Communiqué n° 717 : Sur les médailles aux bacheliers

Le parti de l'In-nocence estime que c'est ajouter la dérision au désastre que de vouloir décerner, comme le ministre de l'Éducation nationale en a affiché l'intention, des médailles aux élèves qui obtiennent le baccalauréat, un diplôme dont il serait infiniment plus urgent à ses yeux de revaloriser le contenu et le sens, en un temps où c'est de ne pas l'obtenir qui semble un tour de force.

Le parti de l'In-nocence n'est certes pas hostile à tout ce qui pourrait formaliser et solenniser les différentes étapes du cursus scolaire et universitaire, mais à la condition que ce cursus corresponde effectivement à une progression des connaissances, de la conscience civique et de l'état de civilisation. Il ne souhaite en rien une pâle et tardive imitation des moeurs et coutumes anglo-saxonnes et jugerait plus opportun un recours à nos propres traditions nationales : en ce sens, des livres de prix pour les meilleurs élèves lui paraîtraient plus pertinents que des médailles à presque tous.

Comme je n'ai pas beaucoup écouté les nouvelles ces derniers jours, je me suis demandé un court instant si ce communiqué n'était pas un poisson d'avril. Des médailles aux bacheliers ? Et pourquoi pas une prime, et un iPod, et quinze jours de vacances à Cuba ?

(C'est amusant, d'ailleurs, parce qu'à qui me téléphonait il y a quelque temps en faisant grand cas de la réussite (avec mention) d'un fiston au baccalauréat, je rétorquai, maussade, qu'on n'allait pas EN PLUS lui décerner une médaille…)

Ou un bon d'essence.

Un bon d'essence pour les garçons, un stérilet pour les filles.

Un certificat de citoyen pour les mentions ?

Oui, et pour les malheureuses recalées (d'un soir), un sachet de pilules du lendemain en attendant la rentrée de septembre.

Oui, mais un livre électronique alors, bleu pour les garçons, rose pour les filles.

Par certains côtés, Monsieur Darcos me fait penser à Mac Orlan.

On se croirait dans "Le quai des brumes". Il y a des moments extraordinaires, de grandes idées, des éclairs. Et puis il y a des passages d'une grande bêtise.

Je m'aperçois que ma dernière phrase est encore moins claire que mes écrits habituels. C'est à Mac Orlan que je fais allusion, pour Monsieur Darcos il faut lire "de bonnes idées et aussi des stupidités".

Si si, Jmarc, c'est très clair, on dirait du Sainte Beuve.

J'étais de bac à Rome, cet été. Le lycée français de Rome est un établissement à part, et de ce fait, il organise chaque année une réception le dernier soir, dans de splendides jardins, pour célébrer la fin de l'année scolaire et l'obtention du baccalauréat. Il n'y avait pas de médailles, mais beaucoup de fleurs et quelques bons discours. L'émotion de la foule des parents et des nouveaux bacheliers, dans ce jardin romain un soir de juin, m'a ému, moi qui savais tout ce qu'il faut savoir du bac et de ses réalités. Je sais que l'émotion ne saurait tenir lieu de pensée, mais ce souvenir me retiendra de céder à la tentation du persiflage.

Monsieur Bès, à vous la médaille de la retenue !