Hier, à Répliques, lors du débat fort courtois qui a opposé, sur la question de l'immigration de masse ou de peuplement, Hervé Juvin, dont les analyses sont proches de celles des habitués de ce forum, à Olivier Pastré, économiste : sinon économiste, du moins professeur d'économie - de même qu'un professeur de littérature n'est pas nécessairement un écrivain, un professeur de philosophie un philosophe, un professeur de mathématiques un mathématicien.
Ce dernier a objecté aux analyses de Juvin la croissance et le fait (constat ? dogme ?) que l'immigration serait pour le pays hôte un facteur de croissance économique et de richesse. Hervé Juvin n'a pas cherché à remettre en cause ou à critiquer cette assertion, semblant la tenir sinon pour exacte, du moins pour conforme aux réalités observables, se contentant d'affirmer avec force (et, ajouterai-je, pertinence) que la politique (une société, la démocratie, une nation) et l'économie appartiennent à deux ordres distincts qui ne se recouvrent pas et que les malheurs de la France viennent peut-être de la réduction de la politique à l'économie.
J'estime qu'une critique de l'affirmation de l'économiste (l'immigration est un facteur de croissance et de richesse) aurait été plus efficace. Qu'observe-t-on depuis quarante ans en France ? Une immigration élevée, "de masse" ou de "peuplement", couplée à une croissance faible, nulle et même à des années de croissance négative, et à un appauvrissement manifeste du pays. Les "quarante piteuses" ont été quarante années pendant lesquelles la France s'est appauvrie (comme le prouve la comparaison, pendant cette période, du PIB par habitant de la France avec ceux du Luxembourg, de l'Allemagne, des pays-Bas, de l'Autriche, etc.) et a vu sa population croître dans des proportions très importantes à la suite de l'immigration et des innombrables naissances d'enfants d'immigrés en France. Cela ne signifie pas nécessairement que l'immigration soit le principal facteur de l'appauvrissement du pays (thèse de Maurice Allais), mais que l'appauvrissement a sans doute d'autres causes.
Les économistes sérieux estiment que l'économie française crée des emplois avec une croissance supérieure à 1,5%. La raison en est simple : 1% de croissance est attribué aux gains de productivité (nouvelles machines, nouveaux processus, robotisation, ouvriers mieux formés, etc.) et 0;5% à l'augmentation de la population (plus d'habitants, donc plus de pain, plus de viande, plus de lait, plus de logements, plus de consommation électrique, etc.). Or, l'économie française a connu au cours des dix - et même quarante - dernières années des taux de croissance inférieurs à 1,5% (donc négatifs : il n'y avait pas de croissance en dépit de l'immigration qui continuait), et même des taux négatifs : 0%, - 1 %. Autrement dit, l'immigration n'a aucun impact (sinon négatif) sur la croissance et la production de richesses.
Allons un peu plus loin. Ce que nous serinent depuis quarante ans les économistes, c'est la nécessaire redistribution mondiale dans la production de richesses. Que la France abandonne les secteurs agricoles (mais pas agroalimentaires) et industriels, qu'elle se spécialise dans les services (le tourisme par exemple), dans le luxe ou dans la production à haute valeur ajoutée et qu'elle abandonne le textile, la mécanique, la mégisserie, la chaussure, etc. aux Turcs, Bengalis, Chinois, Tunisiens, Marocains, etc. Très bien. Dans ce cas, l'économie française a besoin d'ingénieurs, de concepteurs, de techniciens très qualifiés, et non des centaines de milliers d'illettrés ou de demi lettrés qui immigrent chaque année pour bénéficier d'allocations diverses et variées. Le professeur Pastré a d'ailleurs reconnu ce fait, quand il a parlé des cours d'économie qu'il dispensait aux étudiants de l'université de Paris VIII Saint-Denis, majoritairement étrangers ou issus de l'immigration, comparant les efforts "physiques" que cela lui demandait à ceux d'un professeur dans un collège de quartier sensible : étudiants indisciplinés, incapables de se concentrer, ne comprenant rien au cours, ne sachant pas prendre de notes, n'ayant reçu aucune formation.
Je ne sais à quoi attribuer le silence d'Hervé Juvin sur l'énormité de la thèse "immigration source de richesse" proférée par M. le professeur Pastré. Certes, c'est la version intello du catéchisme "immigration chance pour la France", mais cette thèse n'est fondée sur aucun fait établi et elle est démentie même par les données économiques. Je crois que cela tient aux pouvoirs "magiques" que l'on attribue encore en France aux "professeurs d'université", de la bouche de qui sort nécessairement la vérité, qu'il est interdit d'examiner et devant qui chacun est tenu de se prosterner. Je fais remarquer que ni M. Juvin, ni M. Finkielkraut n'ont tenté de soumettre cette énormité à l'exercice du libre examen. C'est sans doute à cause du tabou "université". Peut-être faudrait-il renouer avec l'insolence de Rabelais et celle, plus tiède, de Molière pour abattre ces temples de l'obscurantisme moderne que sont en France les universités ?