exactement celle qu'Alain Eytan et moi vous évoquons.

Un bon conseil d'ami, qui vaut ce qu'il vaut : mettez toutes vos affirmations d'ordre politique à l'épreuve des faits, meilleur moyen d'en dissiper le nuage d'idéologie.
Utilisateur anonyme
03 octobre 2013, 19:12   Re : en plein Chagall
Pourquoi dites-vous : « des Français chez qui l’on fait fermer des magasins le dimanche » ? Il ne s’agit pas d’en faire fermer, il s’agit que des magasins n’ouvrent pas ! Et puis, je ne vois pas en quoi, au prétexte qu’au Japon, telle chose est possible, cela voudrait dire qu’elle est possible en France. J’ajoute que le dimanche est le jour du Seigneur, et que les gens feraient mieux de rester lire chez eux plutôt que de courir le Leclerc ou le Carrefour du coin.
03 octobre 2013, 22:55   Re : en plein Chagall
Ah... ben la mienne non plus, elle n'est pas politique, de position... Zut. Je croyais qu'il s'agissait de métaphysique, moi, nouille !
04 octobre 2013, 03:53   Tout ou presque dans la tête
Citation
Pierre-Marie Dangle
Ouais... Notre trio d'acrobates nous livre là un de ses tours de paradoxe dont il a le secret... Plus il y a de bruit et de fureur, mieux on peut trouver la paix, en quelque sorte. Je vous laisse à ces constructions intellectuelles, Messieurs, et retourne à mes dimanches matin où chantent la cloche et l'oiseau.

Je ne crois pas que ce soit "intellectuel" : une cloche est tout aussi bruyante qu'un aboiement de chien ; pourtant la première ne vous dérange pas, mais le second beaucoup (enfin, quelques-uns tout du moins). C'est qu'il y a toujours du bruit, c'est-à-dire du son, le silence réel, s'approchant de l'absolu, est pratiquement une vue de l'esprit (sauf peut-être à l'heure bleue, en plein désert), aussi le caractère nocent d'un son lui est certainement conféré en vertu d'autres propriétés que sa stricte intensité, l'identification de la nuisance est beaucoup plus compliquée que cela, il doit y avoir là aussi certaine reconnaissance de formes auditives préalablement catégorisées comme dérangeantes, parmi d'autres considérées comme indifférentes... Le principe, d'une simplicité enfantine et rien moins qu'intellectuel (God forbid !) consiste, dans nos environnements toujours bruyants, à utiliser les sources sonores "inoffensives" afin d'émousser, comme tampon, celles qui nous agressent.
Cher Eytan, quand on enfonce des portes ouvertes, ça fait aussi du bruit.
Et alors, quand en plus les portes ouvertes claquent après avoir été enfoncées, je ne vous dis pas...

Je suggère, Alain et Francis, qu'en hommage à M. Dangle notre trio soit nommé triangle, seule figure géométrique plane qui fasse du bruit. Hommage au triangle, donc.
Tripolaire serait pas mal non plus.

A l'ami Leroy:

Vous craignez trop la contradiction, j'entends la contradiction dans le réel, l'hétérogéniété foncière de l'être humain, jamais là où on l'attend.

Tenez, voici une bribe d'il y a cinq ans, sur le sujet de ce fil: je continue de penser ce que j'écrivais il y a cinq ans, tout en persistant dans ce que je vous écris aujourd'hui. Cette contraction mienne reflète celle du réel, qui connaîtra sa solution dans les temps futurs, auxquels ni vous ni moi n'avons accès :

[www.in-nocence.org]
C'est incroyable Dangle, ce don que vous avez pour me donner envie de me faire l'avocat du diable.

