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Le point de vue de l'excellent Sapir sur la dégradation de la "note " française :
[russeurope.hypotheses.org]

M'ouais, enfin bon, comme tous les économistes, il ne jure que par la sacro-sainte croissance, et semble en déplorer l'absence ou l'insuffisance. Or qu'est-ce que la croissance, sinon davantage de hangars, d'immeubles pour le logement immigré, de personnes sur le territoire, de nocence écologique, bref, de tout ce qui nous étouffe et nous tue ?
Quid de l'impact de quarante années d'immigration de masse sur la terrible dette ?
Pour notre économiste, ces questions-là semblent tout simplement ne pas se poser...

Hélas, soit l'on se préoccupe trop de la "situation économique", soit pas assez. Pourtant l'activité commerciale qui est liée à cette situation-là n'est pas sans rapport avec la culture (dont on se préoccupe pas assez ou trop, à l'inverse de la première) :

--« L'activité sociale appelée commerce, assez mal vue de nos jours des concepteurs de sociétés impossibles, est toutefois l'une des caractéristiques distinctes des sociétés dites civilisées. L'autre caractéristique distincte est ce qu'on nomme culture. Entre le commerce et la culture, il y eut toujours un rapport étroit, observé par beaucoup de gens, sinon encore bien expliqué. Il est en effet remarquable que les sociétés qui se sont distinguées de la façon la plus éminente dans la création de valeurs culturelles, sont aussi celles qui se sont distinguées de la façon la plus éminente dans l'exercice assidu du commerce. Athène fut commerciale, éminemment commerciale. Florence fut commerciale, éminemment commerciale.
----Le rapport entre les deux phénomènes est en même temps un parallélisme et de cause à effet. Toute vie est essentiellement relationnelle ; la vie sociale est donc essentiellement constituée par les relations entre individus, quand il ne s'agit que de vie sociale ; entre peuples, s'il s'agit de la vie de la civilisation. Or comme les phénomènes concernant les formes supérieures de vie sont de deux ordres matériels et mentaux --, les phénomènes des formes supérieures de vie des civilisations seront aussi matériels et mentaux ; et comme la vie est essentiellement relation, ces phénomènes doivent être de relation. Le commerce étant, de par sa nature, une interpénétration économique des sociétés, c'est dans le commerce que les relations matérielles entre sociétés sont les plus intenses ; et comme la culture est une interpénétration artistique et philosophique des sociétés, c'est dans la culture que les relations mentales entre peuples sont les plus intenses. Il s'ensuit qu'une société ayant un haut niveau de développement matériel et mental, donc un développement de la vie des relations, sera forcément et parallèlement hautement commerciale et hautement culturelle.
----En outre, le commerce est une distribution, centrifuge ou centripède, de la production matérielle ou industrie ; la culture est une distribution, centrifuge ou centripède, de la production mentale ou art. Les phénomènes sont donc rigoureusement parallèles. Et de même que dans les pays ayant une production artistique importante, la curiosité pour l'art d'autrui se développe, car la création artistique ne peut s'épanouir sans intérêt pour l'art, donc aussi pour celui des autres, de même, dans un pays ayant une forte production industrielle, le besoin de produits venus d'ailleurs -- que le pays ne peut lui-même produire, ou pas dans de bonnes conditions -- est provoqué par l'essor donné à la consommation intérieure par cette grande production, d'abord suscitée par elle.
----Mais entre les deux phénomènes -- commerce et culture --, il y a également un rapport de cause à effet. La culture, en s'affinant, tend à l'universalité, c'est-à-dire à ne pas exclure de sa curiosité le moindre élément étranger. Plus facile sera le contact avec des éléments étrangers, plus cette curiosité sera en éveil, et la culture demeurera vivante. Or comme le phénomène matériel précède toujours le phénomène mental, le moyen le plus sûr d'établir des contacts mentaux est d'avoir déjà des contacts matériels ; et comme la culture exige nécessairement un contact prolongé et pacifique, le contact matériel propre à la stimuler devra être prolongé et pacifique -- et c'est là, par opposition à la guerre, ce qui distingue l'activité sociale appelée commerce. »

F. Pessoa -- L'évolution du commerce (Collaboration à Revista de comércio e contabilidade, janvier-juin 1926)