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BAC de français 2014

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Apparemment, z'ont pas trop aimé V.Hugo, les djeunes:


[www.facebook.com]
Je n'arrive pas à lire le lien renvoyant à fb.


Bac français: "Victor Hugo, enfoiré, avec ton Crépuscule!"

Par LEXPRESS.fr, publié le 18/06/2014 à 16:31, mis à jour à 17:28
Ce mercredi, les élèves de Première ont planché sur la session 2014 d'épreuve anticipée de français. Sujet: le poème Crépuscule de Victor Hugo. Les lycéens ont exprimé leur désarroi sur Twitter. Avec leurs mots.


[www.lexpress.fr]


Pauvre Victor Hugo ! Il doit se retourner dans sa tombe. Cela dit, c'était un ardent progressiste et un ami du peuple. Il le lui rend bien.
J'espère qu'à partir de ce lien vous pourrez - enfin - accéder à ces déclarations d'amour à Hugo particulièrement inspirées.

[scontent-a-cdg.xx.fbcdn.net]
Merci. C'est assez explicite. Nolite mittere margaritas ante porcos, comme on dit.
Ce genre de comportement se rencontre aussi à l'encontre des auteurs contemporains, et pas forcément de la part de djeuns. Il me semble avoir lu des messages de ce genre sur un compte twitter.
Utilisateur anonyme
18 juin 2014, 19:57   Re : BAC de français 2014
J'attends sur France Culture l'indispensable interview de la dame professeur de lettres dans un lycée de banlieue venant nous expliquer que tout va bien, qu'elle “fait” Victor Hugo tous les ans avec ses élèves, lesquels sont très attachés, et bien plus qu'on ne pourrait le croire, à la culture patrimoniale, même s'ils ont “par ailleurs” leur propre culture urbaine ; et que ce qui est certain, vraiment, c'est que non, le niveau n'a pas baissé, qu'ils en savent même plus qu'elle à leur âge, qu'il faut juste les prendre différemment, etc.
Qu'ils en sachent plus que cette dame au même âge me semble assez plausible, elle n'a pas l'air d'avoir inventé le fil à couper le beurre.

Ceci dit, les épreuves du baccalauréat ne sont pas si faciles que cela, jugez-en plutôt, en histoire, quelques questions et mes propositions de réponse :


Série STMG :

Questions d’histoire :

1) Citez deux États asiatiques devenus indépendants après la Seconde Guerre mondiale, en précisant pour chacun la puissance coloniale concernée.


La Bangladesh, qui a su s'affranchir du joug pakistanais ; Timor-Leste, qui est parvenu à s'échapper des griffes indonésiennes.

2) Datez une période de cohabitation sous la Ve République, en nommant le président et le Premier ministre concernés.

D'octobre 1958 à décembre de la même année, Premier ministre Charles de Gaulle, président René Coty.

Série L et ES :
Composition d’histoire :

Sujet 2 : La Chine et le monde depuis 1949.


Réponse avec un plan en deux parties :

Partie 1 :

La Chine, pays continent, méfiant par rapport à l'étranger depuis très longtemps (voir la Révolte des Caleçons) et trouvant son unité contre le monde extérieur (le fameux adage "Les Nippons sont la cause du soulèvement de la Chine").

Partie 2 :

Mais un pays qui sait s'ouvrir, qui sait exporter sa culture et ses théories avec des moyens parfois sommaires (le fameux adage "La RévoCul arrive à pied par la Chine)".
... et qu'en fait pour "leur faire passer" V.H., faut faire appel à leur créativité, comme certains professeurs de philo qui l'ont bien compris qui enseignent la philo en rap, parfaitement, en rap, et V.H. en fait si en regarde un peu, ça balance pas mal et comme me le faisait remarquer un élève, il a le groove Hugo. Les jeunes faut d'abord se mettre à leur écoute... etc., etc.

Pendant ce temps, à New York, à Tokyo, on découvre les trésors hugoliens en traduction, et on pleure devant les Misérables sur scène.