Des études statistiques ont montré, au grand étonnement général, que le pays au monde où les femmes vivent le plus longtemps, était... Hong Kong ! ville qui possède le record du monde de longévité féminine. Cité dont l'atmosphère est l'une des plus polluées au monde, où tout s'agite en tous sens vingt-quatre heures sur vingt-quatre, où chacun tient deux ou trois emplois, mais où atteint l'âge canonique, les dames se trouvent mille activités dans lesquelles oublier le vieillissement (charité, bouddhisme social et militant, études de métaphysique chinoise, calligraphie, gymnastique pour vieillard, petits enfants à sortir, enseignement de la cuisine, dans l'extrême facilité de déplacement de cette ville où personne ne connaît le besoin pratique d'une auto).

La campagne, c'est mortel, ce verdict tant de fois entendu possède aussi un sens littéral : la campagne abrège la vie.

Les gens qui aiment la campagne, qui en professent les vertus, ne la connaissent pas, ou plutôt, s'ils la connaissent ce n'est jamais parce qu'il y auront passé leur jeunesse, même en partie; jamais ils n'auront vécu indéfiniment dans une de ces campagnes où c'est Toussaint toute l'année. Jamais ils n'y ont eu les deux pieds; toujours, l'amour de la campagne est professé par qui se tient au moins un pied dans une grande ville, qu'il maudit souvent, mais qui lui offre cette contrepartie, ce loisir, de pouvoir vanter les "charmes" de la campagne et celui des cloches qui sonnent à l'unisson des oiseaux (comme dans ce petit village que vous adoreriez, Dangle : Zeugma, en Croatie, sur la côte dalmate, dont le maire, le sympathique et pittoresque M. Anacoluthe n'a pas son pareil pour vanter les charmes).
Le record du monde de longévité féminine ne m'intéresse nullement, Marche. Pardonnez ma grandiloquence, mais nous ne sommes pas sur terre (pas moi, en tout cas) pour battre des records du monde de longévité. Vos références extrême-orientales sont certes très intéressantes à titre documentaire, mais elles non plus ne me concernent en rien quant à ma façon, tout occidentale — ou, devrais-je dire, archéo-occidentale, pour parer aux objections qui trépignent — d'habiter le monde.

Je ne vous suivrai pas non plus sur votre faux débat concernant la "campagne" : il ne s'agit pas du tout de cela (j'espère que vous n'êtes que de mauvaise foi quand vous bottez en touche de la sorte...), mais de la commercialisation générale de l’existence et de la "banlocalisation" effrénée du territoire, comme le dit justement le texte du communiqué qui fait l'objet de ce fil.
Hélas, le communiqué en tête de ce fil de discussion dit "banleucalisation", je suis sûr que M. Dangle a écrit "banlocalisation" sans y penser, comme une évidence, preuve que ce mot avait gagné sa légitimité définitive et n'a pas à être délogé tardivement par une variante "étymologiquement correcte".
D'accord avec Monsieur Dangle, de cœur et de raison. (pour "banlocalisation" aussi)
04 octobre 2013, 23:27   Du sens de "indéfiniment"
On devrait voter, comme dans les sondages du Figaro en ligne. Le camp Dangle-Piron marque des points. Réveillez-vous les autres !

De manière plus générale, ou par digression, ou par approfondissement de la question, Modernoeud ne connaît pas, ou s'il l'a connu a oublié, l'état que désigne l'adverbe français indéfiniment. Celui qui n'a jamais vécu cet état, qui n'a jamais été pénétré de son sens, émet des jugements finis, limités, dans l'ignorance du caractère possiblement indéfini de leur portée. Il est aveugle à leur éventuelle portée, n'en connaît ni la valeur ni l'absence de toute valeur; celui qui n'a jamais rien vécu indéfiniment se tient dans un monde d'idées et de considérations borné comme par le verre d'un bocal.

