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Laurent Wauquiez parle (du droit d'inventaire des années Sarkozy)

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Hier, sur BFMTV: "Ben oui, j'crois qui faut parler de c'qu'on a réussi et aussi de c'qu'on s'est trompés."

L. Wauquiez, ancien ministre passé par l'ENS, l'IEP et l'ENA (je crois que c'est tout) et reçu... premier à l’agrégation d'histoire.
"Ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, j'ai fait des études d’histoire (Master à l'université Panthéon-Sorbonne) et rédigé un mémoire de maîtrise portant sur Le Flambeau des Mille et une nuits et l'Orient des Lumières, 1704-1798. Reçu premier à l’agrégation d’histoire, titulaire d'un DEA de droit public, je suis entré à l’Ecole nationale d’administration (ENA), dont je suis sorti en 2001.

"Souhaitant apprendre l’arabe, j'ai effectué deux séjours de plusieurs mois en Egypte et travaillé à l’ambassade de France au Caire. C’est à cette occasion que je suis entré en contact avec Sœur Emmanuelle et son association au sein de laquelle j'ai donné des cours de français." (Laurent Wauquiez par lui-même.)

Il serait certainement inconvenant de voir là des éléments qui "font sens", mais c'est tentant.
Citation
Pierre Jean Comolli
Hier, sur BFMTV: "Ben oui, j'crois qui faut parler de c'qu'on a réussi et aussi de c'qu'on s'est trompés."

L. Wauquiez, ancien ministre passé par l'ENS, l'IEP et l'ENA (je crois que c'est tout) et reçu... premier à l’agrégation d'histoire.

Faut-il y voir de la démagogie ou comprendre que la bêtise le rattrape comme elle cherche à toujours le faire dès que nous baissons la garde ?
"Ben oui, j'crois qui faut parler de c'qu'on a réussi et aussi de c'qu'on s'est trompés."

Comme dirait l'autre, c'est à la syntaxe qu'il faut juger les hommes, etc. Ce qu'il y a de terrible avec l'effondrement de la langue, c'est que même lorsque l'on s'imagine arriver au bout du bout, au plus bas du bas, au plus petit rien du rien, à la ruine de la ruine, on ne cesse pas pour autant de ressentir que l'on va continuer de descendre et de descendre, et de descendre encore et toujours... Sans doute le jeu doit-il désormais consister à anticiper le prochain état de délabrement linguistique annoncé.

"Bé voui, c'que j'dis moi, c'est qui faut pas avoir peur d'causer de ç'qu'a été top et de ç'qu'à été pas top. C'est ça qu'les gens i' z'attendent de nous, i'faut pas les prendre pour des nazes, les gens qui y z'ont voté pour nous, ça s'rait pas cool, hein !"

(Après le droit d'inventaire, le devoir de se taire ?)
L' écologiste Placé vient à l'instant d'en sortir une belle (aussi sur BFMTV) : "Il faut trouver une loi pour enquiquiner celui qui a commis un petit délit."
Chers amis,

Après maintes hésitations et non sans quelque crainte vu l'esprit taquin de certains maîtres des lieux, je me décide à intervenir sur ce forum et remercie M. Meyer de m'y avoir accueilli.
Me présenter n'a guère d'intérêt. Je me limiterai donc à une simple remarque pour une première apparition : dans quelle mesure le langage d'un Wauquiez, d'un Placé, d'un Mélenchon et bien sûr d'un Sarkozy est-il joué, voulu, ou naturel ? Ou faut-il croire qu'en l'occurrence le joué est devenu naturel ? Si cette question est trouvée idiote ou inutile, je ne m'en formaliserai aucunement.
Welcome Mr Andrew.

Cet extrait d'une interview de Norman Mailer au journal "Libération" répond en partie à votre question.

Dans votre précédent livre, sur la guerre d'Irak («Pourquoi sommes-nous en guerre ?», Random House, 2003), Vous écrivez que «le fascisme est un état plus naturel que la démocratie» ; vous dites craindre que «le patriotisme, si fort aux Etats-Unis, peut conduire au fascisme», et vous diagnostiquez une «situation prétotalitaire». Avez-vous toujours ces inquiétudes ?