Soit dit en passant, je crois qu'il n'y a plus en France que ces "jeunes de banlieue" auprès de qui la franco-française ou le franco-français indigènes sont tout disposés à se mettre à l'écoute. Si vous ne faites pas entendre des inflexions de voix "casquette retournée" au téléphone, essayez un peu d'espérer que la personne au bout du fil à qui vous vous apprêtez à "exposer votre cas", qu'il s'agisse d'un service conseil de banque, de télécom ou, pire que tout, une mairie, se montre, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, disposée à "se mettre à votre écoute" ! Ce que vous recueillerez sera absolument toujours et automatiquement un flux de parole brutal de quelqu'un qui n'écoute que lui pour vous démontrer, avant que vous ayiez pu en placer une, que, au choix,
1. on ne peut rien faire pour vous;
2. vous vous trompez de service;
3. on vous l'a déjà expliqué dix fois et de toute façon vous n'écoutez pas, avec
a. retour en boucle au 1.
b. raccrochage intempestif sous le prétexte d'un "appel sur l'autre ligne" qui vous laissera bouche bée au milieu de la demi-phrase que vous venez de former poliment dans l'espoir éternellement déçu qu'on vous entende enfin jusqu'au bout.

Ils le feraient exprès pour pouvoir se retrouver un jour tous enfin seuls en France avec leurs chères têtes crêpues des quartiers, ils ne s'y prendraient pas autrement, ces petits empereurs du numéro vert.
Pendant ce temps, à New York, à Tokyo, on découvre les trésors hugoliens en traduction, et on pleure devant les Misérables sur scène.

Le problème, je crois bien qu'il est .
De VH à HV:

Hervé Vilard, mauvais sujet ?

Un bug datant de 2007 qui annonçait, sûrement, les innombrables détraquements actuels.
Proposition de sujet faite par la dame sont nous parle M. Davoudi :

Vous commenterez ces paroles d'André Gide, auquel on demandait "Qui est le grand poète français ?" et qui répondit "Victor Hugo est l'as".
et comme s'exclamait ce grand hugolien devant l'éternel, Jacques Audiberti: Allez hue! go!
Autre sujet :

Vous commenterez ces propos de Victor Hugo adressés aux écrivains présents lors du banquet de son 81ème anniversaire : "Je vous remercie tous, mes chers confrères. Et dans le mot confrères, il y a le mot frères".
Autre sujet, encore :


Vous étudierez les différences de fond et de forme, mais aussi les analogies, entre le magnifique poème de Félix Arvers :

« Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ;

À l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :
« Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas. »


Et le pastiche qu'en fit Victor Hugo :


Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère,
Mais j'ai pris cette nuit, en un moment son cul.
Elle était endormie, aussi j'ai dû me taire,
Celle à qui je l'ai fait n'en a jamais rien su.

Hélas ! j'aurai piné près d'elle inaperçu,
Sans me l'asticoter et pourtant solitaire ;
J'aurais planté mon bout dans cette jeune terre,
Et sans rien demander elle aura tout reçu.

En elle, à qui Dieu fit la fesse douce et tendre,
Je suivrai mon chemin, me distrayant d'entendre
Ce bruit que dans la glaise on fait à chaque pas.

Au postère de voir ma semence fidèle
Elle dira, vidant son cul tout rempli d'elle :
"Quel est donc ce blanc d'œuf ?" et ne comprendra pas...
Du Masneau. Vous êtes un monstre.

On vous propose de commenter Crépuscule et vous trouvez le moyen, à la troisième république, d'obliquer dans crêpe sur l'cul via le blanc d'oeuf. Vous voulez que je vous dise... vous êtes pire que Hugo lui-même.
Utilisateur anonyme
18 juin 2014, 22:28   Re : BAC de français 2014
« Ceci dit, les épreuves du baccalauréat ne sont pas si faciles que cela, jugez-en plutôt, en histoire, quelques questions (...) »

Vous tombez dans le panneau.
Ces questions, qui ressemblent encore à de véritables questions, ne sont qu'une vitrine. La vérité du scandale du baccalauréat réside dans les consignes de correction, qui sont d'un laxisme hallucinant.
C'est tout de même excellemment écrit...