Celui qui n'a jamais été captif indéfiniment, en exil indéfiniment, enchaîné au labeur indéfiniment, à la campagne indéfiniment, qui n'a jamais subi l'opprobre public indéfiniment, été souffrant ou handicapé indéfiniment, en guerre indéfiniment, qui n'a jamais perdu sa patrie indéfiniment, sa maison, ses biens, ses proches, les lieux de son enfance indéfiniment, qui de toute son existence ne s'est jamais trouvé que dans des états agréables ou désagréables dont la voie de sortie lui était balisée, qui n'a en bref jamais été enfermé par la sourde et impalpable clôture que dresse indéfiniment autour de soi, devrait en un mot se garder de tout jugement éthique et se tenir en toutes choses généralement et foncièrement pour incompétent devant ses contemporains.
Il devrait être interdit d'édicter le rythme de vie des hommes, de dire le Bien dans ce domaine, à celui qui n'a pas été pris dans l'expérience du temps indéfini. L'expérience de l'indéfiniment devrait seule autoriser de parole quiconque désire se prononcer sur les limites de durée et les coupures à fixer pour rythmer optimalement le temps des hommes et les affairements collectifs. Dans les sociétés traditionnelles, chez nous jusqu'à la venue de l'âge chrétien et son injonction du repos du septième jour, cette parole a été réservée au divin ou à la sagesse ancienne (calendriers agraires de la Chine ancienne). Le syndicat CGT, l'Assemblée nationale et le gouvernement Ayrault ne ressortissent pas au divin et ne sont dépositaires d'aucune sagesse ancienne.

Les monothéismes abrahamiques demeurent la référence absolue dans ce domaine, celui de l'ordonnoncement d'un repos collectif, institutionnellement et uniformément réglementé, celui d'un temps collectif et social découpé serré par des repos hebdomadaires obligatoires; hors de l'influence de ces religions, des centaines de millions d'humains s'accommodent d'un ordonnancement du temps collectif tout autre; dans ces calendriers, seules une poignée de journées par an sont réservées à la vacance collective absolue.

Ce rythme oriental est bien moins contraignant pour l'individu que le rythme abrahamique; il lui confie le soin de se défaire à sa guise de l'emprise de son indéfiniment (de travailler d'arrache-pied indéfiniment comme de flâner indéfiniment dans la suite ininterrompue des jours, et de briser et de se déprendre à sa guise et à son gré de tout programme de vie provisoire qu'il se sera composé de la sorte).

Revendiquer le rythme abrahamique, sur les injonctions duquel sont venues se greffer des "conventions collectives" dans le monde du travail, comme "façon archéo-occidentale d'habiter le monde", c'est s'abuser à bon compte : cette façon "archéo-occidentale" ne me convient point, cela doit-il donc m'exclure de ce monde ? L'aversion que j'éprouve pour les dimanches à la française fait-elle de moi un Oriental ?
Francis,

Il y a, chez certains, une volonté d'encadrer, de dire aux autres ce qu'il faut faire : on ne veut pas faire ses achats le dimanche, donc on empêche les autres de les faire.
Sans doute, mais il faut ajouter à cela une autre dimension, plus profonde, qui a trait non à des conceptions de l'homme (ou qui serait imputable à un paternalisme politique arc-bouté sur la tradition abrahamique) mais à une manière politique et sociale d'appréhender tout service et que l'on pourrait résumer, dans le cas français, par l'adage "la médecine faite pour les médecins", comme par exemple les taxis parisiens, qui existent pour accommoder les besoins de la corporation des chauffeurs de taxi parisiens, laquelle impose au nombre des licenciés un numerus clausus qui garantit la pénurie des taxis dans la ville et donc le maintien de tarifs élevés.

