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Le snobisme ou "la chose du monde la plus partagée".

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
13 septembre 2008, 10:58   Le snobisme ou "la chose du monde la plus partagée".
Un sujet passionnant : le snobisme (il est partout !!!).
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Qui est snob ?


Ghislain de Diesbach
04/09/2008 | Le Figaro


Frédéric Rouvillois, l'auteur d'une Histoire de la politesse s'intéresse cette fois au snobisme, identifie ses formes sournoises, le débusque là où on ne penserait pas à le chercher.

Au terme « snob », à l'origine incertaine et pour lequel M. Frédéric Rouvillois, dans son Histoire du snobisme, fournit plusieurs explications, s'attache un relent de fausse noblesse et de particules empruntées, de titres usurpés, de grandeurs fantaisistes. Mais le plus grand intérêt de cette étude est de montrer que le snobisme est loin d'être un phénomène inhérent à une certaine société. Il est, mieux que le bon sens, cher à Descartes, la chose du monde la plus partagée, faisant des ravages dans toutes les classes de la société, de la plus modeste à la plus haute.

Ainsi dans les collèges, autrefois, ceux qui faisaient latin-grec et une langue vivante méprisaient ceux qui n'apprenaient pas le grec, et ceux-ci, à leur tour, regardaient de haut les élèves n'apprenant que les disciplines techniques. De simples ouvriers voulaient que leurs enfants ne se salissent pas les mains comme eux et deviennent des bourgeois ou bien leur donnaient des prénoms comme Kevin ou Océane afin d'avoir l'illusion d'appartenir à cette galaxie de privilégiés dont ils voyaient les images sur leur poste de télévision.

Si M. Rouvillois ne mentionne pas le snobisme de la maladie où, dans la classe populaire, il est bon de se vanter de ses maux comme d'une distinction et d'en écraser son voisin (« À mon mari, madame, c'est trois fois qu'on lui a fait le scanner ! »), il étudie en revanche, et avec perspicacité, le snobisme dans les arts, du théâtre à la musique et à la mode, ainsi que dans la vie quotidienne en passant par la table et la religion. Tout en soulignant que jadis les gens du monde avaient sifflé Wagner, il les montre enthousiasmés soudain par le maître de Bayreuth et se rendant là-bas comme leurs aïeux à Saint-Jacques-de-Compostelle : « Ce fut pour les snobs un grand mérite social que d'y être allé. On pouvait se vanter de ce voyage. On n'appartenait plus à la foule, mais à l'élite. » Ainsi, trois quarts de siècle après la création de Bayreuth, des gens d'affaires, ayant heureusement blanchi l'argent gagné dans le marché noir, allaient acquérir un brevet d'élégance et d'intellectualité en assistant aux représentations du Festival d'Aix-en-Provence, où ils étouffaient leurs bâillements.

Même phénomène en ce qui concerne le théâtre lorsque, à la fin du XIXe siècle, il fut de bon ton de se pâmer aux pièces « intellectuelles » du théâtre scandinave : « On a décidé qu'Ibsen serait chic cette année », dit M. Rouvillois, citant Alfred Capus, et tout Paris feint de se passionner pour cet auteur si éloigné de sa frivolité mondaine. Il en est de même pour la peinture, où une coterie enseigne ce qu'il est bon d'admirer. L'auteur cite cette anecdote : « Vollard, exposant des nus de Cézanne, se trompa et plaça sur un tableau le cartouche d'un autre, intitulé Diane et Actéon : et chacun de se récrier sur l'originalité, l'inventivité, le génie avec lequel le sujet avait été rendu par le maître… » Aujourd'hui, il n'est que de se promener aux Tuileries pour défaillir d'enthousiasme en admirant sans les comprendre les créations de Richard Serra.

Mais là où M. Rouvillois aborde un territoire encore inexploré, c'est lorsqu'il décèle du snobisme dans deux mondes où l'on ne penserait pas en trouver : le catholicisme avec notamment les jansénistes et Mme Guyon et la franc-maçonnerie. Très juste est son propos en notant que la religion a été longtemps un tremplin vers le grand monde et que le snobisme avait alors un lien étroit avec l'Église : « D'abord contre elle, au XVIIIe siècle, lorsque la religion catholique était celle de tout le monde et que l'on pouvait, en la transgressant, se ménager un accès inespéré aux cercles de l'élite, puis avec elle, lorsqu'au XIXe siècle elle revient en cours dans les salons les plus fermés. » Analysant le snobisme maçonnique, il en voit l'attrait dans le fait que c'est « une société secrète où le bourgeois va pouvoir côtoyer les membres de la plus haute aristocratie et les considérer sur un pied d'égalité : tous frères, […] tous unis et semblablement distincts de tous les autres, des profanes, de ceux qui n'ont pas accès aux mystères de l'Hiram ».


