Des dangers de twitter

M. Fabius écrit de bien étranges choses :

"Ce califat de la terreur et de la haine doit être neutralisé, les femmes violées, les journalistes décapités"

Cette phrase est irréprochable du point de vue de la grammaire.

Citation
Renaud Camus
Cette phrase est irréprochable du point de vue de la grammaire.

Je ne pense pas que cette phrase soit irréprochable.

Elle est extraordinairement elliptique et donc pas si irréprochable que ça si M. Fabius a voulu dire, ce que je crois :
"Ce califat de la terreur et de la haine doit être neutralisé, [du fait que] les femmes [y sont] violées, [du fait que] les journalistes [y sont] décapités".

Mais elle est de la forme de celle-ci, qui, elle, est effectivement irréprochable :
"Ce groupe doit être neutralisé, les femmes liées, les hommes menottés." Comprendre : les femmes doivent être liées, les hommes doivent être menottés.

En d'autres termes, quand une partie du groupe verbal manque, il est naturel de chercher si ne figure pas, dans la proposition précédente, cette partie, laquelle aurait été mise en facteur. C'est le cas. On est donc conduit à supposer cette mise en facteur. Ici, le sens qu'on obtient avec cette supposition est incompatible avec l'aménité qu'on connaît à M. Fabius.
On est donc obligé de supposer une ellipse qui n'est pas le fait de la mise en facteur de partie du groupe verbal de la proposition précédente, mais qui est beaucoup plus considérable, puisque elle n'est pas seulement celle d'un groupe verbal.

M. Fabius aurait dû, au moins, adopter une autre ponctuation.
"Ce califat de la terreur et de la haine doit être neutralisé... Les femmes violées, les journalistes décapités..."

Faute de l'avoir fait, M. Fabius a écrit une phrase qui n'est pas irréprochable dans sa forme.
Mais elle est peut-être irréprochable grammaticalement ?
On peut toujours, n'importe où, ajouter à une proposition, d'autres propositions où le groupe verbal complet manque plus ou moins. Du genre : "Je suis triste, la chute de Ninive, X encerclée, les djihadistes ont pris Z".
Mais quand la forme conduit naturellement à supposer une autre interprétation que celle qui est la bonne, je pense qu'il n'est pas abusif de dire que l'erreur est grammaticale.
Cela dit, les définitions de la grammaire et de l'erreur grammaticale ne sont pas telles qu'il y a moyen d'éviter toute controverse sur ce point.
En conclusion : la phrase est incontestablement fautive par sa forme, mais on peut ou non soutenir que cette faute est une faute de grammaire.

Entièrement de votre avis, monsieur Page.

Je crois pouvoir vous dire, Monsieur, que l'intervention de Renaud Camus était à la fois ironique et irréprochable du point de vue factuel.

Sainte Axe de Silaips, priez pour eux.

Citation
Marcel Meyer
Je crois pouvoir vous dire, Monsieur, que l'intervention de Renaud Camus était à la fois ironique et irréprochable du point de vue factuel.

Aussi étrange que cela puisse paraître, je crois pouvoir dire la même chose.

Puisque je suis ici, j'aurais une requête à faire passer à M. Fabius : ne pourrait-on pas inverser les châtiments qu'il préconise ? Je veux dire que, à tant faire que de passer un mauvais moment, je préférerais être violé plutôt que décapité, le côté irréversible de la décollation me gênant un peu.

Ce qui me défrise, c'est l'outil. La politique étrangère de la France expliquée en 140 caractères ?! Les médias se réjouissent que le premier ministre ait réactivé son compte twitter, comme s'il s'agissait d'un outil indispensable, obligatoire.

J'imagine le compte twitter du Général : "Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !", avec des smileys, bien sûr...

Citation
Didier Goux

Puisque je suis ici, j'aurais une requête à faire passer à M. Fabius : ne pourrait-on pas inverser les châtiments qu'il préconise ? Je veux dire que, à tant faire que de passer un mauvais moment, je préférerais être violé plutôt que décapité, le côté irréversible de la décollation me gênant un peu.

"Inverser", le mot que vous employez est cruel pour le beau sexe. Vous voulez donc que la diplomatie française s'entremette pour que les hommes soient violés et les femmes décapitées, et non l'inverse.

Renseignement pris auprès du califat je suis navré de devoir vous décevoir : pour les hommes, ce n'est pas, soit l'un, soit l'autre, mais la décapitation est impérative, le viol, étant, lui, facultatif.
Dura lex, sed lex.

Monsieur Page : ah, non, pas les hommes : seulement les journalistes ! Je ne prêche que pour ma petite chapelle…