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La lutte et la défaite

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 09:18   La lutte et la défaite
Le Monde est à lire pour une tribune comme celle-ci, écrite par la responsable de la crèche Baby-loup, crèche qui a beaucoup fait parler d'elle (quelques lectures de cette affaire ici, ici et ici).

Tout y est : communautarisme, menace, pouvoirs des juges, renoncement, défaite.

Cette dame a beaucoup de courage et elle ne me semble pas soutenue comme elle le devrait : où sont toutes ces associations toujours promptes à défendre la veuve et l'orphelin ? Des personnalités s'étaient mobilisées au moment du procès mais c'est aujourd'hui qu'il faut la soutenir.

"Crèche Baby-Loup, le départ

Le communautarisme et l'intimidation ont eu raison de la garderie des Yvelines, qui met la clé sous la porte.

Depuis le début de ce qu'il est désormais convenu d'appeler " l'affaire Baby-Loup ", notre équipe était déjà victime régulièrement des insultes, des menaces, du vandalisme ou de la diffamation sur son terrain historique - Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Mais la force publique était de son côté. Avec l'arrêt de la Cour de cassation du 19 mars, qui a rendu pour la première fois illicite son ambition de laisser les effets religieux à la porte de sa crèche, la contestation a pris un nouveau visage, parée de l'assurance de la légitimité.

Aux hostilités extérieures et anonymes qui s'exerçaient jusqu'alors se sont ajoutées des altercations dans l'enceinte même de l'établissement, prenant pour acteurs certains parents avec lesquels nous travaillions pourtant depuis des années dans la confiance et sans heurts, et qui sont devenus soudain des ardents défenseurs de revendications singulières que l'on serait aujourd'hui " obligés par la loi " de mettre en oeuvre.

Prises au sérieux, celles-ci impliqueraient pour nous de séparer les enfants en fonction des modes de vie décidés par leurs parents, d'en exclure certains des jeux ou fêtes jugés impropres à telle ou telle religion, d'en isoler d'autres au moment du repas pour les prémunir de goûter (et même de toucher) des aliments défendus, de réglementer les modalités du sommeil selon diverses habitudes arbitraires... au mépris des envies et des besoins que les pédiatres et pédopsychiatres éclairent de leurs préconisations.

Rappelons que l'affaire débute en 2008, lorsque notre crèche associative signale à l'une de ses employées, revenant d'un congé parental avec de nouvelles exigences religieuses, qu'elle ne peut pas exercer ses activités auprès des enfants en portant un voile ample conjugué à une tunique. En effet, le règlement intérieur du personnel prescrit depuis sa création, conformément à ce que la Caisse d'allocations familiales demande à l'ensemble de ses partenaires, la neutralité politique et confessionnelle.

Après deux instances favorables à ce positionnement (les prud'hommes de Mantes-la-Jolie et la cour d'appel de Versailles), Baby-Loup voit que cette année la justice semble donner raison aux allégations qualifiant de discriminatoire le licenciement qui a suivi le rejet et la non-observation de cette règle.

Puisque l'association relève juridiquement du droit privé (comme les entreprises), elle ne peut pas interdire l'expression religieuse sur son lieu de travail, y compris si celui-ci concerne une petite enfance en pleine construction identitaire et si elle entre en contradiction manifeste avec les règles d'hygiène draconiennes qui s'appliquent au secteur.

L'atmosphère locale délétère qui s'est depuis installée constitue un fracassant retour en arrière par rapport aux origines du projet, qui se proposait à la fin des années 1980, avec la pleine adhésion du quartier, de créer un service inédit permettant à plus d'une cinquantaine de nationalités différentes de vivre ensemble. A l'époque, c'était le désir de réussir collectivement, et non la tentation communautaire, qui se promettait de tout emporter. Nous voyions tous en la neutralité un concept de pacification, capable, en créant un espace particulier, de ne pas fixer chacun dans une identité préjugée dont la xénophobie définit le cadre et recueille toujours les fruits.

Il nous semblait déjà évident que la construction de la singularité de chacun ne peut passer que par un espace qui implique un écart avec les caractères qu'on tient mécaniquement à vous assigner, et que seule la neutralité peut garantir à l'individu qu'il ne sera pas prisonnier de l'environnement duquel il vient et dans lequel la pression sociale tend à le maintenir ; a fortiori pour un enfant, qui ne s'est pas encore forgé de protection contre les diverses formes de prosélytisme et de dogmatisme.