Il est dommage que l'aspect licencieux des poètes ne soit pas davantage mis en évidence auprès de la jeunesse. Qui aurait pensé de Mallarmé qu'il pouvait écrire cela ?


Mignonne, sais-tu qu’on me blâme
De t’aimer comme je le fais ?
On dit que cela, sur mon âme !
Aura de singuliers effets;
Que tu n’es pas une duchesse,
Et que ton cul fait ta richesse,
Qu’en ce monde, ou rien n’est certain,
On peut affirmer une chose:
C’est que ton con vivant et rose
N’est que le con d’une putain !
Qu’est-ce que cela peut foutre ?
Lorsqu’on tient ces vains propos,
Je les méprise, et je passe outre,
Alerte, gaillard et dispo !
Je sais que près de toi je bande
Vertement, et je n’appréhende
Aucun malheur, sinon de voir,
Entre mes cuisses engourdies,
Ma pine flasque et molle choir !…


Quant à Malherbe, il ne s'intéressait pas qu'aux roses :

Là ! Là ! pour le dessert, troussez moi cette cotte,
Vite, chemise et tout, qu'il n'y demeure rien
Qui me puisse empêcher de reconnaître vien
Du plus haut du nombril jusqu'au bas de la motte.

Là, sans vous renfrogner, venez que je vous frotte,
Et me laissez à part tout ce grave maintien :
Suis-je pas votre coeur ? estes vous pas le mien ?
C'est bien avec moi qu'il faut faire la sotte !

- Mon coeur, il est bien vrai, mais vous en faites trop :
Remettez vous au pas et quittez ce galop.
- Ma belle, baisez moi, c'est à vous de vous taire.

- Ma foi, cela vous gâte au milieu du repas...
- Belle, vous dites vrai, mais se pourrait-il faire
De voir un si beau con et ne le foutre pas ?
Cher M. Davoudi,

On pourrait dire de moi "se voulut ironique et ne fut point compris".

Ces questions sont enfantines et orientées, j'y ai cherché des réponses compliquées et politiquement incorrectes. Je me demande d'ailleurs comment on peut les qualifier de questions d'histoire.
Utilisateur anonyme
18 juin 2014, 22:35   Re : BAC de français 2014
Ces questions sont en effet enfantines et ne demandent rien d'autre que d'apprendre quelques fiches. Mais en STMG (whatever that is...) comme ailleurs, les professeurs un peu honnêtes vous le diront, ce sont surtout les consignes données aux correcteurs qui sont effarantes (de complaisance, de laxisme).
Sur ce point, nous sommes entièrement d'accord : je ne doute pas un instant de l'existence de telles consignes.

Résultat des courses, on fait miroiter aux jeunes gens des milieux populaires un parcours universitaire, parcours qui est en fait, pour la grande majorité d'entre eux, une impasse, où il se retrouvent in fine amers et sans débouchés.

La sélection, la sélection honnie, finit par pointer son nez, assez tôt en classes préparatoires et en médecine, un peu plus tard dans les facs de sciences mais assurément au niveau du master, et sans doute pour la HDR en socio-psycho.
Lu dans un communiqué de presse:


"Pour Ronan Chastellier - sociologue, les ados sont des êtres funs, marrants, innovants, qui vivent hyper connectés mais qui ont aussi besoin de régénération familiale : une valeur ancrée dans le réel et le concret."
Utilisateur anonyme
19 juin 2014, 13:35   Re : BAC de français 2014
Que des élèves sortent de leur épreuve de français en colère, rien de nouveau. J'ai maudit Balzac et Eugénie Grandet pendant des semaines.

