Outre-atlantique pendant que les démocrates sont terrorisés à l'idée de perdre à nouveau cette présidentielle les MSM et la blogosphére de gauche déversent des torrents de boue sur Madame Palin.
Elections américaines : la Harley Davidson et le vélo
Par Laurent Murawiec à Washington
Lundi 15 septembre © Metula News Agency
C’est la saison des ouragans aux Etats-Unis ; venus de l’Atlantique, Gustav, Hanna, Ike dévastent les côtes. L’image a fait florès ici, un autre ouragan est en train de bouleverser le paysage politique américain, c’est Sarah Palin, gouverneur de l’Alaska, colistière choisie par John McCain. Sa nomination a pris le pays d’assaut, elle a assommé le microcosme politico-médiatique, elle a galvanisé non seulement la base du parti républicain, mais au-delà. Elle a changé la nature du « ticket » Républicain, élargi son audience et sa base, et changé de fond en comble la dynamique de la campagne des présidentielles. Pour une femme politique hier encore peu connue, le bilan de deux semaines de présence est impressionnant.
Que se passe-t-il pour que McCain, hier légèrement à la traîne d’Obama dans les sondages, soit passé en tête, au point de voir la victoire se dessiner à l’horizon du mois de novembre ? A cela on peut voir plusieurs raisons qui se renforcent les unes les autres.
Primo, la candidate elle-même. Son discours à la Convention Républicaine a été un petit chef d’œuvre, mêlant une biographie personnelle à la fois forte et émouvante, une profession de foi de l’Amérique profonde, celle qui travaille, ne prend pas la pose, chasse, pèche, fait des enfants, va à l’Eglise le dimanche, et est fière de l’Amérique.
C’est l’Amérique que ne montre pas Hollywood, qui n’intéresse pas les grandes chaînes de télévision. C’est l’Amérique dont Obama disait avec mépris qu’ « elle se crispe sur ses fusils et sa religion ». Incisive, drôle et sans complexe, Palin a proclamé ses valeurs avec chaleur et force, provoquant l’enthousiasme d’une foule Républicaine jusque là un peu en deçà. McCain lui-même, ravi de son coup de maître, en sort revigoré, comme si l’énergie débordante de sa colistière lui était injectée.
Obama a flanché : le candidat du « changement » a choisi pour colistier un cheval de retour de l’establishment washingtonien. Le bavard sénateur Joe Biden, qui avait recueilli quelques misérables milliers de voix aux premières primaires, avant de tirer bien vite sa révérence. Il est pensionnaire du Sénat depuis une trentaine d’années, ce qui détonne dans le paysage du « changement ».
Obama n’a pas eu cette « audace de l’espoir » dont il se gargarise : il aurait pu choisir Hillary Clinton, lestée des 18 millions de voix reçues au cours des primaires. Il n’a pas osé un ticket « noir/femme », qui aurait constitué une très grande première. Il lui en coûte aujourd’hui. Sa candidature, fondée et lancée sur le vedettariat, a perdu le devant de la scène et les projecteurs en folie. Lui qui paradait à la Convention Démocrate devant un temple grec en carton-pâte a dû céder l’avant-scène à cette novice apparente qu’est Sarah Palin, qui lui ravit la vedette.
La différence éclate avec deux clichés qui circulent ensemble sur le Net, et qui font rigoler l’Amérique. La première montre Sarah Palin, basketteuse émérite (surnommée « Sarah barracuda »), reine de beauté, provinciale fière, politicienne de choc – montée sur une Harley Davidson.
Sarah Palin a des positions tranchées en matière nationale : elle s’oppose vigoureusement à l’avortement, à tout prix prôné par la gauche ; elle est membre de la National Rifle Association, qui milite pour le respect du droit constitutionnel des citoyens à porter des armes ; elle s’oppose à la corruption washingtonienne qui permet aux élus de faire passer en douce, dans les lois qu’ils votent, des subventions qui vont à toutes sortes de projets dans leurs circonscriptions – il y en pour des centaines de milliards de dollars.