La démocratie est comme un mariage. Un mariage peut tourner mal, et la démocratie aussi. Aux Etats-Unis, ce danger existe. La démocratie n'est pas en aussi bonne santé qu'elle l'était il y a cinq ans, et nous nous trouvons dans une situation préfasciste, comme un cancer qui nous ronge. Le président George W. Bush est une zone d'infection à lui tout seul. Chaque fois qu'il ouvre la bouche, il diminue la bonne santé de la démocratie. Il ne s'exprime pas dans une langue intelligente, mais en phrases d'un seul mot dont les éléments sont reliés par des traits d'unions, du genre «Nous-devons-rester-en-Irak-jusqu'à-ce-que-nous-en-ayons-fini- et-que-nous-ayons-vaincu-le-terrorisme».


George Orwell disait que la corruption de la langue est un signe précurseur du totalitarisme.


C'est exact. Une langue claire est le fondement de la démocratie, et si vous avez un leader qui ne s'exprime pas clairement, c'est en soi un désastre. On peut ne pas être d'accord avec un dirigeant, on peut le haïr, mais au moins s'il s'exprime correctement, le débat démocratique est possible. Le danger est que beaucoup de jeunes Américains, qui se disent qu'ils seront peut-être un jour président, prennent exemple sur lui.


Bush sort de Yale, il n'a pas dû toujours parler comme ça ?


Il est issu d'une famille de la haute société. J'ai rencontré sa mère. C'est une femme intelligente qui s'exprime très bien. Bush n'a donc pas grandi dans une famille qui parlait mal l'anglais. Il a choisi de s'exprimer de cette manière pour se faire élire au Texas, un état où les gens vous tournent le dos si vous ne parlez pas de la même manière qu'eux.
Merci pour cette réponse. Je crois me rappeler que Karl Kraus écrivait à peu près la même chose.
Il m'a toujours semblé pourtant que le programme politique du parti nazi, par exemple, était parfaitement clair dans l'exposé de ses priorités, ses tendances, ses obsessions, et ce dès la publication du Programme en 25 points ; c’était même ce qui avait berné tant de gens, cette très grande franchise...
Le cas Balladur, celui d'un homme politique de qualité ridiculisé et rejeté par les électeurs à cause de sa belle application à articuler le français a échaudé toute la classe politique française, qui depuis s'apprend à parler comme à Canal Plus avant d'ouvrir la bouche en public.

On a aussi les crétins et les bouffons politiques qu'on mérite. Ne pas oublier que tout le pays était suspendu aux Guignols de l'Info dans les années 90 et qu'il élut celui de ses guignols qui avait la marionnette la plus "sympa" (J. Chirac).

C'est par finesse politique, bien évidemment, qu'un Laurent Wauquiez s'exprime en public comme un jeune porcher recalé au brevet, ou comme un concessionnaire auto du 9-3. Lui et ses pairs se sont mis d'accord sur le sujet déjà depuis un certain temps : la règle démocratique du suffrage universel exige qu'il en soit ainsi.
Qu'il me soit ici permis de ne pas partager votre bel enthousiasme en faisant observer que les propos de Norman Mailer (cités plus haut) - que je juge pour ma part caricaturaux, à la limite de l'insignifiance et passablement pénibles, car s'appuyant non pas sur une analyse subtile et un tant soit peu originale de l'expérience contemporaine, mais sur une sempiternelle et fastidieuse rhétorique inspirée par le ressentiment, la haine morale et la paresse intellectuelle, rhétorique au demeurant parfaitement répertoriée et plus que douteuse, typique des antifascistes obsessionnels qui s'empressent toujours de juger nauséabond le camp averse et dont le discours militant ne consiste jamais qu'à déshumaniser avec une violence hyperbolique l'adversaire commodément diabolisé (on n'est jamais très loin de la reductio ad hitlerum, et la comparaison de Bush à une maladie infectieuse, à un cancer qui rongerait la démocratie, fait tristement écho au discours antisémite le plus éculé - celui de l'Europe des années d'avant-guerre, comme celui des pays arabes d'aujourd'hui) ne semble avoir d'autre dessein que de flatter les lecteurs de la presse de gauche moralisatrice et progressiste (qu'on me passe ce pléonasme), trop heureux de se sentir à si peu de frais et avec si peu de mots appartenir au large camp du Bien - me paraissent rien moins que pertinents pour décrire l'état de paupérisation et de délabrement effarant de la langue politique contemporaine.

