Excel et Google, nés en 2012

En guise de divertissement instructif en cette fin d'année, voici des exemples de prénoms qui ont été donnés en 2012 à des nouveaux nés en différents endroits du monde :

Prénoms féminins : Ace, Apple, Couture, Excel, J'Adore, Jagger, Jazzy, Juju, Jury, Kaixin, Kirshelle, Mclean, Monalisa, Oasis, Queenie, Sanity, Sesame, Shoog, Starlit, Tigerlily, Vanille, Vinique, Yoga, Hashtag ou encore Zealand.

Prénoms masculins : Alpha, Ball, Bond, Burger, Casanova, Crusoe, Goodluck, Google, Hippo, Hurricane, Jedi, Mango, Mowgli, Neon, Pate, Pawk, Popeye, Rysk, Savior, Tron, Turbo, Twitter, Vice, Villiam, Xenon.

Le XXIe siècle va être assez comique, finalement.

Oh oui, mon cher Olivier Lequeux, la post-modernité nous joue d’assez vilains tours mais elle est tout de même bien divertissante, de temps en temps.

Sanity: prêt à servir pour les chagrins d'amour où l'amoureux plaqué qui perd la tête pourra résumer sa situation en déclarant simplement I have lost my Sanity.

Alpha? Et Bêta alors?

Dans vingt ans, Excel, Twitter et Google seront devenus des antiquités de l'histoire informatique, et ces sobriquets ne feront plus référence à rien de connu, ou évoqueront des techniques obsolètes, ringardisées par le progrès. Il faut imaginer un adulte d'aujourd'hui qui serait prénommé Minitel, Atari ou Xerox. Les parents sont sans pitié !

Twitter je ne sais pas mais je ne vois pas tellement de raisons pour qu'Excel — qui existe depuis une trentaine d'années, est plus perfectionné et répandu que jamais — devienne une antiquité dans vingt ans, et Google probablement encore moins, cher Lequeux.

Le "pack office" pourrait aisément être remplacé par l'usage des logiciels libres ; à mon avis, les équivalents "open source" de Word et d'Excel ne tarderont pas à proposer des solutions tout aussi valables, et leur gratuité séduira la majorité (voyez comme Firefox a effacé Internet Explorer). Quant à Google, il dépend de l'internet sous sa forme actuelle, et celui-ci évolue à vitesse grand V (le web symbiotique, en plein développement, n'aura plus besoin des moteurs de recherche "classiques"). Plus généralement, toutes ces applications sont à la merci d'une seule innovation majeure.

Je croyais que vous parliez d'obsolescence, pas de remplacement par des équivalents gratuits. Le web symbiotique ? Pourriez-vous expliquer ?

(Dans la liste, sont absents les prénoms composés... C'est dommage, car Pâte-Apapier n'a pas vue le jour, ni Fête-Musique ou autre Gay-Friendly).

En fait, je pensais plus exactement à la disparition du nom, pas nécessairement du type de logiciel ou d'application qu'il désigne, même si, de toutes façons, il est évident que ces logiciels et ces applications ont une durée de vie limitée.

Le web symbiotique est un concept forgé par Joël de Rosnay pour désigner le "nuage", l'environnement dans lequel nous vivrons selon toute probabilité dans dix, vingt ou trente ans, constitué de toutes les différentes techniques reliées entre elles (informatique, bio-informatique, robotique, domotique, etc.), et surtout reliées à notre organisme (notre cerveau notamment) de manière à perfectionner et accélérer les communications entre eux. L'"intelligence" de Google n'est qu'un avant-goût de l'adéquation future entre l'esprit et la machine.

Enseigner à tous, y compris aux jeunes, que le présent n'est l'avant-goût de rien: que le présent n'a que le goût du présent et qu'il se trouve, chez les pleins-vivants, dépourvu d'avant-goût. C'est un concept très difficile à enseigner ou à transmettre car cette transmission devrait, pour se réaliser, aller à l'encontre, à rebours, de son désapprentissage par la jeunesse, toute occupée, dans l'éducation prévue pour elle, à se dé-préoccuper du présent pour mieux se forger l'avenir tel que le voient les aînés.

à Loïk: dans les listes des prénoms masculins figurent Vice et Savior -- couple gay par définition.

Citation
Francis Marche
que le présent n'est l'avant-goût de rien

Et le présent qui n'est l'avant goût de rien, emporte avec lui le passé.
Des découvertes archéologiques australiennes ont pu montrer récemment que les histoires rapportées par les aborigènes durant le temps des rêves, sont non seulement survenues, mais qu'elles respectent la chronologie du peuple aborigène.
Ce constat ne poserait aucun problème si les événements rapportés -- et qui correspondent à leur arrivée sur le continent australien--, n'avaient 45000 ans ! Or, il est admis que la transmission orale ne va pas au delà de 2000 ans, après quoi les événements deviennent des mythes.
Cette découverte pose manifestement la question de l'usage que nous faisons de la 'mémoire'. Un peuple primitif qui conserve des événements au-delà de 45000 ans. Un autre qui ne se souvient pas de ce qu'il fait de son temps. Si l'on demande à un Parisien quel usage il fait de sa mémoire, on y trouvera vraisemblablement un plan du métro, le top cinquante, ou l'art de calculer un emprunt, mais aucun usage à destination d'une mémoire intemporelle. La mémoire est devenu un élément fonctionnel au même titre que le téléphone portable, on la charge, on la décharge. Et c'est cela qui constitue sans doute le moteur de ce que nous nommons 'modernité', jusqu'à la caricature.

je préfère réserver le terme de "modernité" à un processus de subjectivisation du monde et de refondation par le "sujet", mais c'est affaire d'acception. Toujours est-il que le passage à la mémoire fonctionnelle et instrumentale que vous décrivez en est aussi l'une des conséquences : la fragmentation d'une sorte de "mémoire collective" de longue durée en autant d'éléments mobiles qu'il y a d'individus implique la possibilité de rechargement et donc d'effaçages/remplissages à des fins ponctuelles et déterminées.