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Symptômes ?

Envoyé par Henri Rebeyrol 
27 novembre 2013, 10:34   Symptômes ?
M. Mitterrand (le neveu) a publié, un peu plus d'un an après avoir cessé ses fonctions, le récit de son expérience de ministre. Il semble qu'il ait écrit le livre lui-même. Peu importe le contenu ou le talent réel ou supposé de l'auteur. Alain Peyrefitte a attendu trente ans avant de publier le compte-rendu de ses entretiens avec De Gaulle et le récit de ses expériences de ministre. Mitterrand, qui a été ministre de plein exercice (et non sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-arts), a tout déballé le lendemain de sa démission, comme s'il n'avait fait que séjourner pendant trois ans dans la forêt amazonienne au milieu des indiens bororos ou tupis. Aucun commentateur n'a relevé la désinvolture insolente du titre : la Récréation. Aujourd'hui, être Ministre de la République française, ce n'est pas servir, ce n'est pas participer à l'aventure historique d'un peuple millénaire, c'est s'accorder trois ans de récréation.

Après la "littérature", le cinéma. Quai d'Orsay de M. Tavernier est un film amusant, agréable à suivre, talentueux, qui traite sur le mode de la dérision de la lente maturation du grand discours prononcé en 2003 devant le Conseil de Sécurité de l'ONU par le ministre des affaires étrangères alors en poste : Dominique de Villepin, pour justifier le "Non" de la France à une intervention militaire de l'ONU en Irak. Le film se termine sur l'accueil enthousiaste qui a été fait à ce discours.
Le sujet est d'importance : c'est la politique étrangère de la France; le lieu où se passe le film est prestigieux : c'est l'hôtel particulier du quai d'Orsay (au 20, je crois), dans lequel se trouvent le bureau du ministre, les bureaux de ses conseillers, les grandes directions du ministère, le salon des beauvais, etc. Les personnages - ministre, directeurs, conseillers - sont censés être la crème de la crème et former l'élite de la nation.
Or, que nous est-il montré ? Un ministre qui a des lubies, se contredit à chaque instant, prend des décisions sur des coups de tête, décisions qu'il annule le lendemain, tient ses collègues du gouvernement pour des imbéciles et ses homologues pour des demeurés, demande des conseils à des écrivaillons de cinquième ordre, multiplie les énormités, a pour livre de chevet l'oeuvre lacunaire d'Héraclite, utilise son stabilo jaune comme un outil magique pour démêler le vrai du faux, tient ses saillies à la Prudhomme pour des étincelles de génie, se prend pour un poète inspiré, met sur le même plan l'insignifiant et l'important et semble exercer sa mission comme si c'était un jeu de cour de récréation...

La récré ou, plus exactement, une plaisante dérision : voilà ce que disent de la culture et des affaires du monde le livre de M. Mitterrand et le film de M. Tavernier, qui sont l'un et l'autre des hommes "de gauche", Tavernier adoptant même le point de vue du naïf "de gauche" (le conseiller "en langage" joué par Personnaz) pour raconter les quelques mois qui ont abouti au Non de la France à l'ONU. Le désastre n'a pas seulement ruiné la langue, l'école, la morale, le savoir; il affecte aussi le plus haut niveau de l'Etat, et tout cela pour distraire le public qui rit souvent et longtemps à Quai d'Orsay.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2013, 16:15   Re : Symptômes ?
C'était Camus qui, je crois, faisait remarquer qu'à force d'être des trafiquants d'hébétude, ils ont fini par en devenir de gros consommateurs.
27 novembre 2013, 16:21   Re : Symptômes ?
Bon, mais Quai d’Orsay, c’est une bande dessinée, au départ, qui prend par définition le parti de la dérision. Mis en dessin par Blain, c’est en effet hilarant. (Mis en film, je ne sais pas, et je ne saurai jamais car je n’ai pas l’intention de voir le film de Tavernier.)

Est-ce que la réalité est aussi dérisoire que la caricature (au sens littéral du terme) qui en est faite ? C’est ce que nous ne savons pas. Il est à mon avis hasardeux de conclure.
27 novembre 2013, 22:20   Re : Symptômes ?
N'ayant pas lu le livre de Frédéric Mitterand, je ne peux évidemment en parler (d'excellentes sources estiment néanmoins qu'il n'est pas dénué d'intérêt), mais justement, l'un de nos plus sagaces "commentateurs" (Laurent Ruquier dans son émission) a relevé le caractère apparemment cavalier et léger du titre : une "récréation" ? Mitterand s'en était défendu en prétendant surtout qu'il n'y avait rien là de désinvolte, mais qu'il faisait au contraire référence au danger que représente une cour d'école, requérant une attention et une prudence de tous les instants, lieu sans foi ni loi où les horions ne se comptent pas, ni les croche-pieds et la cruauté ; bref, pratiquement un coupe-gorge où sévissent des prédateurs et des sauvages.
C'est en somme un propos in-nocent...
28 novembre 2013, 01:15   Re : Symptômes ?
Citation
Henri Rebeyrol
M. Mitterrand (le neveu) a publié, un peu plus d'un an après avoir cessé ses fonctions, le récit de son expérience de ministre. Il semble qu'il ait écrit le livre lui-même. Peu importe le contenu ou le talent réel ou supposé de l'auteur. Alain Peyrefitte a attendu trente ans avant de publier le compte-rendu de ses entretiens avec De Gaulle et le récit de ses expériences de ministre. Mitterrand, qui a été ministre de plein exercice (et non sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-arts), a tout déballé le lendemain de sa démission, comme s'il n'avait fait que séjourner pendant trois ans dans la forêt amazonienne au milieu des indiens bororos ou tupis. Aucun commentateur n'a relevé la désinvolture insolente du titre : la Récréation. Aujourd'hui, être Ministre de la République française, ce n'est pas servir, ce n'est pas participer à l'aventure historique d'un peuple millénaire, c'est s'accorder trois ans de récréation.