Se fiant à cette seule interview, on peut même douter que Mailer soit très familier de la réflexion qu'Orwell a menée, de même, en effet, que Karl Kraus ou Victor Klemperer, sur l'usage propagandiste de la langue politique en régime totalitaire, bien entendu, mais aussi démocratique. Lorsque le journaliste qui l'interroge, mentionnant l'auteur de 1984, évoque la corruption de la langue comme signe précurseur du totalitarisme, sans doute rendu sourd à toute nuance par l'exaltation de son obsession antifasciste et pressé de s'offrir sans ambages la précieuse caution morale d'Orwell, l'écrivain-journaliste (sic) américain répond tout à fait à côté en acquiesçant à la hâte : "C'est exact. Une langue claire est le fondement de la démocratie, et si vous avez un leader qui ne s'exprime pas clairement, c'est en soi un désastre." Or quel rapport entre cette banale observation de Mailer et les éminents travaux philologiques d'Orwell sur ce qu'il a judicieusement désigné du terme de "novlangue", et qui, pour n'en tracer ici que fort maladroitement les grandes lignes, se résume à la manipulation du langage, à l'invention de mots, à l'inversion perverse du sens originel des mots, et à la réduction de la parole politique à des slogans hypnotiques à des fins de propagande, d'endoctrinement des foules, de falsification linguistique de la réalité ? Non seulement, il n'y en a pas, mais toute tentation de voir dans l'opinion de Mailer une quelconque continuité de la pensée orwellienne serait erronée. Dans cette interview, l'auteur américain ne dit rien - du moins pas intentionnellement - de l'état déplorable de la langue actuelle. Bien au contraire, croyant dénoncer cet état, il ne fait en vérité que venir à son secours (renfort bien superfétatoire). S'imaginant combattre la médiocrité du discours politique, il ne fait que le légitimer à son insu en lui assurant paradoxalement (en apparence du moins) une justification bien imméritée. À bien considérer les choses, il ne fait guère de doute que l'opinion de Mailer, quant à la définition de la langue la mieux conforme à la démocratie (et sur ce point il est à craindre qu'il n'ait pas tort), est exactement la même que celle de n'importe quel homme politique d'aujourd'hui. Car c'est précisément quand on professe que le démocrate doit toujours s'exprimer de la manière la plus claire et la plus simple possible, afin de pouvoir être compris par l'ensemble de l'opinion publique et par la plus grande majorité des électeurs potentiels, c'est-à-dire par la masse des petits-bourgeois incultes et illettrés qui ont remplacé le peuple français de jadis, que l'on en arrive, par une sorte d'automatisme, de laisser-aller généralisé, de grégarisme linguistique, à négliger la moindre de ses phrases, à ne guère se soucier de la syntaxe et de la grammaire, des règles et des contraintes, à ne plus considérer la langue que comme un instrument de communication, au point de pouvoir se satisfaire de phrases tout à fait bancales et approximatives, pourvu que celles-ci aient l'air d'être vraies et surtout sincères, sans le moindre détour, sans la moindre strate ni épaisseur, sans le moindre doute ni souci de se présenter au mieux de sa forme travaillée. Qu'importe dès lors si le sens, le pauvre sens privé de l'indispensable soutien de la syntaxe, se perd en cours de route et finit par ne plus rien signifier du tout, ou pis encore, par signifier le contraire de ce qu'il était censé dire.

