La comparaison n'était pas convaincante en effet.
Cependant, à ma connaissance, personne n'a jamais pu formellement démontrer l'existence, à l'intérieur d'une machine vendue au public, d'un "programme qui doit la faire tomber en panne à un instant choisi". La fameuse affaire de l'imprimante soulevée par un documentaire passé sur Arte semble bien être de la même farine que celle de la perche du Nil du
Cauchemar de Darwin et autres fariboles complotistes dont l'Empire du Bien nous abreuve, au moins tant que le rôle du méchant est attribué aux patrons de l'industrie et de la finance ou aux services secrets américains et israéliens. Les fabricants d'imprimantes ont choisi de mettre sur le marché des engins performants (ils sont aussi photocopieuses et scanners) mais à faible durée de vie et très peu coûteux en misant sur la vente des cartouches d'encre pour gagner de l'argent. Je suis tout à fait d'accord pour déplorer cet état d'esprit, pour dénoncer le "tout jetable" et pour réclamer « la restitution de la durée et de la conscience du temps, pour l’espèce hébétée par le présentéisme et les microdurées » ; c'est d'ailleurs la présence de cette phrase belle, émouvante et que je crois profondément juste qui m'a décidé à ne pas prendre part au vote de ce communiqué, malgré ma répulsion pour l'expression "obsolescence programmée".
Le tout jetable ne résulte pas d'un complot mais de l'état d'esprit qui est celui de la majorité de nos contemporains. Vous pouvez trouver sur le marché des imprimantes d'excellente qualité et de bonne tenue dans le temps mais elles sont trois ou quatre fois plus coûteuses que le modèle mis en cause dans le film : voyez du côté des matériels pour petites entreprises. Il existe, pour presque toutes les catégories de produits, des marques qui proposent de bons produits, bien fabriqués, robustes et durables, bien installés sur leur "créneau", celui des amateurs de bons produits, bien fabriqués, robustes et durables, et qui sont prêts à payer le prix correspondant à ces exigences (vêtements Barbour, instruments de cuisine Magimix, couteaux Evercut, voiture Toyota Landcruiser, blaireaux Plisson, etc.). Si ces amateurs étaient plus nombreux, cela obligerait les fabricants à suivre.
Je suis en train de lire
Joseph Anton, de Salman Rushdie ; c'est un livre passionnant et, en outre, un très bel objet, extrêmement plaisant à regarder, toucher, posséder : livre très bien relié avec couverture dure, très robuste, papier non acide et donc durable, très belle typographie, édité par Random House à New York et imprimé aux États-Unis, la patrie du tout jetable et de la prétendue "obsolescence programmée". De quoi faire honte aux éditeurs français et aussi aux lecteurs pris globalement qui acceptent sans protester de se voir fourguer des bouquins-camelote qui tombent en morceaux à la première lecture. À propos de produits américains, et notamment de voitures américaines dont on dit si souvent qu'elles sont de la camelote : comment explique-ton que tant d'entre elles, âgées de soixante ans et plus, continuent de rouler à Cuba ?