Pour reprendre une expression, qui n’avait pas vraiment eu son heure de gloire en France, elle est, sans forfanterie, « droit dans ses bottes ». C’est le pays réel des cols bleus, des fermiers et de la middle class qui se reconnaît en elle.
Dans son art oratoire sans apprêts ni chichis, le courant passe. Il passe si bien que les meetings et rallyes auxquels elle participe reçoivent le double ou le quadruple des foules attendues. En un mot, Palin est en prise sur le pays comme bien peu d’hommes politique l’ont été – comme un Reagan, peut-être. Palin est « féministe » sans être une de ces prétentieuses pleurnicheuses qui se posent éternellement en victimes, ni de ces idéologues abstruses et fanatiques, qui encombrent les campus. L’image de la femme pionnière de l’Ouest et du Grand Nord est bien la sienne, chasseuse de caribou, et celle de « Rosy la Riveteuse », célèbre image de la deuxième guerre mondiale, qui montrait une ouvrière soudeuse faisant le boulot d’un homme.
Rude concurrence pour le ticket démocrate – lequel en a perdu la tête et les pédales. L’apparition de Sarah Palin a fait l’effet d’une bombe dans le camp d’Obama, qui vient de passer deux semaines à essayer – en vain – d’en prendre la mesure. Et, tout aussi vainement, de démanteler la statue qui s’est spontanément formée dans l’esprit de l’électorat.
Mémoire d’analyste, je n’avais jamais été témoin d’un tel déversement de fiel, d’un tel déferlement de bile, d’un tel torrent de venin. Tout y est passé : la presse et la blogosphère de gauche n’ont rien épargné dans l’abjection ; Palin n’était pas la mère mais la grand-mère de son fils de cinq mois, qui est mongolien ; c’était le fils de sa fille, laquelle est enceinte de 5 mois ; les mensonges dégoulinaient de tous côtés, accusant le gouverneur de l’Alaska d’être une pedzouille ignare, d’avoir pour toute expérience la mairie d’un bourg de 9 000 habitants, d’être raciste et « nazie ». D’être une fondamentaliste chrétienne extrémiste. Avec son mari pèquenot, qu’allait-elle se mêler de politique avec ses cinq mouflets ?
J’ai vu l’hystérie de Républicains emportés par leur haine de Clinton, et l’insanité de la gauche dans sa détestation de Bush. Mais je n’ai rien vu qui approche ce raz-de-marée d’amertume et de vindicte sortant des égouts et des poubelles.
Pour la grande presse et les télévisions, - dont les journalistes sont Démocrates à 5 ou 6 contre un ! - « le peuple » est une abstraction que l’on invoque, mais dont la réalité est obèse, ignare et a l’esprit étroit. Ceux qui arborent le drapeau insistent pour garder leurs armes à feu, ceux qui tuent les « bons beatniks » dans Easy Rider et autres films sixties, ceux qui n’étaient pas à Woodstock, ne fument pas d’herbe et – on atteint là le summum de l’incompréhensible – vont à l’église ou au temple.
Dans le monde enchanté de la gauche caviar, ces pratiques et croyances sont interdites, sous peine d’ostracisme et de mépris. C’est que cette engeance vit dans sa bulle où elle ne rencontre que ses pairs et ne débat que ses propres opinions. Comme le disait la journaliste vedette de la chaîne d’info continue câblée MNSBC, Andrea Mitchell, l’une des stars du paysage médiatique : « Il n’y a que les analphabètes qui voteront pour Palin ». Le monde hors la bulle n’existe pas.
Et s’il prétend exister, et, pire, prendre la parole, et être candidat à la vice-présidence, la haine viscérale ne se contient plus, elle fait éruption et tire sur tout ce qui bouge.