Ce qui m'intéresse, dans ces réactions, c'est le vocabulaire, le champ lexical. Les insultes sont d'une grossièreté inouïe, qu'elles soient proférées par des filles ou des garçons. Ces gamins ne viennent pas tous des cités dites sensibles, les photos des comptes twitter peuvent faire penser que nous avons affaire à des gens de bonnes familles, et pourtant des insultes plus grossières les unes que les autres. Qu'ils n'aiment pas Hugo, soit, qu'ils veuillent le voir pendre, pourquoi pas ? mais ces mots...
Christophe, je ne les ai pas sentis en colère. C'est plutôt le contraste saisissant, désarmant, entre la monstruosité des propos et le mélange de tranquillité et d'hilarité avec lequel ces propos sont partagés qui est terriblement perturbant. Dans la rue, c'est exactement la chose: on traite allègrement le copain de fils de pute, on l'envoie en riant se faire enculer, etc. Et ce dernier le prend plutôt bien.

C'est vraiment l'adolescent actuel qui incarne le Mal sous toutes ses nouvelles formes insaisissables (exercice 'tranquille" de la violence verbale et physique notamment, donc).
Citation
Pierre Jean Comolli
Pendant ce temps, à New York, à Tokyo, on découvre les trésors hugoliens en traduction, et on pleure devant les Misérables sur scène.

Le problème, je crois bien qu'il est .

Au fait en quel sens, je vous prie, que c'est là que vous croyez bien qu'il est, le problème ?
Je voulais dire qu'au moment où un jeune Français confronté à un texte d'Hugo éprouve un rejet qu'il s'empresse de partager sur FB et ce dans les termes les plus révoltants, un Japonais du même âge éprouve admiration et émotion en se plongeant dans les écrits de cet auteur.
Ah alors on est d'accord. Personnellement, mais c'est tout personnel, je n'ai jamais aimé les oeuvres de V. Hugo où je trouve tout "téléphoné", comme chez aucun auteur de son époque. Cette façon parfaitement morale et convenue de mettre en oeuvre ses intrigues retentit comme chez elle à Hollywood et sur les scènes de Broadway. Hugo, c'est du cinéma américain moyen et honnêtement ficelé, à peine rien d'autre.

Sa poésie, et son Crépuscule en est emblématique, téléphone ses rimes sans surprise (ténèbre-funèbre, etc.), mais elle le fait admirablement bien, sans jamais la moindre faute, dans un ronronnement parfait. Hugo a fait dans la quantité, comme Mozart, ce qui, comme l'autre, ne l'empêcha pas d'être un génie, mais un génie ronronnant, comme le veut tout bon fonctionnement économique, tout écrit en régime économique et de reconnaissance sociale.

Cela dit, sa préface à Cromwell fut visionnaire.

Bon, j'ai douze là ? Vous allez quand même me mettre la moyenne non ? z'allez pas être fils de pute avec moi là !
Utilisateur anonyme
19 juin 2014, 15:18   Re : BAC de français 2014
“L'homme qui rime”, disait de lui Ph. Muray.
19 juin 2014, 16:33   Re : BAC de français 2014
La comparaison avec Mozart me paraît intéressante. Des génies qui ont tendance à ronronner, mais quand ça les prend, ça déménage grave.
Utilisateur anonyme
19 juin 2014, 16:40   Re : BAC de français 2014
Pour ma part je le mettrais plutôt à côté d'Haydn que de Mozart...
La comparaison d'Hugo avec Mozart est infondée, ce dernier est un génie de la musique alors que le premier est un honnête rimailleur. Je le comparerais avec Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir. Hugo faisait de la rime sans le savoir. Chez lui, tout est lourd. Gide avait raison de se moquer de lui.
Bon, j'ai douze là ?

Au moing (prononcé avec l'accent marseillais).

Oui, certaines métaphores de Hugo (la faucille d'or dans le champ des étoiles, par exemple), c'est de l'eau lourde. Mais Baudelaire, aussi, a raté des poèmes (mon dieu, l'Albatros). Avec les génies "grand public", j'entretiens, comme beaucoup, une relation directe, indéfectiblement affectueuse (rapport à l'enfance, au patrimoine, aux événements de la vie que leurs œuvres accompagnent). Lire Demain, dès l'aube... après avoir perdu sa grande sœur, ça vous fiche un coup.
Hugo faisait de la rime sans le savoir.