Or cette manière désastreuse et ruinatique de s'exprimer des hommes politiques (et des femmes, cela va sans dire), mais aussi de l'ensemble des acteurs du complexe médiatico-politique et de la quasi totalité de la population, au point qu'une même langue défectueuse et vulgaire finit par s'imposer à tous et en toute circonstance, de l'enfant babillant jusqu'au professeur d'université le plus diplômé (le monde des papas et des mamans, de la maman de Napoléon et du papa de Mozart), en passant par le journaliste niaiseux et la comédienne analphabète, des gradins du stade aux salons du palais de l'Élysée, en passant par les plateaux de télévision et les ondes de France Culture, n'est assurément pas feinte ni jouée ; elle est au contraire parfaitement ''naturelle'', spontanée et soi-mêmiste, inconsciente, non-réflexive, et en l'occurrence totalitaire, en ce sens que cette langue unique a perdu jusqu'à la faculté d'imaginer qu'une autre langue, plus noble, plus ancienne, plus musicale, plus héritière du vert paradis des amours enfantines et de mignonne allons voir si la rose, puisse encore continuer de subsister en dehors et à l'écart de ses incorrections, de ses solécismes, de ses barbarismes, de son si sympathique défaut de syntaxe, de son ostensible ignorance des différents registres de la langue, de sa familiarité, de sa trivialité, de sa bonne franquette, de sa lyre scatologique, de son jeunisme effréné, de sa laideur manifeste, de son caractère aussi bien inaudible qu'incompréhensible, de son misérable petit tas de mots orduriers, du bruit insupportable qu'elle fait à ne jamais s'entendre ni s'écouter nous écorcher l'ouïe.

Au siècle dernier, lorsqu'un homme politique empruntait la langue du peuple pour s'adresser à la foule, c'était dans un but démagogique, en faisant semblant d'en être. Aujourd'hui, lorsqu'un homme politique s'exprime dans le sabir contemporain de la classe unique et déculturée, c'est en toute sincérité dans sa langue native qu'il le fait. Sans doute faut-il voir là l'oeuvre de la démocratie égalitaire et horizontale. Aussi lorsque Mailer dit : "Une langue claire est le fondement de la démocratie, et si vous avez un leader qui ne s'exprime pas clairement, c'est en soi un désastre."; il est on ne peut plus tentant de prolonger sa phrase en ajoutant que c'est en effet un désastre pour les Amis du désastre et de la Grande Déculturation, et pour tous ceux qui ont intérêt à ce qu'un peuple n'ait plus la moindre chance de connaître ses classiques, ni les belles complexités de sa propre langue ni les racines profondes de son chant singulier. Car si c'est par le contrôle bureaucratique de la langue que s'instaure le plus durablement un régime totalitaire, c'est par l'insidieux appauvrissement médiatique et spectaculaire de la langue que la démocratie moderne entend détruire toute pensée critique, toute dissidence, toute manière de juger et d'évaluer à l'aide de critères anciens, toute manière de vivre, d'être et de paraître, de dire et de sentir au moyen de mots tombés en désuétude et de tournures de phrases empruntées à des voix plus anciennes que nous-mêmes et qui depuis longtemps se sont tues dans l'épaisseur des siècles.
On a souvent dit aussi, je crois, que la carrière politique à demi-tronquée d'un Michel Rocard tenait beaucoup à un lexique, des idées (bonnes ou mauvaises, là n'est pas la question), une syntaxe incompréhensibles pour la majorité de ses électeurs. J'ai écouté sur France Culture dans l'émission "A voix nue", en juin, une série d'entretiens avec Rocard. Malgré un débit assez désagréable, ce qu'il disait était passionnant. Inutile d'ajouter que ses idées politiques ne sont pas du tout les miennes.
Il est très probable qu'il existe des ateliers, animés par des coachs spécialisés, où les énarques à ambition politique s'apprennent à mal parler. Si le bien parler (diction, syntaxe acceptable, choix des termes) s'apprend, le mal parler doit s'apprendre lui aussi. En matière de langage, il n'y a que de l'acquis. "Se lâcher", relâcher sa langue, la bien pourrir, cela s'acquiert par des techniques, comme au yoga.

On voit parfois certains chefs d'orchestre enjoindre à leurs musiciens de "jouer sale" (dirty it up !)
Citation
Francis Marche
Il est très probable qu'il est existe des ateliers, animés par des coachs spécialisés, où les énarques à ambition politique s'apprennent à mal parler.

Ce fut le cas pour Laurent Fabius quand, il y a déjà quelque temps, il voulut incarner l'aile gauche du PS. Il apprit alors à limiter le vocabulaire de ses interventions publiques à 400 mots.
L'éloquence politique est un sujet fort curieux.

Un des plus grands orateurs du siècle passé était Aristide Briand. C'était du moins l'avis général, et il emportait souvent la conviction du Parlement, pourtant composé dans les années 20 de gens fort instruits et qui maîtrisaient en tout cas la syntaxe française.