L’hystérie irrépressible des media de gauche a pour effet direct de renforcer l’intérêt que porte l’électorat au ticket McCain-Palin. Le fanatisme despotique qui veut interdire tout ce qui ne lui ressemble pas révulse des millions d’électeurs, y compris les démocrates centristes, les électeurs qui ont voté pour Hillary Clinton. Obama, dont l’entourage ne s’est pas privé d’attiser les flammes, ou d’ouvrir les poubelles, vient, à cet effet, d’envoyer une équipe de trente avocats et enquêteurs en Alaska pour trouver et au besoin créer des « scandales » affectant Palin.
Les media sont le principal soutien d’Obama, il est leur candidat, leur chéri, leur création. Mais ses succès l’ont grisé. Tout comme Hillary Clinton se voyait jadis en candidate légitime et unique, sûre de sa nomination, Obama s’est comporté pendant l’été comme s’il était déjà président, se donnant le ridicule de se dessiner un Grand Sceau, négligeant de faire campagne là où il en a le plus besoin, multipliant les déclarations grandiloquentes et creuses, et les gaffes. Résultat : le chroniqueur vedette du très libéral New York Times, Tom Friedman, assène : Obama est passé de cool à cold, (il était cool il est devenu froid) : pas bon pour l’idole des jeunes. L’adulation lui est montée à la tête.
« Les Démocrates sont pleins de prémonitions lugubres et de peur de l’avenir » - doom and gloom - (malheur et tristesse), affirme John Podesta, l’un des barons du Clintonisme – on en est au point où les Républicains mènent dans les intentions de vote pour les élections aux Congrès.
Il y a six mois, les Démocrates avaient dix ou quinze longueurs d’avance. Les récriminations se multiplient dans le camp Démocrate ; on critique Obama et son équipe, on les accuse de n’être que des politiciens de la Côte Est, incapables de comprendre le reste du pays, sans parler de le conquérir.
Les Clintoniens sont encore pleins de ressentiment à l’encontre d’Obama, pour avoir détrôné la Sainte famille et snobé Hillary pour la vice-présidence. L’incapacité de la campagne Obama à définir un angle d’attaque contre Pali, qui leur file entre les doigts, est également cause de récriminations. Obama lui-même sacrifie ses prétentions d’être porteur d’une « nouvelle politique », qui soit « post-partisane » et au-dessus de la mêlée : sa campagne tire à boulets rouges sur McCain et Palin, et pas de la façon la plus ragoûtante qui soit. Les œufs pourris volent bas.
En un mot, formidable montée en puissance de McCain-Palin, stagnation et doute pour Obama, peur des Démocrates que les premiers ne deviennent les locomotives d’une reconquête Républicaine des chambres du Congrès.
Le retournement est violent. Pendant que les électeurs indépendants (non-affiliés aux deux grands partis) se tournent massivement vers McCain, les remous qui agitent la gauche se font de plus en plus sentir. Les deux présentateurs les plus enragés de la chaîne MSNBC, Chris Matthews et Ken Olberman, viennent tout juste d’être rétrogradés par la direction de l’information : non seulement traînent-ils lamentablement dans la chasse à l’audience, ce qui n’est pas nouveau, mais ils se sont discrédités par leur adoration béate d’Obama, encensé tel un dieu, et la hargne manifestée à l’égard de McCain et surtout de Palin. Ces signes des temps ne trompent pas : l’Obamacratie est sur la défensive, le tandem du vieux guerrier McCain et de la jeune combattante Palin est à l’offensive.
La tendance est elle destinée à durer ? C’est mon avis : ce que Sarah Palin catalyse, ce n’est pas un désir de star system, c’est une foule nombreuse qui est du même ordre que la « majorité silencieuse » qui avait élu Richard Nixon en 1968 et 1972, Reagan en 1980 et 1984, et dont Bush avait profité en 2000 et 2004. McCain-Palin font revenir cette foule aux urnes, parce qu’elle perçoit, qu’avec Palin, elle a voix au chapitre, et que McCain, quelles que soient les réserves qui existent à son égard, est un décideur. L’affaire est-elle dans leur sac ? Les aléas de la campagne sont tels qu’on doit en douter, mais la dynamique enclenchée par le coup de maître tactique d’un McCain plus matois qu’on ne le pensait me semble devoir durer.