Couscous TV

Hier soir s'est produit sur France 4 une scène à peine croyable. Je ne regarderai plus M. Philippot comme avant. Toute l'émission vaut son pesant de cacahouètes, mais ce qui se passe entre la dixième et la vingtième minute de la seconde partie (ci-dessous) est très étonnant. C'est l'engloutissement de toutes les oppositions politiques dans le spectacle télévisuel, la mise à mort de la politique, sous nos yeux. On ne sait même plus qui est le bouffon de l'autre, qui est la dupe de l'autre, qui est l'ennemi de l'autre :

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Comment peut-on s'infliger des choses pareilles ? Je n'ai pas tenu une minute...

La question est plutôt : comment un politicien peut-il s'abaisser à des situations pareilles ?

Citation
Olivier Lequeux
La question est plutôt : comment un politicien peut-il s'abaisser à des situations pareilles ?

Parce qu'il s'agit justement d'un politicien, pas d'un homme politique, encore moins d'un homme d’État.

Saluons la longanimité de Monsieur Lequeux.

Quelle douleur. J'ai mal à mon pays.

J’ai tenu jusqu’à 4 mn et 17 secondes, mais c’est réellement extraordinaire. Moi qui, pour me récréer, regarde volontiers, en échange de quelques sous, de vieilles émissions de télé, téléchargées sur le site de l’INA, je vois ici précisément la juxtaposition d’un homme qui semble sorti d’une émission des années 1960, qui est M. Philippot, qui pense et qui parle comme on pensait et parlait dans ce pays avant, et de différents zigotos qui incarnent la télé-poubelle des années 2010 — le monsieur noir qui, si j’ai bien compris est le master of ceremonies (quelle astuce géniale !), le monsieur arabe, dont je sais que c’est un avocat marron, radié du barreau — qui, eux, ne parlent aucune langue et ne pensent aucune pensée, mais slogantent des slogans remplacistes.

Si vous devez tenir quelques minutes, je vous recommande vraiment de commencer à 10'. Il faut voir M. Philippot servir le couscous, calot sur la tête, conscient qu'il est filmé, pris au piège de cette mascarade, et faisant un effort d'auto-contrôle tout à fait admirable.

Philippot s'est fait avoir comme un bleu. Il est vraiment le dindon de la farce, le céfranc de service, bref, le bouffon.

Je crois cependant que Philippot, quoiqu'interloqué par la tournure couscoussière du guet-apens -et son déroulement calicojusqu'àlaliesque-, savait ce qu'il faisait en fréquentant ce discret petit lieu de propagande.

On n'en finit pas néanmoins de rester pantois devant le spectacle de cette unanimité bigarrée de bric et de broc pour bizuther l'évidence et négativiser le réel.

les voies de la "dédiabolisation" sont impénétrables...

Et semoulées.

A 11 minute l'avocat marron explique qu'il s'est lancé en quête de "spiralité" après avoir frôlé la mort.

Par la même occasion, il aurait été inspiré de rechercher un phrasé naturel et moins ridiculement pontifiant.

Ce qui terrifie dans ce spectacle, plus encore, je crois, que la bouffonnerie (assumée) de Philippot, c'est en effet le sentiment qu'il donne d'une collusion profonde entre tous ces personnages, collusion dans le spectacle lui-même, effacement de la négativité et du conflit dans un joyeux papotage de PMU. Le téléspectateur voit une image de la société post-historique dans laquelle il se réjouit d'entrer : l'imam traditionaliste, l'identitaire souchien, l'athée féministe et le comique sont réunis "pour le meilleur et pour le rire". Le rire décapant, annihilant, aseptisant. On oublie parfois que ce monde termine en farce. Le calot de Philippot nous le rappelle.

Oui, une farce dont je me sens le dindon. Et je n'aime pas ça du tout.