Le noeud du problème demeure celui-ci : pour ce que nous appelons "intelligence artificielle",
l'écrit n'est habité d'aucun sens. Et ce problème, très fondamental demeure aussi inentamé en 2014 qu'il pourvait l'être en 1714, dans le siècle des
automates, soit des illusionnistes. Les automates, qui fascinaient les philosophes (d'Alembert, La Mettrie, etc.) créaient
l'illusion d'une cognition, d'une imitation cognitive, étaient des machines de foire et de distraction. Trois siècles plus tard, le robot-jouet à la japonaise, interactif, doit son succès à la même illusion.
Le problème est inentamé parce que s'il l'était un tant soit peu, l'irréfragrabilité de la conscience humaine le serait aussitôt, comme nous l'avons vu dans l'autre discussion s'agissant de la lecture, et cela se saurait : une effroyable révolution serait enclenchée dès lors que la fonction de lecture intelligente, celle qui, chez l'homme, pour être acquise ne se désapprend point, serait authentiquement prise en charge par une conscience robotique. Chez l'homme, c'est, dans la lecture,
l'accès au sens et la vie de la conscience qui ne se désapprennent point. Le chemin du sens demeure l'apanage de la créature humaine, non-artificielle, culturelle, et sur ce sentier étroit la créature naturelle-culturelle qu'est l'homme ne rencontre pas son imitateur, sa marionnette, son robot.
Chez les êtres biologiques, la vie de la conscience (manifestée chez l'homme dans la lecture intelligente)
ne se désapprend pas, tandis que chez les automates et les êtres robotiques, êtres artificiels qui ne présentent que des imitations de conscience, par conséquent et corollairement, c'est l'impérissabilité de la conscience qui ne s'acquiert point, et partant, ne se manifeste dans aucune lecture intelligente de l'écrit circulant dans la communication inter-humains. Privé d'expression, l'homme ayant appris à lire saura toujours lire, trouvera d'autres voies de manifestation du maintien de la fonction connaissante et de l'entretien de sa vie consciente qui remplaceront celles dont il a été privé, tandis que privé de ses fonctions qui font savoir aux humains (et éventuellement à ses frères robots) qu'il décode (déconne) encore, le robot "intelligent" est définitivement en état de mort cérébrale. Ce fossé, en 2014, demeure tout aussi infranchissable qu'en 1714 : le robot demeure encore dépourvu d'une âme muette qui saurait lire silencieusement, qui absorberait le sens sans agir et il ne continue de connaître que deux états : l'interagir ou la mort, soit la dépendance et l'assujettissement à ses maitres-concepteurs ou la mort, ce qui définit le statut de la marionnette, de l'automate.
Un mot sur l'IA et les jeux d'échecs : le champ aléatoire de ce jeu est fini. La combinatoire des coups y est, à tout moment de la partie, immense bien entendu, mais néanmoins strictement bornée. C'est qu'à vrai dire cette immensité, outre qu'elle est enclose, est trompeuse car à chaque mouvement de pièces c'est 99,9 % des coups possibles en aval du mouvement qui conduisent, à très court terme, à l'anéantissement du champ soit la fin de la partie,
sa fin de vie; il faudrait, transposé au champ communicationnel ouvert que chaque mot, chaque phrase échangé engage l'existence même de l'échange
à très court terme, et qu'elle l'engage absolument. Il est donc faux au sens plein du terme, il est
inintelligent de vouloir appliquer aux champs aléatoires ouverts de la cognition et de l'interagir existentiel les modèles arrêtés et "mortels" de la conversation échiquiéenne, d'où le désastre des modèles "Deep Mind" dérivés des succès de l'IA dans le jeu d'échecs.