La coutume "archéo-occidentale" (laissez-moi pouffer) de l'interruption collective de toute activité un jour entier par semaine contient la concurrence, sert les monopoles et soutient les prix, et oblige les travailleurs à faire la queue, à courir comme des damnés pour ne pas manquer les heures rares et très courues où le magasin est ouvert, et à s'abrutir dans la foule en faisant la queue les jours où il consent à les accueillir. Le Capital y trouve son compte : la fourmillière qui le sert n'en est que plus obligée et contrainte, contrairement à ce que soutiennent les suppôts de ce système pour qui celui-ci serait "favorable aux travailleurs et respectueux de leurs temps de repos".
à Leroy qui m'adresse des accusations de dandysme, ce versant matérialiste (et quasi-marxiste) de la vérité sur la question: la fermeture obligatoire, ou en tout cas réglementaire, des commerces de droit français le dimanche est une expression de la tradition monopoliste et paternaliste du capitalisme français. Tout le reste n'est que grossier enfumage : le respect du repos des travailleurs une fourberie; celui des rythmes abrahamiques traditionnels ou sacrés un commode et hypocrite prétexte, ou dispositif auxiliaire, à l'asservissement des travailleurs à un découpage du temps anti-concurrentiel favorable aux intérêts des cartels.

(Pour ceux qui auraient besoin qu'on leur explicite ce point : qui dispose d'une durée prolongée (deux jours de week-end ou lieu d'un) pour accomplir son acte d'achat a le loisir de comparer les qualités et les prix des articles; qui a le loisir de comparer les prix grâce à une moindre presse est davantage en mesure de faire jouer la concurrence, etc.)
05 octobre 2013, 13:01   Pouffons
"Acte d'achat", "concurrence", "prix", "commerce", "magasins", "articles"... Business as usual. "Indéfiniment".
Une question pour Marche : pourquoi parlez-vous, à propos du dimanche chômé, de « rythmes abrahamiques traditionnels ou sacrés » ? Il s’agit d’un dispositif purement chrétien, qui a un pedigree des plus intéressants, depuis l’apocryphe chrétien génialement intitulé Lettre de Jésus-Christ sur le dimanche, et tombé du ciel (littéralement) à Rome, à Jérusalem, on ne sait plus trop, jusqu’au message de Notre Dame de la Salette (1846) : « Si la récolte se gâte... » [c’est parce que vous ne respectez pas le dimanche].
Cher Henri, que pensez-vous des restaurants ouverts le dimanche ?
Je pense, cher Jean-Marc, qu’il faut guetter s’il ne nous retombe pas sur l'occiput quelque lettre écrite en grec sur une feuille d'or, et signée par un Christ furibard, nous avertissant que la tentative des grandes surfaces spécialisées de bricolage et de décoration d’ouvrir le dimanche va nous attirer des mesures de rétorsion sévères.
05 octobre 2013, 13:19   Re : Pouffons
à Dangle : puisque décidément vous n'entendez rien à rien, je suis bien obligé de changer de registre, de changer de langue pour vous présenter les faits sous un autre jour. Et puis au moins, avec cette langue-là, on ne me reprochera plus je ne sais quel "dandysme".

Et puis zut ! si vous ne voyez en toutes choses que des mots et êtes incapable de suivre un raisonnement ce n'est tout de même pas de ma faute !
à Chatterton: j'use du terme "rythmes abrahamiques traditionnels ou sacrés" en référence aux trois monothéismes qui prônent un jour de repos hebdomadaire. Les calendriers orientaux agraires, païens, ne connaissent pas le repos hebdomadaire réglementaire et le calendrier attique, jusqu'à plus ample informé, ne le prévoyait pas davantage.
Mais la question du vendredi chômé et celle du samedi chômé ne se posent pas chez nous.
Certes, mais celle du dimanche chômé se pose en corrélation avec celle du samedi chômé et du vendredi chômé si l'on se penche sur leurs racines abrahamiques commune en opposition structurelle avec le calendrier païen, ou bien non ? Ou bien faut-il que je fasse ici un dessin avec des crayons de couleur pour espérer être entendu à minima ?
« Accusations de dandysme » ! Ha ha !
Certes, mais celle du dimanche chômé se pose en corrélation avec celle du samedi chômé et du vendredi chômé si l'on se penche sur leurs racines abrahamiques commune en opposition structurelle avec le calendrier païen, ou bien non ?