Telle que nous l'envisagions, la laïcité n'était donc pas la fossoyeuse de la liberté, comme on aime à nous le sermonner, mais bien au contraire l'une de ses conditions les plus indispensables.

Dans les structures petite enfance qui nous occupent, elle pouvait se définir simplement comme le droit pour chaque enfant de façonner par soi-même son esprit, afin que, plus tard, il puisse exercer son libre arbitre et se reconnaître dans telles ou telles croyances, telles ou telles philosophies, après avoir patiemment parcouru, encore une fois par lui-même, la diversité des choix qui s'offrent à lui.

Doit-on rappeler que le rejet du principe féodal selon lequel l'identité est définie dès la naissance est au fondement même de la démocratie moderne ? Jusqu'au début des années 2000, ce n'était pas nécessaire : les revendications religieuses s'étaient toujours inclinées devant la défense du bien-être collectif des enfants. Manger ensemble, apprendre ensemble, jouer ensemble a toujours eu plus de valeur que la confusion forcée de l'intime et du commun.

Toutefois, cette vision de l'intérêt général a peu à peu glissé, de manière indolore mais en toute cohérence avec de nouvelles méthodes de gestion politique en banlieue, vers une promotion au lobbying minoritaire, mouture la plus contemporaine des clientélismes immémoriaux. On nous a donc naturellement suggéré d'acheter la paix sociale à coups d'indemnités de départ généreuses, comme tous ceux qui sont confrontés à des problèmes analogues de " cohabitation ".

On nous a fait comprendre que nos valeurs ne pouvaient plus avoir cours dans un temps où l'éthique minimale qui permet le vivre-ensemble, vers lequel on préfère tendre, fait chaque jour l'objet de trocs secrets. Avons-nous eu tort de refuser de ne pas faire de vagues, si cela impliquait de détourner le regard des problèmes qui minent tous les jours les expériences d'intérêt général à but non lucratif semblables à la nôtre ?

Convaincue que son positionnement reste juste, Baby-Loup continuera de défendre la neutralité des espaces communs, car c'est dans ces espaces qui ne sont ni domestiques ni gérés directement par l'Etat que se joue pleinement la cohésion sociale ; bien plus, en tout cas, que dans les files d'attente des administrations publiques, auxquelles on limite aujourd'hui officiellement ce principe.

Elle ne pourra pas l'assurer cette défense dans l'espace qu'elle a elle-même créé, car il est rendu aujourd'hui impraticable par les pires effets du procès. Au-delà des élucubrations du débat national, qui nous dépasse, la difficulté du terrain nous amène à des considérations des plus pragmatiques auxquelles il nous faut nous résoudre.

Le personnel de la crèche peut-il assurer convenablement ses fonctions auprès des enfants en étant mis en danger et harcelé ? L'association peut-elle continuer d'offrir un accueil apaisant, rassurant, de qualité pour les familles, en craignant en permanence un débordement ? Nous ne souhaitons plus aujourd'hui affronter ceux qui nous portent manifestement en ennemis, saccageant un outil social et solidaire qui a tant fait pour l'autonomie des femmes de la région et le respect des diverses configurations familiales.

Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir vivant le projet, mais pas ici, pas là où tant de preuves de divorce se sont manifestées, pas sur cette zone prioritaire qu'on a accompagnée de toutes nos forces depuis 1990 et qui nous montre maintenant sa gratitude d'une bien curieuse manière.

Bien sûr, personne ne souhaite la disparition d'un relais familial si exceptionnel, parfaitement adapté aux diverses conditions spécifiques de parentalité et de travail. Tous, habitants, institutions, tiennent aux services que Baby-Loup ne cesse de rendre aux familles, à la collectivité, à la République... et ce vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ! Louée et discréditée d'un même mouvement, mise en échec dans son quotidien, Baby-Loup devrait se maintenir sur le territoire tout en abandonnant les principes qui lui ont permis d'innover au point d'être une source d'utopie pour plusieurs de nos voisins européens : dure opération !