Or, la lecture des "verbatims" des interventions de Briand montre que cuirs, fautes contre la syntaxe et approximations se suivaient à un rythme consternant. Léon Daudet fut un des rares à noter ce trait :

[books.google.fr]

Quelle est votre opinion à ce propos ?
"N'avoir pas d'idée et savoir les exprimer : c'est ce qui fait le journaliste." Karl Kraus* (un peu trop optimiste tout de même).

Ne pas savoir exprimer correctement les idées que l'on n'a pas, voilà qui devrait vous destiner à faire carrière en politique.

* cité par l'excellent Roland Jaccard dans son Dictionnaire du parfait cynique (1987, réédité en 2007, éditions Zuma).
S'imaginer, naïvement, que les hommes politiques apprennent à mal parler, c'est prendre les perroquets pour des singes savants (pardon pour les bêtes).
Je veux bien croire que l'on enseigne à mal parler dans les "boites de com", et que certains hommes politiques se laissent convaincre qu'il est préférable de saper son niveau de langue pour se faire comprendre du plus grand nombre. Toutefois, dans le cas de Wauquiez, ou du type d'homme qu'il représente, il doit y avoir aussi une sorte d'assimilation, d'absorption des influences langagières de l'époque, caractéristique des individus extravertis, poreux, mondains. On a vu qu'il fallait résister tous les jours pour ne pas voir décliner ses facultés syntaxiques, dans un monde où la syntaxe est malmenée à toute heure : comment le participant heureux et décomplexé de la vie moderne ne serait-il pas gravement touché par le charabia quotidien ?
L'idée de l'agrégé de lettres classiques prenant, pour réussir une carrière politique, des leçons de parlure moderneuse comme Hitler prit des leçons de gestuelle théâtrale pour renforcer l'efficacité dramatique de ses discours (il en reste de très curieuses photographies) est évidemment plaisante. Je crois cependant, comme Olivier Lequeux, que cela ne leur est pas nécessaire, il leur suffit de se lâcher, de se laisser aller à l'air du temps. Rien n'est plus contagieux que la mauvaise langue et, lorsqu'il n'est pas épaulé par la pression sociale, le surmoi cède vite devant les sourds coups de boutoir du ça et les mauvaises manières reviennent au galop. Cela n'exclut cependant pas que tel ou tel homme politique particulièrement bien élevé et trop habitué à se tenir ait pu se voir conseiller par des communicationnologues moderneux de s'amender.
il leur suffit de se lâcher,

C'est bien ce que je disais : "se lâcher" n'est pas si facile, cela s'apprend (cf. le yoga). On ne doit pas se lâcher n'importe comment. La parlure, pour être reproduite, doit être étudiée. Si l'on n'est pas Ch'ti, si l'on n'a jamais eu l'accent de Tarascon, il faut, pour parler ch'ti, ou faire entendre un accent tarasconnais, des séances d'apprentissage où l'on se pliera à parler ch'ti, à faire sonner terminaisons féminines des mots comme à Tarascon certaines gens (ou à rouler les "r" comme à Rivesaltes si l'on veut reproduire la manière oratoire ministérielle des années 20, etc.). Rien n'est naturel: on ne se lâche pas naturellement pour tomber dans une case socio-linguistique autre que celle de son enfance.

Un mot sur Norman Mailer, injustement bousculé par M. Delautremer : Mailer est un grand écrivain américain. S'il est "écrivain-journaliste", c'est parce qu'il n'existe dans son pays aucune tirette à subventions qui s'intitulerait "ministère de la culture" ou "Centre national du livre". L'homme a donc dû, pour faire bouillir la marmite et verser la bonne douzaine de pensions alimentaires dues à ses ex-femmes, écrire des biographies de Marilyn Monroe, de Lee Harley Oswald, etc. et placer des articles dans Playboy ou Penthouse, ce qui est la manière ordinaire de subsister comme grand écrivain en Amérique.