C'est extraordinaire! Un proverbe corse dit, "Qui fait des rimes sans le vouloir, est un âne sans le savoir."
En fait, oui, c'est probablement Davoudi qui a raison : Hugo, c'est Haydn, hélas !

Autre constat : Hugo fut le seul, le dernier et le premier des grands écrivains d'expression française dont tout le penchant naturel au crépuscule et à la hantise fascinée par les ténèbres funèbres fut entièrement, absolument, compensé, récompensé, exorcisé par une foi exhaltée en le Bien et en le progrès historique, humain et social. C'est cette totalité contradictoire et compensatoire qui fit la flèche de cathédrale qui eut nom Hugo et qui le fit unique dans le paysage des lettres françaises -- la mortelle déprime et l'ardente foi humaniste lancées toutes en une. Donc, oui, il est bien génial et incomparable le pépé Hugo qui, sur les billets de cinq francs de mon enfance s'appliquait, dans la pose, à ressembler à Dieu.
Citation
Pierre Jean Comolli
Bon, j'ai douze là ?

Au moing (prononcé avec l'accent marseillais).

Ah m'en voilà fort aise ! moi qui vous interpellais, vous l'avez décelé sans peine, avec l'accent de Martigues / Port-de-Bouc mâtiné racaille.
Citation
Pierre Jean Comolli
Hugo faisait de la rime sans le savoir.

C'est extraordinaire! Un proverbe corse dit, "Qui fait des rimes sans le vouloir, est un âne sans le savoir."

Mais l'âne est une bête "cotée positif" dans Hugo (cf. celui dont "chaque pas semblait être l'avant-dernier" dans le poème de la Légende des Siècles sur le crapaud que des enfants torturent).

En voilà un autre, de paradoxe hugolien : il suffit que l'on moque ou que l'on attaque cet auteur que je n'aime pas pour qu'aussitôt je me rue et me précipite dans sa défense comme s'il était mon propre fils, la chair de ma chair.

(on se dit que ce doit être dans ce type de paradoxe que loge ma francité et celle de nombreux autres Français: Pensez-en ce que vous voulez mais ne touchez pas à notre Goethe, notre Cervantès ! Insultez-le plutôt que de le diminuer !)
19 juin 2014, 19:38   Re : BAC de français 2014
Hier, Hugo comme La Fontaine, comme A. Daudet, participait autant de la culture populaire que de la culture savante. C'est ce qui fait, pour moi, son importance et peut-être sa force. Ces artistes, et d'autres, avaient contribué à façonner l'identité, l'âme française et comme façonneurs d'âme on pouvait trouver pire. D'ailleurs, depuis, on n'a que trop trouvé. Qui n'a jamais lu, entre autres, devant une classe de cinquième ou de quatrième, "La conscience ", " Le mariage de Roland", "L'aigle du casque, ne sait pas ce que sait que de voir opérer puissamment le charme d'un texte sur de jeunes adolescents agités. J'ai lu et fait lire en entier "L'aigle du casque" sans jamais sentir quiconque renâcler, bien au contraire. Oui, le fait est là, le texte de Hugo émouvait les élèves, même les plus rustres. On peut dire tout ce que l'on veut sur sa lourdeur ou sur ses rimes, pas si téléphonées que ça, mais le miracle, chaque fois, se produisait. Je n'ai jamais compris pourquoi les professeurs avaient, dans l'ensemble, renoncé à étudier ces classiques hugoliens tant cela marchait bien avec les élèves. A moins que, empressés de devancer les dégoûts supposés de la Diversité pour la culture française, ils n'aient fini par créer ce dégoût.

Dans un poème comme "Oceano nox", par exemple, il y a peu de bons vers et certains sont même franchement mauvais. N'empêche : il y a la musique de Hugo et l'ensemble du texte quand on a fini de le lire à haute voix résonne en nous comme un tambour funèbre et nous étreint.