Je suis embarrassé pour vous répondre car la question est complexe, mais ce serait plutôt non. Les judéo-chrétiens observaient naturellement le sabbat, mais l’Église a rapidement condamné les fidèles soupçonnés de « judaïser » (concile de Laodicée, canon 29). La liaison entre sabbat et dimanche est faite chez certains protestants, mais certainement pas chez les catholiques.

Et Constantin établit le dimanche en continuité avec le calendrier... païen (c’est le jour du soleil).
Le problème, c’est que la position du trio n’est pas du tout une position politique. C’est une position intellectuelle, éventuellement séduisante, une position de dandy, une position post-moderne si l’on veut mais dont la portée est uniquement individuelle, et personnelle.

Ha ! Ha ! comme vous dites Leroy. Nous connaissons à présent la vôtre, de "position politique", résumée en ces deux syllabes.

Vous êtes tous agaçants comme des mioches ou des cancres obstinés et qui s'échappent dans la potacherie à la moindre difficulté. Assez perdu mon temps.

Rideau et bon vent.
05 octobre 2013, 14:24   Re : Pouffons
Citation
Francis Marche
à Dangle : puisque décidément vous n'entendez rien à rien, je suis bien obligé de changer de registre, de changer de langue pour vous présenter les faits sous un autre jour. Et puis au moins, avec cette langue-là, on ne me reprochera plus je ne sais quel "dandysme".

Et puis zut ! si vous ne voyez en toutes choses que des mots et êtes incapable de suivre un raisonnement ce n'est tout de même pas de ma faute !

Soyez patient, cher Marche, je fais ce que je peux...

(Je propose que l'on instaure sur ce Forum, un peu à l'instar du désormais fameux "point Godwin", un "point Marche".)
Utilisateur anonyme
05 octobre 2013, 18:01   Re : Pouffons
Roooh ! Ne vous vexez pas encore, Marche ! Ces deux syllabes portaient sur le mot “accusation”. Je ne vous accuse de rien, enfin ! Je notais simplement qu’il y a un quelque chose de dandy à envisager la déambulation paisible au milieu des sirènes des voitures de polices, des cris des livreurs, des ronronnements de moteurs, des hurlements (lumineux et sonores) de la publicité. Je ne vois pas comment on pourrait le nier. Sur le fond, vous dites que des millions de gens vivent en société de cette façon (cette façon étant de s’accommoder de l’omniprésence de tout, de l’omniouvertrure, de la perpétuelle activité). Vous avez bien raison, mais ce que vous mettez en avant n’est pas français (si je puis me permettre). C’est extrême-oriental, c’est asiatique, c’est peut-être aussi un peu américain mais ce n’est pas français. La discussion que vous avez lancée sur les calendriers et leurs différentes inspirations est passionnante, cher Marche ; pourquoi l’interrompre ? (Et on ne vous reproche aucun dandysme !)
A la lecture de cet intéressant échange me revient en mémoire une belle lettre de Descartes à son ami Guez de Balzac, qui préférait vivre dans son château à la campagne. Descartes lui vantait l'anonymat et la tranquillité profondes qu'un philosophe trouvait à vivre à Amsterdam, au milieu de la foule affairée où il jouissait de la solitude de ses pensées. Il ajoutait qu'à la campagne, un gentilhomme ne pouvait se passer de recevoir des visites et de les rendre, sans parler d'une foule de devoirs sociaux assommants.
Puisqu’avec son message Henri Bès ramène la conversation sur la question du rapport qu’on peut entretenir à la campagne, j’en profite pour exprimer mon total accord avec Francis Marche. L’amour porté à la campagne ou, du moins, le goût pour elle, ne peux exister vraiment qu’au second degré ou, pour le dire autrement, à moitié. Ce n’est pas tant la campagne qu’on aime, c’est la possibilité d’en jouir (or, la campagne n’est pas que jouissance, les (vrais) campagnards le savent bien — mais rassurons-nous, elle disparaît à grande vitesse).
Ce fil m'étonne grandement. Quelqu'un trouve-t-il qu'il y a encore des dimanches ?
La semaine passée, je suis allé aux champignons en forêt. En sortant de chez moi, il y avait le vide-grenier, gentiment franchouillard. C’était un dimanche.
... qui aurait pu être un samedi.