Quel que soit le résultat de l'entreprise de sauvegarde que nous envisageons actuellement, non sans difficultés, sur la commune voisine de Conflans-Sainte-Honorine, une chose est désormais sûre : après La Poste, la Caisse d'allocations familiales ou la police, ces services publics tous partis de la cité ou condamnés au dysfonctionnement, Baby-Loup éteindra elle aussi la lumière, à deux pas de la place des Poètes de ce quartier de la Noé qui l'a vue naître, où les visages de Baudelaire et Rimbaud peints en trompe-l’œil sur un mur du quartier semblent plus que jamais traversés de crispation et de doute... N'y voyez ni fuite ni capitulation : simplement l'épuisement des derniers résistants, ou presque, qu'une enclave attendait de voir déguerpir."

P.S. : message modifié, Claude Askolovitch a rencontré la directrice de cette crèche et, semble-t-il, en parle dans son livre.
A lire, oui, à acheter, non.
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 10:16   Re : La lutte et la défaite
Citation
Jean-Marc du Masnau
A lire, oui, à acheter, non.

Jean-Marc,

vous est-il venu à l'esprit que si personne n'achetait Le Monde, il ne serait plus à lire ?

Faites-vous partie des aficionados de la gratuité ?
Christophe,

Il existe assez de gens de gauche et d'amis du désastre pour que le Monde surnage, et il y a de toute façon M. Bergé qui a besoin, pour diffuser ses thèses, d'un journal.

Je ne vois pas pourquoi ce seraient ceux que le Monde attaque qui le financeraient.
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 10:45   Re : La lutte et la défaite
Pour en revenir à l'objet de ce fil...
Christophe, le texte est une chose, l'entame en est une autre.

Vous avez commencé le fil par :

Le Monde est à lire pour une tribune comme celle-ci

Auriez-vous mis le texte sans ce commentaire, nous aurions parlé du texte.
Utilisateur anonyme
16 octobre 2013, 11:51   Re : La lutte et la défaite
L'observatoire de la laïcité vient de rendre deux avis indiquant qu'il ne faut pas de nouvelle loi. Le cadre juridique existant semble en effet suffisant.

Mais comme l'indique Le Monde, le raisonnement de cet observatoire n'est pas que juridique : n'enflammons pas les débats.

Pour en revenir au plan strictement juridique, il semble que la Cour d'appel souhaite revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation.

Le procureur général a pris des réquisitions en ce sens : "Il est essentiel de souligner que la liberté de conscience et de religion ne protège pas n'importe quel comportement, écrit François Falletti, pour peu qu'il soit motivé par des considérations d'ordre religieux ou philosophique."

Cette affaire est donc loin d'être terminée.

L'article du Monde :

Baby Loup : la bataille politico-judiciaire sur le voile s'amplifie.

L'Observatoire de la laïcité ne veut pas d'une "loi Baby Loup". Et si l'argumentaire est en grande partie juridique, la toile de fond est, elle, clairement politique. L'Observatoire était particulièrement attendu sur les suites à donner au feuilleton judiciaire de l'affaire de la crèche Baby Loup, tant ce conflit, qui oppose depuis 2008 la directrice à l'une de ses employées portant un foulard islamique, symbolise désormais l'affrontement entre les tenants d'une stricte laïcité, au besoin restrictive, et les partisans d'une lecture plus ouverte de ce principe. Publiés plus rapidement que prévu, mardi 15 octobre, les deux premiers avis de l'Observatoire, installé en avril par le président de la République, s'inscrivent dans la volonté d'apaisement souhaitée par le gouvernement en matière de laïcité.

Hasard ou pas du calendrier, un nouvel épisode de cette affaire, non dénué d'arrière-pensées politiques, se déroulera jeudi 17, devant la cour d'appel de Paris, où revient l'affaire, après passage devant la Cour de cassation. Signe des crispations que suscite cette affaire, les magistrats, dans un mouvement rarissime, devraient contester la décision prise en cassation.

Sur le fond, l'Observatoire juge que le droit actuel suffit à répondre aux situations potentiellement conflictuelles, liées aux revendications religieuses ou au port de signes religieux au-delà du champ bien circonscrit du secteur public. Selon ses recommandations, un rappel de la loi (premier avis), pointant ce qu'autorise et ce qu'interdit le principe de laïcité, et une "circulaire interministérielle" (deuxième avis) suffiraient donc à donner aux acteurs qui le souhaitent les outils pour restreindre, par le biais de règlements intérieurs juridiquement solides, l'expression religieuse des salariés dans les associations, comme les crèches, et plus largement dans le monde du travail.

