Le site du parti de l'In-nocence

Et Libération, alors ?

Envoyé par Pierre-Marie Dangle 
03 octobre 2013, 16:51   Et Libération, alors ?
On évoque souvent, dans ce forum, la langue du Monde et les errances qu'elle connaît sous la plume de ses journalistes, pas toujours très au fait des règles élémentaires de la syntaxe (voire de l'orthographe).
Une fois n'est pas coutume, intéressons-nous un instant (guère plus quand même, il ne faudrait pas abuser) à la langue de Libération, et plus précisément à son art, tout en savante déconstruction, de la ponctuation :

"Invité à ouvrir à Nantes, le récent congrès de l’Association de sociologie, le sociologue Luc Boltanski, revient sur l’histoire de la notion de domination. Dans cet extrait, l'ancien élève de Bourdieu, expose sa définition des institutions et leur rôle dans la société."

C'est pas mignon ?

(http://www.liberation.fr/societe/2013/09/13/luc-boltanski-la-pathologie-c-est-le-consensus_931170)
03 octobre 2013, 17:09   Re : Et Libération, alors ?
En, effet c’est, bizarre.
03 octobre 2013, 17:28   Re : Et Libération, alors ?
Comment désigneriez-vous cette horreur du style journalistique d'aujourd'hui : "l'ancien élève de Bourdieu" pour désigner Luc Boltanski et éviter ainsi de répéter son nom ? Autrefois, on aurait dit : cet ancien élève de Bourdieu.
L'article défini rend la chose horripilante, et si artificielle. On pourrait presque les collectionner, ces horreurs : Sheila ne vendra plus de bonbons. La native de la rue de la Glacière renonce aussi à la chanson. (J'invente.)
03 octobre 2013, 19:15   Re : Et Libération, alors ?
Cher Noroit,

je crois que c'est encore sous l'influence de l'anglais. Le français use du démonstratif dans le corps du texte, l'anglais en ouverture seulement. En anglais, l'article définit accompagne le sujet dans l'ensemble du texte. L'influence des traducteurs de second choix, une fois encore, modèle la mauvaise langue des journalistes.

Une des raisons pour lesquelles l'anglais n'use pas du démonstratif dans le corps du texte semble être la valeur déictique de son usage. En anglais "this document" signifie "le présent"; "this project" désigne un projet dont le descriptif est en page de couverture, et non un projet en référence hors le texte. C'est assez subtil, comme toutes les choses les plus minuscules et qui ne sont jamais discutées dans la langue.
Utilisateur anonyme
03 octobre 2013, 19:22   Re : Et Libération, alors ?
Pour revenir au Monde (car c’est tout de même notre fond de commerce, à l’In-nocence), ce soir, on trouve sur son site plusieurs articles très intéressants.

— L’ex-femme de Nicolas Sarkozy impute la défaite de son ex-mari aux dernières élections présidentielles à la “droitisation” de la campagne et déplore l’influence de Patrick Buisson. (Ça ne coûte rien.)

— « Hollande s’engage sur le référendum d’initiative populaire » avec cette image :



... sur laquelle il y aurait bien des choses à dire...

— Reportage : « Samia Ghali, la “Ségolène Royal de Marseille”, bouscule la campagne PS ». On apprend que la sénatrice socialiste, bien installée dans le nord de la ville (en gros, “élue ethnique”), tente de séduire les quartiers favorisés.

— « Une fidèle de Jean-Marc Ayrault en lice pour la mairie de Nantes » : verrouillage PS.

Zoom : « La publication islamophobe d’un assistant de Jean-Claude Gaudin » : petit travail de délation signé Abel Mestre et Caroline Monnot.
Eh bien, mais c'est parfait, ça, cher Leroy, et je vous suggère de nous faire chaque jour une semblable petite revue de presse de notre organe favori. C'est bien suffisant.

Sinon, je suis d'accord avec Marche, l'anglais est en effet dans le coup. Ou plutôt, les ceusses qui le décalquent comme des imbéciles.
L'auteur est peut-être un, asth-matique.
04 octobre 2013, 10:06   Re : Et Libération, alors ?
Leroy, si c'est populaire, cette photographie s'impose d'elle-même.
Sur Abel Mestre, il faudrait rajouter "salarié", Mestre est un délateur salarié : un sycophante.
Chers Thierry et Francis,

"Cet" et "Le" ont-ils exactement le même emploi en français ?