(Vous avez déniché quelque chose ?)
Non, vraiment : il y avait quelque chose de particulièrement dominical. Majoritairement les gens ne travaillent pas, ils sortent de chez eux pour faire quelque chose de gratuit. C’est peut-être bête, bêta, mais c’est une vérité.

(Oui.)
Je suppose qu'il y a encore des "dimanches fonctionnels", c'est-à-dire un "jour chômé" pour la très grande majorité des travaileurs, avec tous les désagréments qu'implique forcément le désœuvrement forcé de l'oisif du dimanche.
Mais pourquoi le dimanche chômé (qui m’apparaît tout de même comme une évidence, une des plus indéboulonnables) serait-il forcément synonyme de désœuvrement ? On peut faire toute sorte de choses, le dimanche : se promener, se reposer, lire, pêcher, chasser, faire du sport, rendre visite à sa famille, faire du jardinage, du bricolage, regarder un film, écouter de la musique, écrire, aller au musée, faire du tourisme, visiter une exposition, faire du tuning sur sa voiture, que sais-je encore... C’est tout de même incroyable de mettre au centre de sa réflexion le désœuvrement, comme s’il était une fatalité !
Citation
Henri Chatterton
Certes, mais celle du dimanche chômé se pose en corrélation avec celle du samedi chômé et du vendredi chômé si l'on se penche sur leurs racines abrahamiques commune en opposition structurelle avec le calendrier païen, ou bien non ?

Je suis embarrassé pour vous répondre car la question est complexe, mais ce serait plutôt non. Les judéo-chrétiens observaient naturellement le sabbat, mais l’Église a rapidement condamné les fidèles soupçonnés de « judaïser » (concile de Laodicée, canon 29). La liaison entre sabbat et dimanche est faite chez certains protestants, mais certainement pas chez les catholiques.

Et Constantin établit le dimanche en continuité avec le calendrier... païen (c’est le jour du soleil).

Il me semble pourtant que Francis a raison sur ce point essentiel : peu importe de quel jour précisément il s'agit, si le principe de l'impostion du repos repose (pardon) sur une commémoration relative à la création : que celle-ci soit l'"ancienne" ou la "nouvelle", après tout peu importe, eu égard à ce principe, qui consiste en une congratulation célébrant le travail fourni par le Créateur, un service rendu (tu parles !), méritant son juste repos, à l'imitation mémorielle de quoi nous serions donc astreints.
Cher Jean-Michel, on ne peut à la fois brandir si haut le "principe d'inégalité" (des gens face au monde, à la vie, à la culture etc.) et prétendre que le loisir du "peuple", as a whole et en même temps, soit une si bonne et belle chose et point une calamité...
Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas dire en même temps qu’on est très attaché au principe d’inégalité, à l’existence d’une classe (plus) cultivée, érudite, et qu’on considère que le “petit peuple” peut se distraire de façon in-nocente (sans pour autant que ses distractions soient d’une très haute élévation spirituelle, morale ou esthétique). Pourquoi les loisirs du petit peuple seraient-ils nécessairement une calamité ? Vous confondez, je crois, la “classe populaire” — donc Cassandre a souvent fait l’éloge ici — et la réalité de la masse hébétée qui peuple la France de nos jours.
Eh bien, disons que je crois là aussi plutôt à l'apparence, et en vertu justement du soi-mêmisme tant décrié, considère que cette "réalité de masse", aussi hébétée soit-elle, constitue la vérité de ce que vous appelez le "petit peuple". Plus précisément, qu'elle constitue l'expression et la manifestation de ce peuple, aussi authentique qu'elle puisse l'être, dans le cadre de ce que l'époque produit et met à disposition comme moyens médiologiques d'expression. Mais ce n'est pas une restriction, parce que je conçois guère de peuple hors les circonstances historiques particulières de sa manifestation.
Soit, cher Alain, mais il y a des états de société très différents qui produisent des états de "petit peuple" très différents. La passion de l'égalité, le rabotage sont ici dévastateurs.