Il faudrait aujourd'hui un Norman Mailer en France, un "écrivain-journaliste" d'un certain calibre et ayant une certaine idée de la liberté de pensée; Norman Mailer, s'il était Français aurait déjà, aujourd'hui 24 août 2013, commis un volume de 300 pages sur l'affaire Clément Méric contenant un entretien fait en prison d'Esteban Morillo (que personne, à ma connaissance, dans la France de François Hollande et de Roland Ruquier, n'est allé visiter pour l'inviter à livrer sa version des faits), détenu depuis deux mois sans procès et sans perspective d'élargissement pour un acte de légitime défense, deux coups de poings réflexe assénés à mains nues, sans faire usage d'arme blanche ni d'arme à feu, écrasé sous le gros derrière de la bonne conscience nationale qui s'est assise sur son destin en marquant le coup par une minute de silence à l'Assemblée.

En cette fin août, Esteban Morillo abandonné à son sort par les "écrivains français non-journalistes", me rend honteux d'être Français.

Un fonds d'aide à Esteban Morillo a été ouvert (voir le site de Résistance Républicaine). J'en profite pour inviter chacun à y abonder dans la mesure de ses moyens, au nom de l'in-nocence.
Citation
Francis Marche
En cette fin août, Esteban Morillo abandonné à son sort par les "écrivains français non-journalistes", me rend honteux d'être Français.

Un fonds d'aide à Esteban Morillo a été ouvert (voir le site de Résistance Républicaine). J'en profite pour inviter chacun à y abonder dans la mesure de ses moyens, au nom de l'in-nocence.

Une manifestation se tiendra à Paris le 14 mars en sa faveur. Je serai en France à cette date et ai moi-même invité tous ceux qui le peuvent à s'y rendre. Mais je suis un "écrivain français non journaliste" bien modeste...
Merci cher Eric. Il s'agit du 14 septembre bien sûr.
14 septembre, bien sûr. Merci Francis ! Je n'ai vraiment pas toute ma tête. Il doit y avoir des jours comme cela.
Je comprends mal cette charge contre Norman Mailer, qui est un grand écrivain, et plus généralement la critique à l'encontre des "écrivains-journalistes". Francis nous explique très bien les choses.

Proust écrivit beaucoup pour le Figaro, à ma connaissance cette activité "journalistique" fut la seule qu'il exerçât en dehors de l'écriture de son Oeuvre. Graham Greene fut journaliste avant d'écrire ses fameux "The Third Man" et "The Quiet American" (je saisis l'occasion pour adresser mes voeux asiatiques à M. Miné, qui est au Laos je crois). Le "Corriere de la Sera" peut quant à lui se flatter d'avoir eu parmi ses journalistes l'auteur du "Désert des Tartares".
A ce jour, aucun écrivain français bien en cour, directement ou indirectement subventionné, ne se montre intéressé de s'élever contre cette révoltante injustice qui frappe Esteban Morillo. Et pour cause...

Si les écrivains vivaient de leur plume et de leur talent en employant ce dernier partout où ils le peuvent pour assurer honnêtement leur pitance (comme le faisait Philippe Muray, et d'autres), s'ils courraient le cachet au lieu de courir la prébende dans les grandes maisons ou sous l'aile chaude et cocoonière des institutions, nul doute que l'un d'entre eux aurait déjà osé. Mais le pouvoir veille sur ses étables et sa basse-cour, et personne hors les maudits que nous sommes n'osera s'élever pour la défense d'Esteban. Nous ne sommes pas en Amérique, hélas.
Merci pour vos vœux asiatiques fort aimables, cher M. du Masnau. En fait, je partage mon temps entre le Laos et la Thaïlande. Avec M. Marche, la section d'Extrême-Orient de l'In-nocence tient la corde.
Et cet Américain bien tranquille est une belle référence. Les autres aussi, d'ailleurs.
Effectivement, Francis, ce silence est assourdissant.

Vous savez que je ne soutiens aucunement M. Morillo, mais je trouve consternant qu'il soit totalement abandonné par les écrivains de la "réacosphère". M. Millet nous avait gratifié d'un "Eloge" nordique, le voici bien taiseux, par exemple.

M. Morillo n'est probablement pas un grand intellectuel, il est d'une famille modeste et il a mis ses idées en pratique. Ceux qui sont intelligents, qui l'ont bien chauffé à blanc, ceux-là se taisent aujourd'hui.

Il faut croire que la gamelle est bonne.
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