Dites-lui qu'un sans-papiers est quelqu'un qui a laissé ses papiers chez lui, qui refuse de décliner son identité, qui ment aux autorités d'accueil sur son origine et les raisons qui l'ont amené en France, et qui fait tout cela dans le dessein de jouir de droits dont le citoyen du pays d'accueil ne bénéficie pas. C'est une définition fidèle et à peu près complète.
C'est du reste l'ultime recours que je me réserve après que la CPAM de Toulon m'ait annoncé par lettre recommandé que les services de la sécurité sociale
"n'acceptent pas de déclaration sur l'honneur des citoyens français" (elle les accepte de la part des étrangers) et que si je voulais bénéficier de droits à une couverture médicale le citoyen français venant de l'étranger que j'étais devait acquitter à l'Urssaf la somme forfaitaire de 14500 (bien quatorze mille cinq cents) euros par trimestre afin de prétendre à la CMU.
Je rentrerai en France dépenaillé, sombre et muet comme une carpe, les poches retournées, l'oeil furieux et vindicatif, puis, colérique et gesticulant dans un idiome incompréhensible (qu'on prendra pour un dialecte kurde) aux employés de la CPAM de Toulon que je menacerai des foudres d'Allah, je réclamerai qu'on respecte mes droits et qu'on me serve. Et qu'on me loge à l'hôtel, pour commencer. Je ferai inscrire dans une école un ou deux enfants d'emprunt et ma vie nouvelle, dans mon propre pays qui ne m'aura pas reconnu, pourra enfin partir d'un bon pied. Peu à peu, j'apprendrai le français moderne, je me donne six mois.
A mon premier RSA, j'invite toute l'In-nocence à une sauterie champagne et petits fours, avant de filer dans un Dom-Tom pour recommencer incognito. Quand j'aurai quatre RSA au compteur (France métro, Réunion, Guyane et Martinique) et que huit CAF de provinces aux fichers non recoupés me verseront mes dividendes pour mes faux enfants, je pourrais commencer la phase deux de l'opération: installer mes concubines, réelles ou d'emprunt, comme femmes seules à qui j'allouerai mes faux enfants.
Enfin, poussé par un goût secret pour la muette ironie des choses, par principe criminel, pour le plaisir de piétiner intérieurement mes victimes et pour achever de faire de la mauvaise foi ma religion, j'irai manifester à la Manif pour Tous sous une banderole en arabe et afin d'y crier à pleins poumons, "Un papa ! Une Maman! C'est Evident!"