« J'avais des copains d'école primaire qui étaient devenus mécanicien, peintre en bâtiment, tourneur-fraiseur et que je ne tenais pas, loin s'en faut, pour affligés d'une infirmité de l'esprit ou du cœur ou de ces deux organes, comme le sont la plupart des gosses de CPPN [classe pré-professionnelle de niveau qui accueillaient des élèves de collèges en échec scolaire de 1972 à 1991 MM]. Bien sûr, j'avais leur âge. Je n'étais pas devenu professeur. Je n'avais pas une vision scolaire des gens, du monde. Mais quelque chose, à coup sûr, a changé. Une petite fraction de ma génération accédait au lycée. Une bonne partie prenait un emploi dès quatorze ans. L'école n'avait que des effets limités, encore, sur la "reproduction", l'identité des gens, leur destinée. Les choses vous administraient leur précoce et sévère leçon. Je me souviens distinctement du sérieux, de la finesse que je trouvais à tels de mes copains qui travaillaient cinquante heures par semaine entre ciel et terre, à repeindre des façades, ou alors penchés sur des moteurs ou couchés à même le ciment, sous des châssis de voiture ou de camion. Aujourd'hui c'est l'inverse. Toute une classe d'âge entre en sixième et ceux qui se retrouvent dans les filières d'enseignement professionnel, si le mot d'enseignement convient encore, sont des instables, des demeurés, des cas sociaux. Dans dix ou vingt ans [c'est-à-dire aujourd'hui, MM], des corps de métier entiers n'emploieront plus que le rebut du système éducatif, tous les talents, les vertus qui leur avaient conféré valeur et dignité, jusqu'ici, disparus. »

Pierre Bergounioux, Carnets de notes, entrée du 21.3.1985
Désespérante observation. On peut ajouter le faux compassionnel de l’inspection générale (pas différent du faux compassionnel des médias ou des autres pouvoirs). Quelle que soit la filière, il faut la saboter en réduisant les exigences, sous prétexte de donner leur chance aux moins bons. Et comme on donnera forcément le diplôme à (presque) tout le monde, ce diplôme se dévalue. C’est malhonnête vis-à-vis des jeunes en formation, vis-à-vis des professeurs qui consacrent leur vie à les former, vis-à-vis des entreprises qui emploieront ces jeunes, mais cette malhonnêteté est déguisée en générosité. Les entreprises s’adaptent, et découvrent par exemple qu’un « bac + 2 » ça ne sait pas faire grand chose, que ça fera, au mieux, un vendeur...
ne peut pas ne pas être la marque d’activités et de principes fondamentalement nocifs pour l’espèce.

Le diable a gagné: les églises sont vides et il y a la queue (la queue...) à Bricorama.
Il est aussi effarant que frustrant d'entendre à présent Pierre Bergounioux en appeler à encore plus, toujours plus d'égalité pour réparer les ravages qu'il raconte si bien ici. Des implants bourdieusiens plein la tête, il ne voit pas que la cause du désastre, que ce qui a conduit à lui, c'est précisément cette injection massive d'égalité dans l'éducation.
Position 1 : horreur des dimanches (et des lundis), souvent mornes, horreur de leurs petits bruits de tondeuses, horreur de cet espèce de relâchement généralisé et presque commandé...

Position 2 : bienfait de l'alternance, de la respiration, de l'oisiveté, du loisir, du vide etc., et nécessité de suspendre le commerce, ne serait-ce qu'un seul jour par semaine...

Position 3 (aquoiboniste) : quelle différence entre deux heures dans les rayons d'Ikéa et une après-midi à Disneyland ou sur les quais de la rive gauche aménagés par Delanoë, avec jeux, animations et sonorisation ?

Selon l'humeur, je passe d'une position à l'autre.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter