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Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée

Communiqué n° 1551, jeudi 20 mars 2013
Sur l’obsolescence programmée

Le parti de l’In-nocence appuie la proposition du sénateur écologiste, M. Jean-Vincent Placé, qui entend faire sanctionner comme un délit le raccourcissement industriel programmé de la durée de vie et d’utilisation des produits. Le Grand Remplacement, avant d’être celui des peuples, a été celui des individus, et, avant d’être celui des individus, il a été de longue date, et il est encore, et plus que jamais, celui des objets, qui les premiers ont été façonnés pour être indéfiniment et obligatoirement échangeables, la possibilité de leur réparation étant de plus en plus refusée au public, pour le plus grand profit des industries et le plus grand dommage porté à la planète, encombrée de déchets jusqu’en ses territoires les plus reculés et ses plus hauts sommets. La prolongation de la durée de vie doit être accordée aux choses comme à l’humanité. Il n’y va pas seulement d’un intérêt écologique pour la Terre et pécuniaire pour les usagers, il y va d’une exigence ontologique, la restitution de la durée et de la conscience du temps, pour l’espèce hébétée par le présentéisme et les microdurées.
Un délit ? et pourquoi pas un crime ? une contravention serait donc insuffisante ?

Envie de pénal, quand tu nous tiens...
Ah oui, pourquoi pas un "crime contre la nature" ? (Le Remplacement programmé, quel qu'il soit, en est un, à n'en pas douter.)
Louis, vous est-il venu à l'esprit que la mode est une obsolescence programmée, sans doute la première ?
(Ce qu'il y a de bien avec vous, du Masnau, c'est que vous ne vous démodez jamais, vous restez toujours égal à vous-même.)
24 mars 2013, 03:08   Irréparable outrage
Un "crime contre la nature", l'obsolescence programmée ? Mais c'est la nature même, enfin, si prodigue en matière vivante, à la pourriture et mort annoncée...
Il est question de technologies ici Alain, pas de biologie. Toute la mission de la technologie n'est-elle pas précisément de faire échec, autant que faire se peut, à l'implacabilité de la péremption que programme la nature, ou d'en retarder les effets ? Pourquoi une recherche sur le cancer ou des antibactériens contre la gangrène si la pourriture doit continuer de faire loi ? Sur ce plan, la technologie doit s'affirmer résolument contre-nature.
Utilisateur anonyme
24 mars 2013, 05:13   Re : Irréparable outrage
Citation
Alain Eytan
Un "crime contre la nature", l'obsolescence programmée ? Mais c'est la nature même, enfin, si prodigue en matière vivante, à la pourriture et mort annoncée...

Je suis plutôt d'accord avec Alain et je m'en suis expliqué sur le forum privé avec mon abstention sur le communiqué qui nous occupe.

La technologie, même «s'affirmant contre-nature» comme vous dites Francis, est développée par des humains. En cela elle suit un processus itératif, laborieux et plein de gâchis, calqué sur la vie même. Il y a bien, parfois, quelques ingénieurs capables de ruptures technologiques ; ils sont rares, et il faut encore que la masse comprenne et suive.

Je n'ai aucun doute cependant sur le fait que l'obsolescence programmée dont on se plaint d'habitude est majoritairement motivée par un aspect bassement mercantile. Mais je comprends la fin du communiqué comme un éclairage philosophique sur la chose auquel je ne peux adhérer aussi simplement.
Utilisateur anonyme
24 mars 2013, 16:41   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
Citation
Jean-Marc du Masnau
Louis, vous est-il venu à l'esprit que la mode est une obsolescence programmée, sans doute la première ?

Quel rapport entre un type de pantalon passé de mode et une friteuse qui contient un programme qui doit la faire tomber en panne à un instant choisi ?

Prendre les consommateurs pour des vaches à lait (l'escroquerie, quoi), oui, c'est un délit.
La comparaison n'était pas convaincante en effet.

Cependant, à ma connaissance, personne n'a jamais pu formellement démontrer l'existence, à l'intérieur d'une machine vendue au public, d'un "programme qui doit la faire tomber en panne à un instant choisi". La fameuse affaire de l'imprimante soulevée par un documentaire passé sur Arte semble bien être de la même farine que celle de la perche du Nil du Cauchemar de Darwin et autres fariboles complotistes dont l'Empire du Bien nous abreuve, au moins tant que le rôle du méchant est attribué aux patrons de l'industrie et de la finance ou aux services secrets américains et israéliens. Les fabricants d'imprimantes ont choisi de mettre sur le marché des engins performants (ils sont aussi photocopieuses et scanners) mais à faible durée de vie et très peu coûteux en misant sur la vente des cartouches d'encre pour gagner de l'argent. Je suis tout à fait d'accord pour déplorer cet état d'esprit, pour dénoncer le "tout jetable" et pour réclamer « la restitution de la durée et de la conscience du temps, pour l’espèce hébétée par le présentéisme et les microdurées » ; c'est d'ailleurs la présence de cette phrase belle, émouvante et que je crois profondément juste qui m'a décidé à ne pas prendre part au vote de ce communiqué, malgré ma répulsion pour l'expression "obsolescence programmée".

