« Je dirai un mot très rapidement, car le temps passe et j’ai déjà été bien long, d’un troisième remède impossible, à mon sens, et qui serait le recours, ou le retour, au christianisme. Une des forces des colonisateurs, de la majorité d’entre eux, sans doute — et ils en sont bien conscients, ils savent bien que c’est ce qui nous fait le plus peur, que c’est leur arme la plus redoutable, et c’est une des raisons de leur attachement à son égard —, c’est l’islam. L’islam est une religion très dynamique, très aimée de ses fidèles, très naturellement et comme invinciblement portée à la conquête. Une autre religion aurait pu lui résister, elle l’a fait dans le passé, elle l’a fait avec succès, il n’est que d’évoquer encore une fois Poitiers, Las Navas de Tolosa, Lépante, Vienne et tant d’autres batailles où l’Europe telle que nous la connaissons s’est fondée et confirmée. Certains croient que la même foi pourrait rendre les mêmes services. La foi ne se commande pas, hélas. Comme une religion vivante et qui, comme toutes les religions vivantes, se soucie moins de morale que de dogme et de puissance, de soumission et de fidélité, une religion demi-morte n’est pas de force. Et j’ai trop de respect et même d’affection pour le christianisme, malgré ses turpitudes, pour retourner à lui par intérêt, par stratégie, pour la simple raison pourtant véridique que nous serions plus forts s’ils nous animait encore. Je me suis fait souvent traiter de
maurrassien, à tout hasard, par des journalistes qui n’avaient lu ni Maurras ni moi mais qui trouvaient que l’insulte, car c’en était une dans leur esprit, faisait bon effet dans leur arsenal et pouvait entraîner chez leur adversaire, c’est-à-dire moi, de sérieux dégâts. Voici pourtant un point, il y en a beaucoup d’autres, où je ne suis pas maurrassien pour un sou. Je ne trouverais pas honorable de me précipiter, et encore moins de précipiter les autres, dans les bras d’une religion qui ne m’inspirerait pas de foi.
« Elle m’inspire de l’affection, je l’ai dit, de l’admiration souvent, un certain respect intellectuel ou, comment dirais-je...,
anthropologique (dans la lumière de René Girard), de la colère quelquefois. Elle fait partie très intimement de ma culture. Je pourrais en dire autant, malgré mes ignorances qui font des trous béants dans ces beaux legs, de l’héritage grec, de l’héritage juif, de l’héritage celte, de celui des Lumières et du libre examen. Les pôles de résistance à ce qui survient, contre-colonisation et Grand Remplacement, ne sont pas la croissance démographique, ni la religion, ni Jean-Marie Le Pen. Ils sont la culture et la volonté politique, la volonté politique au service de la culture, et de la culture française au premier chef : non qu’elle soit nécessairement supérieure à l’anglaise ou l’allemande, mais parce que c’est la nôtre et celle dont nous avons la charge, au sein de la culture européenne et de toutes les cultures du monde, sur lesquelles elle a toujours été exemplairement ouverte. Elle, et la civilisation qui l’a fait naître, et sur laquelle elle a irradié des siècles durant, sont parmi les plus précieuses, les plus hautes, et naguère encore les plus admirées que la terre ait portées et que l’humanité ait vu naître au cours de son histoire. Nous devons les défendre et promouvoir de l’intérieur et de l’extérieur,
a fortiori contre des substituts tout prêts qui sont loin de les valoir, que ce soit en douceur, en intelligence en dignité pour l’homme, en liberté pour la femme, en élévation spirituelle. Je pense bien entendu au prétendu multiculturalisme, qui fait tous les jours ses preuves comme nom de code, un de plus, pour la bêtification spectaculaire marchande, l’hébétude hyper-démocratique, la ruquiérisation des esprits, la politique-cabaret, la Grande Déculturation. Pour sauver ce qui peut l’être encore, pour offrir à la vie de l’esprit, en attendant mieux, quelques sanctuaires dans la débâcle, le parti de l’In-nocence, depuis sa création, a inscrit parmi ses toutes premières revendications la création en France d’une station de radio et d’une chaîne de télévision consacrées à la culture : sans chauvinisme aucun faut-il le dire, sinon celui de la connaissance, des arts, des sciences, de la littérature, du théâtre, du cinéma, de la musique (et je ne l’entends pas au sens de TF1 ou de “France Culture”). »
Renaud Camus,
Le Grand Remplacement, éditions David Reinharc (2011), pages 70-73.