Après la "littérature", le cinéma. Quai d'Orsay de M. Tavernier est un film amusant, agréable à suivre, talentueux, qui traite sur le mode de la dérision de la lente maturation du grand discours prononcé en 2003 devant le Conseil de Sécurité de l'ONU par le ministre des affaires étrangères alors en poste : Dominique de Villepin, pour justifier le "Non" de la France à une intervention militaire de l'ONU en Irak. Le film se termine sur l'accueil enthousiaste qui a été fait à ce discours.
Le sujet est d'importance : c'est la politique étrangère de la France; le lieu où se passe le film est prestigieux : c'est l'hôtel particulier du quai d'Orsay (au 20, je crois), dans lequel se trouvent le bureau du ministre, les bureaux de ses conseillers, les grandes directions du ministère, le salon des beauvais, etc. Les personnages - ministre, directeurs, conseillers - sont censés être la crème de la crème et former l'élite de la nation.
Or, que nous est-il montré ? Un ministre qui a des lubies, se contredit à chaque instant, prend des décisions sur des coups de tête, décisions qu'il annule le lendemain, tient ses collègues du gouvernement pour des imbéciles et ses homologues pour des demeurés, demande des conseils à des écrivaillons de cinquième ordre, multiplie les énormités, a pour livre de chevet l'oeuvre lacunaire d'Héraclite, utilise son stabilo jaune comme un outil magique pour démêler le vrai du faux, tient ses saillies à la Prudhomme pour des étincelles de génie, se prend pour un poète inspiré, met sur le même plan l'insignifiant et l'important et semble exercer sa mission comme si c'était un jeu de cour de récréation...

La récré ou, plus exactement, une plaisante dérision : voilà ce que disent de la culture et des affaires du monde le livre de M. Mitterrand et le film de M. Tavernier, qui sont l'un et l'autre des hommes "de gauche", Tavernier adoptant même le point de vue du naïf "de gauche" (le conseiller "en langage" joué par Personnaz) pour raconter les quelques mois qui ont abouti au Non de la France à l'ONU. Le désastre n'a pas seulement ruiné la langue, l'école, la morale, le savoir; il affecte aussi le plus haut niveau de l'Etat, et tout cela pour distraire le public qui rit souvent et longtemps à Quai d'Orsay.

A l'occasion, cher Monsieur, jetez un œil aux déclarations de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, en particulier celles prononcées au Conseil de sécurité:

[www.franceonu.org]
28 novembre 2013, 01:16   Re : Symptômes ?
Citation
Afchine Davoudi
C'était Camus qui, je crois, faisait remarquer qu'à force d'être des trafiquants d'hébétude, ils ont fini par en devenir de gros consommateurs.

Génial.
Utilisateur anonyme
28 novembre 2013, 10:52   Re : Symptômes ?
Citation
Alain Eytan
N'ayant pas lu le livre de Frédéric Mitterand, je ne peux évidemment en parler (d'excellentes sources estiment néanmoins qu'il n'est pas dénué d'intérêt), mais justement, l'un de nos plus sagaces "commentateurs" (Laurent Ruquier dans son émission) a relevé le caractère apparemment cavalier et léger du titre : une "récréation" ? Mitterand s'en était défendu en prétendant surtout qu'il n'y avait rien là de désinvolte, mais qu'il faisait au contraire référence au danger que représente une cour d'école, requérant une attention et une prudence de tous les instants, lieu sans foi ni loi où les horions ne se comptent pas, ni les croche-pieds et la cruauté ; bref, pratiquement un coupe-gorge où sévissent des prédateurs et des sauvages.
C'est en somme un propos in-nocent...

Évidemment, tout est dans le titre.

Frédéric Mitterrand semble regretter son choix mais le "mal" est fait : il avoue qu'il s'est bien amusé.

Ce qui est déplaisant, c'est effectivement ce côté "cour de récré".

D'abord, il s'agit de s'amuser, de se défouler entre copains et copines. La politique est devenue ce milieu d'amusement, d'entertainment comme on dit là-bas. Eric Zemmour a parfaitement expliqué le pourquoi de la chose : les hommes politiques n'ont plus de pouvoirs, n'ont plus LE pouvoir.

Ils s'amusent donc dans la cour, en jouant aux hommes politiques puissants et décidés, le tout sous la surveillance légère des professeurs (FMI, OMC, UE, traders de toutes obédiences, etc.).

S'ils font trop de chahut, les surveillants sifflent la fin de la récré.

Ensuite, il y a le côté "t'ar ta gueule à la récré" qui est plutôt amusant (je n'ai pas encore lu le livre mais vu Mitterrand chez Z & N, et entendu chez Guillaume Durant, sur Radio Classique).

Ce jeu de croches-pattes est assez drôle en même temps qu'il fait pleurer.

Une conclusion s'impose : nos hommes et femmes politiques modernes sont des enfants. Subissant et engendrant une infantilisation des Français catastrophique.
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