CLIMAT SOCIÉTAL TENDU ET SENSIBLE

Toute autre option prendrait le risque d'une "condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme" ou augmenterait "l'insécurité juridique" dans les entreprises, estime l'Observatoire.

Mais, au-delà de ces convictions, adoptées par 17 membres sur 21, l'organisme lié à Matignon reconnaît ne pas pouvoir "faire abstraction du climat sociétal tendu et sensible sur ces questions, qui risque d'empêcher toute approche rationnelle", "un risque augmenté en période électorale". "Certains veulent mettre l'éteignoir sur la laïcité", déplore Patrick Kessel, qui avec le député PS Jean Glavany et la sénatrice RDSE Françoise Laborde, est l'un des trois membres de l'Observatoire à défendre la nécessité d'une loi et à avoir voté contre l'avis sur "l'encadrement du fait religieux dans les structures accueillant la petite enfance".

Selon M. Kessel, ancien grand maître du Grand Orient de France, particulièrement sensible aux questions de laïcité, la position de l'Observatoire "risque d'être interprétée comme un encouragement par les communautarismes les plus radicaux et, en réaction, d'être exploitée par une extrême droite qui se nourrit des fragilités de la République". Pour M. Glavany, l'Observatoire n'a pas répondu à la "question politique" posée par l'affaire Baby Loup : "Faut-il oui ou non étendre la neutralité religieuse aux personnes qui s'occupent des enfants de moins de trois ans ?".

Un autre membre, qui a voté les deux avis, regrette pour sa part que, "de peur de donner raison au FN", les travaux de l'Observatoire ne pointent pas davantage "tout ce qui ne va pas" par rapport au respect du principe de laïcité dans la société française.

SYMBOLE D'UNE MONTÉE DES REVENDICATIONS RELIGIEUSES

Débordant de son propre cadre, l'affaire de la crèche de Chanteloup-les-Vignes est de fait devenue le symbole national d'une montée des revendications religieuses, principalement musulmanes, et du "communautarisme" supposé de la société. Au-delà de possibles instrumentalisations, le contentieux portait au départ sur le conflit entre une salariée désirant rompre son contrat de travail, et finalement licenciée pour faute grave en raison de son refus d'enlever son voile, et une directrice, réputée pour son attachement à la laïcité et son engagement auprès de femmes de toutes origines.

Mis en lumière par des personnalités telles que la philosophe Elisabeth Badinter ou l'actuel ministre de l'intérieur, Manuel Valls, ce dossier a amené une multitude de questions sur le respect de la neutralité religieuse au sein et au-delà du secteur de la petite enfance. En mars, le président de la République lui-même avait paru convaincu de l'opportunité d'étendre aux crèches "bénéficiant d'un financement public, ce qui existe dans l'école", c'est-à-dire la neutralité religieuse des personnels et, depuis 2004, celle des élèves.

La Cour de cassation qui, en mars, a donné raison à la salariée voilée, a répondu aux interrogations soulevées par cette affaire. Elle a notamment rappelé qu'il ne suffisait pas de recevoir des financements publics (80 % du budget de Baby Loup) ou d'exercer une mission d'intérêt général pour considérer qu'une structure assurait une mission de service public et lui appliquer la neutralité applicable aux agents publics.

Elle a également rappelé que les restrictions aux libertés individuelles (en l'occurrence le port d'un signe religieux) devaient être motivées et qu'un règlement intérieur ne pouvait prévoir une interdiction absolue et générale. L'Observatoire invite d'ailleurs la crèche Baby Loup à modifier son règlement intérieur ou à faire en sorte d'obtenir une délégation de service public, afin d'être soumise au principe de neutralité.

RÉFLÉCHIR À "UNE OPTION LÉGISLATIVE PLUS LARGE"

Mais le sujet est loin d'être clos. Si la cour d'appel de Paris revient jeudi sur ces arguments et donne raison à la directrice de la crèche, un nouveau recours en cassation devrait être déposé.