(message modifié)
Ah A. Daudet ! auteur gardois de l'enfance souffreteuse. Personne ne s'en doute vraiment en France, mais Alphonse Daudet fut le pair de Charles Dickens, sa plume régulière et moqueusement observatrice est dickensienne de la naissance à la fin. Mais surout, Daudet fut le conteur du malheur d'être enfant au dix-neuvième siècle, comme le fut son frère de plume Dickens outre-manche. L'univers littéraire et contextuel (comme on dit) pour tant soit peu différent qu'il soit entre les deux auteurs n'en est pas moins habité par le mal d'être jeté aux adultes quand on ne l'est pas encore, par la taille, la hauteur et la chair, quand on est bien forcé de l'être de l'intérieur ne serait-ce que pour tenir tête à ceux qui vous toisent dans les réfectoires de pensionnat.

Si Hugo, c'est Mozart (ou Haydn), Daudet, c'est Dickens ! Il est grand temps de l'apprendre. Rouvrez Daudet! Commencez par l'émergence de l'écrivain adulte, dans le mordant attentif, âpre et parisien de ses 26 ans, soit l'âge le plus loin qui soit de l'enfance (après, on y retombe lentement) : Fromont jeune et Risler aîné (1874).
Utilisateur anonyme
20 juin 2014, 09:54   Re : BAC de français 2014
Il faut bien que jeunesse se passe...
Utilisateur anonyme
20 juin 2014, 14:18   Re : BAC de français 2014
Je leur conseille de créer une page Facebook anti-hugolienne ou, mieux, de faire une pétition. Il sera alors tenu compte de la difficulté qu'il y avait à traiter des écrits douteux de cet illustre inconnu.
Utilisateur anonyme
21 juin 2014, 12:01   Re : BAC de français 2014
« La comparaison avec Mozart me paraît intéressante. Des génies qui ont tendance à ronronner, mais quand ça les prend, ça déménage grave. »

Ça alors c'est inouï ! "Ronronnant", Mozart ??? Vous avez un exemple ?
10 mai 1933, quand Goebbels tweettait à la gloire de l'Allemagne d'après:

video: [fresques.ina.fr]


(Mozart ronronnant : jamais autant que dans certains de ses divertimenti, justement. Mozart, c'est bien du cochon : tout y est bon, certes, mais pas toujours sublime et inattendu. Et du reste ce n'est pas un reproche.)
Dans Une histoire de la lecture d'Alberto Manguel :

L'illusion caressée par ceux qui brûlent des livres est que, ce faisant, il peuvent annuler l'histoire et abolir le passé. Le 10 mai 1933, à Berlin, sous l'oeil des caméras, le ministre de la Propagande Joseph Paul Goebbels parla, tandis que l'on brûlait plus de vingt mille livres, devant une foule enthousiaste de plus de cent mille personnes : "Ce soir vous faites bien de jeter au feu ces obscénités du passé. C'est une action forte, immense et symbolique, qui dira au monde entier que le vieil esprit est mort. De ces cendres s'élèvera le phénix de l'esprit nouveau."

Cet ouvrage de Manguel est particulièrement riche. Ce n'est pas une histoire du livre mais de la lecture. On y trouve par exemple cette considération qui ne m'était pas familière : on ne peut pas désapprendre à lire. La lecture, c'est donc un peu comme le vélo ou la natation : on peut désapprendre à jouer au tennis et, après plusieurs années d'interruption de la pratique de ce sport retomber au niveau de débutant absolu, on peut désapprendre à écrire et même à parler. Mais la lecture ne se désapprend pas. Elle est seconde nature et sa capacité de lecteur ne meurt qu'avec soi. Il est par conséquent indispensable pour toute émergence d'esprit nouveau de retirer les livres et de condamner ces objets à la destruction irrémédiable, et l'action de Goebbels en ressort comme logique, de ce point de vue: tant qu'un livre subsistera, tant que la réception de l'écrit se maintiendra matériellement possible par sa lecture, la mort de la conscience n'adviendra point.
Jérôme,

Cette comparaison entre Hugo et Mozart n'est pas aussi bête qu'il y paraît.