A ne pas confondre avec le dandysme

Une histoire du snobisme ne serait pas complète sans évoquer l'antisnobisme, bien pire en général que le snobisme contre lequel il prétend lutter. À un snob invétéré comme Arthur Meyer, le directeur du Gaulois, couronnant son ascension sociale en épousant une Turenne, M. Rouvillois oppose quelques figures de la haute aristocratie pratiquant un antisnobisme militant, comme Élisabeth de Gramont, duchesse de Clermont- Tonnerre, fumant des gauloises et défilant avec les manifestants du Front populaire, en 1936, alors qu'elle avait assez de talent pour se passer de ce genre de publicité, ou la duchesse d'Uzès fraternisant avec Louise Michel, figure emblématique de la Commune.

À cet égard, aucun écrivain n'a mieux décrit cet antisnobisme que Marcel Proust, avec les personnages de Legrandin, affectant de fuir ce qu'il recherche, et surtout Mme Verdurin, méprisant les aristocrates, les mondains, mais finissant sa carrière en princesse de Guermantes. Alors que dans l'imagination populaire, le snob et le dandy apparaissent souvent comme frères, M. Rouvillois montre en quoi ils sont radicalement différents : « … le dandy sacrifie volontiers le groupe et la société à la personne, alors que le snob immole sans regrets sa personnalité réelle, ses désirs et ses goûts véritables au groupe auquel il rêve de s'intégrer. Bref, si tous deux accordent la même importance au paraître, le dandy cherche à apparaître aux autres, alors que le snob n'ambitionne que d'apparaître. »

Heureux de se sacrifier ainsi pour la cause qu'il a embrassée, pour le prestige qu'il en tire, le snob est-il un être nuisible ou utile ? De même qu'il y a un bon et un mauvais cholestérol, aux dires des médecins, il y a un bon et un mauvais snobisme. Le comte de Luppé remarquait que si le snob se trompe en s'enthousiasmant pour des modes éphémères, « il se trompe sur le mieux », ce qui ferait du snobisme « une forme du désir du mieux ». Et M. Rouvillois de conclure son étude, quasi exhaustive et toujours amusante, en citant Jules Lemaître, qui voyait dans les snobs, dont Robert de Montesquiou, son contemporain, était un modèle achevé, des instruments aveugles et souvent efficaces dans le progrès des lettres et des arts. Ils « se trompent sans doute dans les raisons qu'ils donnent de leurs préférences, écrivait-il, mais non toujours dans ces préférences mêmes » et il concluait sa défense des snobs, en proposant, sinon de les honorer, du moins de les absoudre. On sent que M. Rouvillois est bien près de partager cette opinion et son Histoire du snobisme éveillera, gageons-le, des vocations, car le snobisme est trop ancré dans la nature humaine pour être un phénomène appartenant au passé.
Histoire du snobisme de Frédéric Rouvillois Flammarion, 450 p., 25 €.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2008, 21:30   Re : Le snobisme ou "la chose du monde la plus partag�e".
En 1943, Robert Bresson a trente-six ans. Il a tourné un court métrage - Les Affaires publiques - et a plus ou moins participé au scénario de deux long-métrages. C'est un quasi inconnu. Il fréquente Roland Tual. Il y aurait beaucoup à dire sur Roland Tual et son épouse Denise. Roland Tual a été surréaliste, l'ami de Cocteau, Miro, Masson, Drieu - il fut un temps l'époux de Colette Jeramec, la première femme de Drieu-, de Georges Limbour - l'auteur du trop méconnu Les Vanilliers- et de bien d'autres ; bref un personnage marquant de la vie intellectuelle de l'époque.
Roland et Denise Tual s'intéressent au cinéma. Ils ont acquis en 1941 les droits d'un scénario - Les Anges du péché - dont l'action se déroule dans un couvent de dominicaines. Pour les dialogues, les Tual pensent à Giraudoux. Ce dernier vient de dialoguer et d'adapter La Duchesse de Langeais de Balzac. Le film a été un succès. Mais à qui confier la mise en scène des Anges du péché?
A Robert Bresson. Oui mais pourquoi Bresson?
Bien des années plus tard, la question fut posée à Denise Tual (son mari est mort en 1955). Sa réponse fut brève et concise. La voici :
- Mais par snobisme!
Plutôt tiré par les cheveux votre speatch, Pascal!
En 1943, Bresson n'est pas connu comme réalisateur mais comme peintre et photographe. Le film "Les Anges du péché" n'est pas une opportunité mais déjà un thème bressonien. Je crois que la réponse de Denise tual est une dérobade. tout l'oeuvre de Bresson plaide contre cette présentation frivole.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2008, 19:25   Re : Le snobisme ou "la chose du monde la plus partagée".
La frivolité n'est-elle pas une forme du snobisme ?
Du dandysme plutôt. Enfin, ces termes de snob, dandy, baroque, sont des fourre-tout, à mon avis; on peut leur faire dire tout et le contraire de tout. Dans le domaine de l'apparence, mieux vaut garder sa liberté de sentir plutôt que d'agiter des concepts.
Je dirais même plus : dans tous les domaines !
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