En outre, à la suite de l'affaire Baby Loup à gauche comme à droite, des propositions de loi ont prospéré pour tenter de restreindre l'expression religieuse, accompagnée ou non de comportement prosélyte. En janvier 2012, un texte présenté par la sénatrice Laborde, visant à "étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs", a été adopté en première lecture.

En revanche, en juin 2013, la proposition de loi des députés UMP qui proposait de modifier le code du travail "afin de fixer un cadre aux restrictions visant à réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse " a été rejetée.

Conscient que la question n'est pas épuisée par son avis, et dans l'hypothèse où les pouvoirs publics souhaiteraient s'emparer du sujet, l'Observatoire recommande de réfléchir à "une option législative plus large". "Il faudrait notamment passer par une concertation avec les groupes parlementaires pour éviter toute instrumentalisation et par une clarification entre ce qu'est une mission d'intérêt général et ce qu'est une mission de service public", précise son président, Jean-Louis Bianco, qui ne cache toujours pas sa crainte qu'avec une loi "on tire une pelote" sans fin.
Techniquement, il n'y a pas de jurisprudence de la Cour de cassation en ce domaine, il y a un arrêt de la Chambre sociale, en date du 19 mars.

Il ne présage en rien de la jurisprudence :

- soit la Cour d'appel devant laquelle l'affaire est renvoyée suit la chambre sociale, et il y aura alors jurisprudence ;

- soit la Cour d'appel ne partage pas l'opinion de la Chambre sociale, et alors l'affaire revient devant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2013, 09:54   Re : La lutte et la défaite
La cour d'appel de Paris a choisi de confirmer le licenciement de cette dame (la décision) :

Quelques extraits (je souligne):

"Considérant qu’une personne morale de droit privé, qui assure une mission d’intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et se doter de statuts et d’un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches ; qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion"

"Considérant qu’au regard tant de la nécessité, imposée par l’article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant, que de celle de respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en oeuvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance, dans un environnement multiconfessionnel, ces missions peuvent être accomplies par une entreprise soucieuse d’imposer à son personnel un principe de neutralité pour transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse"

"Considérant que les rétractations de Mmes El Khattabi et Soumare, qui sont revenues sur leurs premiers témoignages en faveur de l’association, ont été expliquées ensuite par les intéressées par le fait que Mme ‘A. avait fait valoir la solidarité entre musulmanes et leur avait dicté de nouveaux témoignages, tandis que les attestations dont se prévaut l’appelante doivent être appréciées à la lumière des précisions de Mme Bendahmane épouse Boutllis, ancienne salariée de l’association, qui a reconnu avoir rédigé en faveur de Mme ’A. sous sa dictée, ou encore de parents d’enfants inscrits à la crèche qui, ayant témoigné en faveur de l’association ou refusé de le faire au profit de la salariée licenciée, ont déposé des mains courantes pour signaler les insultes, menaces et pressions de la part de celle-ci"

Cette dame va sûrement se pourvoir de nouveau en cassation.
Utilisateur anonyme
25 juin 2014, 16:16   Re : La lutte et la défaite
L'assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché : elle a déjugé sa chambre sociale pour valider le licenciement de cette employée. Victoire.
Utilisateur anonyme
01 juillet 2014, 10:03   Re : La lutte et la défaite
La CEDH doit rendre aujourd'hui sa décision au sujet de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage en public. Cette loi dite loi burqua est contestée par une jeune femme de 23 ans qui a refusé à de nombreuses reprises de répondre favorablement aux injonctions de policiers qui lui demandaient de montrer son visage.

En attendant cette décision importante, comme dans l'affaire Baby-Loup, pour la laïcité telle que nous l'entendons, je vous soumets une affaire qui n'est pas sans lien avec l'affaire Baby-loup et offre une autre vision de la liberté de conscience et de la liberté religieuse.

La Cour de cassation n'a pas fait droit, dans l'affaire Baby-loup, à la notion d'entreprise de conviction, mais la Cour suprême des États-Unis dit autre chose.

Ainsi, dans une affaire dite "Hobby Lobby", dans une décision rendue hier, la Cour suprême des États-Unis a affirmé qu'une entreprise, comme toute personne, était titulaire de libertés et de droits constitutionnels et pouvait donc avoir des convictions religieuses. Conséquemment, elle peut se soustraire à l’obligation de payer à ses employés une pilule contraceptive.