Il y a un droit à l'ennui. Il est logique, dès lors, qu'il existe un droit d'ennuyer. Seuls les plus grands peuvent prétendre jouir de pareil droit, sont autorisés à pareille outrance (l'ennui est une outrance). C'est le cas de Mozart, c'est le cas de Hugo.

Le poète Mozart, le poète Hugo, sont de glorieux lauréats de l'ennui et du génie. La saturation du génie engendre l'ennui, qui est la mesure de notre petitesse face à lui. Nous nous ennuyons saturés de leur génie.

Il ne saurait y avoir de reproche dans ce constat comme il ne saurait y avoir de reproche à Hugo d'être hugolien jusqu'à la saturation, à Mozart d'être mozartien à la saturation (ses divertimenti, la plupart, je présume, continuent d'être habités d'une folle richesse musicale, c'est un fait, de même que toutes les oeuvres de ce malheureux Hugo incapable de se dépêtrer de lui-même, du génie hugolien)
22 juin 2014, 03:36   Les dieux s'emmerdent
Cela me rappelle que pour Leopardi, l'ennui était une marque de grandeur d'âme, littéralement : âme trop vaste, trop exigeante, trop prétentieuse aussi pour sottement, petitement se satisfaire de l'offre.
Le génie qui ennuie, et veut ennuyer, aura alors l'adresse d'illustrer ce sentiment-là d'insuffisance des choses par sa propre maîtrise de l'art s'exerçant pour ainsi dire à vide. Pas rien et, de plus, passionnant en soi, ce qui...
En fait, le grand blasé de génie aura le culot de vous cracher à la figure les noyaux du fruit auquel il n'a même pas goûté.
Bach aussi était ennuyeux. L'Art de la fugue donne envie de bâiller :





Il n'empêche que Bach est un grand compositeur. Probablement parce qu'il ne se souciait pas du public. Il composait pour Dieu.
22 juin 2014, 09:20   Re : BAC de français 2014
Je dois hélas avoir un côté un peu chiant moi aussi, parce qu'il m'arrive d'écouter et de siffloter, enchanté, des heures durant, ce morceau, joué par les mêmes...




Merci pour le partage de cette vidéo. C'est un enchantement. Je possède une version orchestrale de L'Art de la fugue mais ce n'est pas la même. Elle est d'une rigueur toute protestante puisque c'est celle d'Hermann Scherchen. Je veux bien écouter cette oeuvre mais à petites doses.
22 juin 2014, 11:01   Re : BAC de français 2014
Ah, pas à petites doses, non, pas moi. Ce que je préfère, c'est l'exécution par un quatuor à cordes. Par exemple ceci :




[www.youtube.com]
Utilisateur anonyme
22 juin 2014, 11:55   Re : BAC de français 2014
« Bach aussi était ennuyeux. L'Art de la fugue donne envie de bâiller. Il n'empêche que Bach est un grand compositeur. Probablement parce qu'il ne se souciait pas du public. Il composait pour Dieu. »

De mieux en mieux, ce forum…
Francis,


Vous avez évidemment raison. La littérature, à mon avis, a besoin d'oeuvres qui, par moment, "ronronnent", ce qui n'enlève rien à la qualité des auteurs.

Un roman russe sur un rythme de tarentelle, cela serait étrange. Un peu comme le Soulier de satin, heureusement qu'il n'y a pas la paire.

Un grand merci à Marcel, cet extrait est magnifique.
Utilisateur anonyme
23 juin 2014, 14:09   Re : BAC de français 2014
Est-ce que cela ronronne ?
video: [www.youtube.com]
23 juin 2014, 15:32   Re : BAC de français 2014
Mais non, cher Afchine Davoudi, mais non, bien sûr que non. Mais si je vous passe Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix cela ne prouvera pas que le menuet de la trois cent vingt-cinquième symphonie de Haydn ne ronronne pas.
Utilisateur anonyme
04 juillet 2014, 20:59   Re : BAC de français 2014
J'image que cette bachelière a reçu beaucoup de félicitations, désormais elle cache ses tweets.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

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