Le tout jetable ne résulte pas d'un complot mais de l'état d'esprit qui est celui de la majorité de nos contemporains. Vous pouvez trouver sur le marché des imprimantes d'excellente qualité et de bonne tenue dans le temps mais elles sont trois ou quatre fois plus coûteuses que le modèle mis en cause dans le film : voyez du côté des matériels pour petites entreprises. Il existe, pour presque toutes les catégories de produits, des marques qui proposent de bons produits, bien fabriqués, robustes et durables, bien installés sur leur "créneau", celui des amateurs de bons produits, bien fabriqués, robustes et durables, et qui sont prêts à payer le prix correspondant à ces exigences (vêtements Barbour, instruments de cuisine Magimix, couteaux Evercut, voiture Toyota Landcruiser, blaireaux Plisson, etc.). Si ces amateurs étaient plus nombreux, cela obligerait les fabricants à suivre.

Je suis en train de lire Joseph Anton, de Salman Rushdie ; c'est un livre passionnant et, en outre, un très bel objet, extrêmement plaisant à regarder, toucher, posséder : livre très bien relié avec couverture dure, très robuste, papier non acide et donc durable, très belle typographie, édité par Random House à New York et imprimé aux États-Unis, la patrie du tout jetable et de la prétendue "obsolescence programmée". De quoi faire honte aux éditeurs français et aussi aux lecteurs pris globalement qui acceptent sans protester de se voir fourguer des bouquins-camelote qui tombent en morceaux à la première lecture. À propos de produits américains, et notamment de voitures américaines dont on dit si souvent qu'elles sont de la camelote : comment explique-ton que tant d'entre elles, âgées de soixante ans et plus, continuent de rouler à Cuba ?
Utilisateur anonyme
24 mars 2013, 19:34   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
Très intéressante intervention, cher Marcel Meyer, et je partage largement votre point de vue. Ce qu’on nomme “obsolescence programmée” naît d’un état d’esprit des consommateurs, ceux-là même qui font les soldes ou qui sont toujours à la recherche d’une bonne affaire (vous savez, ceux que France II interroge régulièrement pour son jité). La demande façonne l’offre. Les industriels, crapuleux à leur façon, vendent de la camelote parce que des pans entiers du public est disposé à en acheter (et en achète des tonnes chaque année).
» Toute la mission de la technologie n'est-elle pas précisément de faire échec, autant que faire se peut, à l'implacabilité de la péremption que programme la nature, ou d'en retarder les effets ?

Je n'ai connaissance pour ma part d'aucune "mission" dévolue à la technique, qui n'est qu'une force ou une puissance s'exerçant sans que nous y puissions grand'chose, en vérité...
Quant à un supposé caractère "contre-nature", vous savez que je pense exactement le contraire, i.e. que la technique nous refait le coup, en réalité, plus brutalement et en accéléré...
Je suis entièrement d'accord avec Marcel.

Pour ce qui est de la mode, je ne pensais pas forcément à la mode vestimentaire, mais plutôt à celle concernant les voitures. C'est en effet l'industrie automobile qui a, je crois, introduit la première la notion.

Alors qu'une voiture est tout simplement un objet utilitaire qui, bien entretenu, dure fort longtemps (je ne parle pas des options, je parle du moteur, de la transmission, des suspensions), on l'a, dès les années 30, rendu "rapidement obsolescent" par un jeu sur les carrosseries, l'aménagement intérieur...

On l'a surtout, et avec la complicité active des consommateurs, transformé en "objet de statut".

C'est là qu'est l'obsolescence programmée.

Evidemment, c'est sans doute trop difficile d'expliquer aux citoyens-consommateurs ce qui se passe. On préfère le soviétisme à la Placé. Bien.