Une entreprise peut-elle avoir des convictions religieuses si profondes qu'elle puisse déroger à la loi générale ?
La Cour européenne des droits de l'homme valide la loi française sur la burqa :

[www.lefigaro.fr]


Champagne !
Utilisateur anonyme
01 juillet 2014, 11:35   Re : La lutte et la défaite
Je suis très agréablement surpris. Je m'attendais à une autre décision. Et j'ai hâte de lire la prose des juges européens0

"la préservation des conditions du 'vivre ensemble' était un objectif légitime" des autorités françaises, qui disposent à cet égard d'une "ample marge d'appréciation".

La Burqua est donc en contradiction avec les "conditions du vivre-ensemble" ?
Utilisateur anonyme
01 juillet 2014, 11:40   Re : La lutte et la défaite
Un communiqué de la CEDH ici
Utilisateur anonyme
01 juillet 2014, 11:49   Re : La lutte et la défaite
"la Cour admet que la clôture qu’oppose aux autres le fait de porter un voile cachant le visage dans l’espace public puisse porter atteinte au « vivre ensemble »."

La "clôture"...

La critique est cependant loin d'être absente de ce texte.
N'est-ce point "clôture" dans le sens religieux, comme la clôture de ma grand'tante clarisse qui, cloîtrée, ne m'apparaissait dans les années soixante qu'à travers une grille ?

Le mot est fort bien trouvé...
Cher Christophe,


Pour répondre à votre question, voyez l'arrêt Painsecq.

Il permet de traiter des cas comme celui du secrétaire général de la Manif pour tous qui serait, à Dieu ne plaise, le rédacteur caché des ABCD...


Pour qu’un fait relevant de la vie personnelle du salarié puisse lui être reproché par l’employeur, la chambre sociale de la Cour de cassation exige que ce fait objectif ait créé un trouble caractérisé à l’entreprise compte tenu de la nature des fonctions et de la finalité de l’entreprise.

C’est par l’arrêt Painsecq du 17 avril 1991 (Bull. n° 201) que ce principe a été posé. Il s’agissait d’un aide sacristain de la paroisse Saint Nicolas du Chardonnet qui avait été licencié en raison de ses moeurs contraires aux principes de l’Eglise catholique. La cour d’appel avait admis le bien fondé de ce licenciement en rappelant que l’homosexualité est condamnée par l’Eglise catholique et que la méconnaissance par le salarié de ses obligations existait indépendamment du scandale que son comportement pouvait provoquer, peu importe si le fait était connu ou non des fidèles. La chambre sociale censure cet arrêt. Elle pose en premier lieu le principe tiré des articles L 122-35 et L 122-45 du Code du travail selon lesquels l’employeur ne peut congédier un salarié pour le seul motif tiré de ses moeurs. Elle rappelle ensuite que le licenciement du salarié pour un motif tiré de son comportement ne peut être prononcé que si celui-ci, "compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière".

Par l’arrêt du 17 avril 1991, la chambre sociale pose donc les limites à la liberté de moeurs ou de religion. Si la manifestation de cette liberté cause, en raison des fonctions du salarié, un trouble caractérisé à l’entreprise, le licenciement est possible. La chambre sociale rappelle cependant que les faits doivent être objectifs, reprenant en cela sa jurisprudence sur la perte de confiance posée par l’arrêt du 29 novembre 1990 précité.

Utilisateur anonyme
02 juillet 2014, 10:42   Re : La lutte et la défaite
Cette référence, y compris par la CEDH, au concept du "vivre-ensemble" me fait me souvenir du ministère créé par VGE : le ministre de la Qualité de la vie.

Il est temps, je pense, de créer un ministère du Vivre-ensemble, ou du Mieux vivre-ensemble.
03 juillet 2014, 06:29   Havdala
Le voile contre le mélange, voilà qui est tout de même intéressant, une idée à creuser, pour les puristes...
Utilisateur anonyme
03 juillet 2014, 17:21   Re : La lutte et la défaite
La décision, pour ceux que cela intéresse : [hudoc.echr.coe.int]#{%22itemid%22:[%22001-145240%22]}
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