Prenons un exemple.

Renaud Camus est le fondateur du Parti de l'In-nocence. Cet Auvergnat ...


Renaud Camus est le fondateur du Parti de l'In-nocence. Le disciple de Barthes (ou "L'ami de Jean Puyaubert")...


Je ne suis pas sûr de moi en ce domaine, mais ne peut-on employer l'un ou l'autre, suivant que le lien est plus ou moins fort ? et suivant le fait qu'on décrit avec précision ou non ?
Pourquoi parler du Monde et non de Libération, nous demande implicitement M. Dangle.

C'est que Libération n'a jamais posé au Journal de Référence.

Le journal de M. Bergé dit le Bien et la façon de le dire. On ne demande pas à France-football de faire du style.
04 octobre 2013, 11:39   Re : Et Libération, alors ?
Cher Jean-Marc Du Masnau,

Il ne s'agit pas de l'emploi différentiel de l'article défini et de l'article démonstratif dans la langue, en général.

Il s'agit d'un emploi très particulier et purement journalistique, pour le moment (je ne l'ai guère vu pénétrer la littérature,
Dieu merci, mais ça viendra, le pire étant rarement évitable...)

Les journalistes ont probablement pour consigne de ne jamais répéter le nom d'une personne, pour ne pas alourdir, pour ne pas impatienter le lecteur, ou pour toute autre raison.

Alors ils impatientent le lecteur en s'y prenant autrement.

Nous avons droit ainsi à un festival de tournures de remplacement qui peuvent faire penser aux périphrases des Précieuses, en moins élégant, moins imaginatif.

Cette manière d'écrire est à mon avis d'une laideur sans nom : et absolument pas conforme au génie de la langue.

Ainsi, puisque vous prenez le cas de Renaud Camus, son nom sera peut-être cité au début de l'article. Puis il deviendra : L'ami de Jean-Paul Marcheschi. Puis, nouvelle métamorphose ou hypostase : Le natif de Chamalières.
Et encore : Le maître de Plieux. Puis, pourquoi pas : Le sexagénaire. Et enfin, par exemple : L'ancien pilier de POL.

Toute une métaphysique de bas étage est engagée là-dedans, qui pose l'équivalence absolue et successive de la personne avec un des ses aspects, une de ses activités, une de ses particularités.

Il y a aussi dans cette manière d'écrire ce petit air entendu propre à ceux qui, justement, ne savent rien. "Le natif de Chamalières" (car bien entendu tout le monde sait que...).

Tandis que : "Renaud Camus, ce natif de Chamalières" : là, vous écrivez en français, langue essentiellement sociale et clarificatrice, car vous exprimez un lien, une relation, qui aide à la compréhension, qui peut apporter une nuance, un élément explicatif.

Vous ne posez pas une équivalence brutale : Renaud Camus = Le natif de Chamalières.

Et cela devient profondément ridicule quand la même personne devient successivement à quelques lignes de distance : Le natif de Chamalières, le sexagénaire, le maître de Plieux, l'ami de Jean-Paul Marcheschi, l'ancien pilier de POL, que sais-je encore.
Oui, je vois mieux ce que vous voulez dire.

En fait, le "Le généraliste" est possible dans certains cas, mais cela reste très limité (Yves Montand, ce chanteur si populaire... Yves Montand, l'amant d'Edith Piaf... (je prends ce cas car il n'y a pas eu amant unique)), il ne peut y avoir une litaine de "Le".

Pour cette enfilade (enfilement ?) de métaphores, Henri Chatterton vous dira justement que cela fut à l'époque souligné par Gotlib dans son oeuvre !
Citation
Jean-Marc du Masnau
Pourquoi parler du Monde et non de Libération, nous demande implicitement M. Dangle.

C'est que Libération n'a jamais posé au Journal de Référence.

Le journal de M. Bergé dit le Bien et la façon de le dire. On ne demande pas à France-football de faire du style.

- Je n'ai pas demandé cela, même "implicitement" (malgré l'ironie du titre).

- Libération pose au journal de référence pour tout ce que la France compte de "bobos".

- Le Monde dit, également, le Bien et la façon de le dire.
Je pense que le journal de M. Bergé, c'est Le Monde.
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