La comparaison avec l'industrie aéronautique est éclairante : c'est une affaire de spécialistes, on entretient donc les machines. Un des vols pour Rio partis hier a été assuré par le 747 F-GITF, qui a fait son vol inaugural le... 20 mars 1992 !
Beaucoup de consommateurs remplacent d'eux-mêmes leurs appareils bien avant qu'ils aient atteint le stade de l'obsolescence technique à proprement parler. Je pense en particulier aux téléphones, aux ordinateurs, aux tablettes et aux télévisions. Tous ces objets sont devenus jetables, et sont perçus comme tels.On sait qu'ils seront trop lents, trop simples, trop gros ou trop petits dans six mois, un an au maximum. On s'informe déjà des nouvelles offres deux semaines après l'achat, et l'on regrette déjà, et l'on prévoit déjà le remplacement. Il est inévitable que, dans un tel contexte, les produits soient de qualité toujours moindre, puisqu'ils ne sont pas censés résister à un usage intensif et long.
Mais là aussi on peut trouver du robuste : j'ai eu un Nokia pendant près de dix ans et l'ai remplacé par un Samsung "Solid" qui semble parti pour une longue carrière. Je viens seulement d'acheter un téléviseur grand écran plat haute définition alors que mon vieux Sony à tube de plus de dix ans n'avait pas encore rendu l'âme (et il continue du reste à servir dans un gîte), parce qu'il y avait là un spectaculaire progrès qui me faisait envie : on me promet une durée de vie de l'écran à diodes électroluminescentes largement supérieure à celle du tube. J'écoute la musique avec un amplificateur et des enceintes achetés en 1985 qui fonctionnent sans la moindre défaillance depuis près de trente ans avec une qualité qui me suffit amplement et ne me paraît guère dépassée par les produits plus récents dont disposent par exemple mes fils ; je n'ai changé que la source, troquant le lecteur de CD (qui lui avait dû être changé deux fois) contre l'ordinateur.

Un écrivain français du tournant du siècle, Péguy peut-être, raconte que sa mère, refusant de lui acheter le cartable joli et bon marché qu'il désirait, lui expliqua : « Nous ne sommes pas assez riches pour acheter bon marché » puis lui en choisit un nettement plus cher qui lui dura toute sa scolarité. Le travers dont souffre notre civilisation et que nous discutons ici est un trait de caractère de nouveau riche.
D'autant plus, cher Marcel Meyer, que dans cette tendance à acheter pas cher, les nouveaux riches se trouvent désormais épaulés par les nouveaux pauvres : ça fait du monde.
Je croyais que la phrase que vous citez, Cher Marcel, était de Napoléon.

En effet, il est tout à fait possible de conserver certains appareils pendant dix ou quinze ans ; mais le goût de la nouveauté, du dernier cri, semble prédominant dans la petite bourgeoisie moderne. A quoi s'ajoute le fait que le manque de puissance des processeurs, dans l'outillage informatique, peut poser de réels problèmes. Certains ordinateurs vieux de trois ou quatre ans semblent totalement fatigués.
Utilisateur anonyme
25 mars 2013, 14:44   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
Je connais une jeune fille qui a changé quatre fois d’iPhone en quelques mois, sans raisons (valables). Une fois l’appareil avait une égratignure, une autre un nouveau modèle était sorti etc. (En plus, elle ne revendait même pas l’“ancien” modèle sur eBay (par exemple), elle tenait à tout prix à le garder — et du coup il s’empoussière bêtement et ne sert à rien...) Là, l’obsolescence programmée vient uniquement de la petite consommatrice — et pas du méchant Apple.
Et pour les garçons, quelle est sa politique ?
Utilisateur anonyme
25 mars 2013, 18:40   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
(Idem...)
Utilisateur anonyme
25 mars 2013, 18:40   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
((“En plus !”))
Utilisateur anonyme
26 mars 2013, 14:46   Re : Communiqué n° 1551 : Sur l’obsolescence programmée
Poésie

Dans un passage d’un cynisme comique, le personnage Michel Houellebecq du roman, à moitié saoûl, théorise l’idéal de la consommation heureuse. Il se présente comme un consommateur nostalgique de l’objet parfait. Il dépeint l’âge d’or de la consommation où consommer était la promesse d’une satisfaction sûre et pouvait encore constituer un idéal de vie, ce qui est «beaucoup lorsqu’on a une vie intime assez pauvre». «Dans ma vie de consommateur», dit-il, «j’aurai connu trois objets parfaits: les chaussures Paraboot Marche, le combiné ordinateur portable-imprimante Canon Libris, la parka Camel Légend». Ces produits favoris qu’il a aimés «passionnément», dont il parle comme s’ils avaient «une âme qui s’attache à notre âme» selon la formule de Lamartine et qui ont fait de lui un «consommateur heureux», ont disparu car on ne leur a «jamais accordé de deuxième chance».
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