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« Tiens, me dis-je, quelle bonne surprise ! »

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 15:22   « Tiens, me dis-je, quelle bonne surprise ! »
« Plus tard, je rencontre Sartre, je deviens son secrétaire et me voilà engagé dans les sections de l’intelligentsia française et je découvre, non sans quelque stupeur, que tous ces intellectuels étaient d’origine bourgeoise mais adoraient et le peuple et la gauche. Tiens, me dis-je, quelle bonne surprise ! Ces gens n’ont jamais vu un ouvrier de leur vie, ils ont des domestiques et des bonnes mais ils sont de gauche. C’était parfait mais je considérais tout cela d’un œil assez critique et même assez narquois. Si bien que si j’ai été un intellectuel de gauche pendant ces années, j’ai été un intellectuel de gauche curieux, sceptique, en alerte et avec un énorme fond d’ironie.

« Et puis, peu à peu, j’ai vu de quoi était fait cette espèce d’idéalisme. D’une énorme naïveté et plus encore au niveau des individus, de mes confrères intellectuels, romanciers, philosophes, etc., il s’agissait d’une liquidation de leur propre enfance et les explications de leur adhésion à la gauche auraient parfaitement eu leur place dans un manuel de freudisme à l’usage des populations sous-développées. C’était à qui liquiderait sa classe, sa famille, son passé dont il avait honte et qui lui pesaient. En bref, leur démarche était proprement névrotique et ils allaient au peuple plus par haine de leur classe, par haine de leur famille, par rejet de leur milieu d’origine que par une adhésion profonde, vraie, vivante. Ils allaient au peuple parce qu’ils n’en sortaient. Moi, pourquoi vouliez-vous que j’y allasse puisque j’en sortais et que je le connaissais ce peuple, et que je l’aimais et que j’en étais. »

Jean Cau, dans Vouloir (1993).
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 16:03   Re : « Tiens, me dis-je, quelle bonne surprise ! »
Texte très intéressant, cher Leroy, merci beaucoup.

De quelle "énorme naïveté" parle-t-il selon vous ?
Utilisateur anonyme
02 octobre 2013, 16:14   Re : « Tiens, me dis-je, quelle bonne surprise ! »
La naïveté qui consiste à croire que l’homme est naturellement bon ?
Pire: la naïveté qui consiste à croire que l'ouvrier, parce qu'il n'est pas vous (qui êtes une brute et un sagoin décoincé dehors, horriblement coincé et en haine de soi par le dedans), est forcément (pas "naturellement", bien "forcément") bon et fréquentable. Cette névrose connut son extension dans les temps contemporains; dans son accomplisssement contemporain et sa manifestation actuelle il suffit pour la définir de remplacer dans son énoncé le mot ouvrier par le mot étranger immigré et (pour une étoile supplémentaire), sans-papier. Les vrais névroses, outre qu'elle s'héritent, sont de construction linéaire, leurs extensions sont télescopiques comme la matraque du même nom, ou les gueules de monstre dans les films de série B (de la gueule ouverte du monstre sort un autre monstre, tout semblable au premier, la gueule mêmement ouverte).
J’ai rarement lu un texte aussi mal écrit. « les sections de l’intelligentsia ». Quelles sections ? L’intelligentsia est organisée en sections d’assaut ? « Non sans quelque stupeur ». La stupeur c’est la sidération ou le grand étonnement. Comment peut-il y en avoir juste un peu ? Et tout est comme cela.

Le fait de sortir du peuple n’autorise pas à écrire comme un cochon.
Allons, cher Chatterton, ne soyez pas trop sévère... les petits travers que vous dites ne suffisent pas à asséner que Jean Cau écrit "comme un cochon", tout de même ; au moins dans cet extrait. Et puis, un gars du peuple qui écrit "pourquoi vouliez-vous que j’y allasse" ne saurait être tout à fait mauvais !...
(En revanche, "j’ai vu de quoi était fait cette espèce d’idéalisme" me gêne aux entournures.)
» Les vrais névroses, outre qu'elle s'héritent, sont de construction linéaire, leurs extensions sont télescopique

En effet, l'alien dans Alien ou la passion de l'Autre a les mâchoires successives et encastrées...

(Cela dit, les meilleurs gauchistes, plus intelligents et aguerris (il en existe), n'ont absolument rien de naïf et béatement optimiste : c'est justement parce qu'un réel implacable ne correspond en rien à leurs idéaux (donc n’est ni bon ni souhaitable) qu'ils n'ont de cesse qu'il ne soit transformé et amendé, sans quoi leur militantisme ne serait que redondant et n’aurait aucun sens. L'adhésion reconnaissante à une nature bonne parce qu'originelle est plutôt la marque du camp adverse.)
Bien vu Alain. Magnifique.

Il y aurait tout un traité de phénoménologie à produire sur cette catégorie singulière de passion politique pour l'autre, qui carbure au dépit d'être soi. Encore une fois, Koestler n'en était pas loin, dès les années 40.

Se fuir dans l'autre pour se débarrasser de soi, à l'instar de ce que l'on trouve dans certaines relations prétendûment amoureuses qui ne font que masquer l'abîme névrotique revient à s'abstraire du champ des perceptions que l'autre pourrait entretenir de soi, lesquelles seraient susceptibles de contredire ou de contester le dépit à l'origine de cette affreuse dynamique. L'autre alors, s'il se prête à cette mascarade d'amour, le fait faussement, de mauvaise foi, par calcul, intérêt, dont bien évidemment, le Dépité ne tarde guère longtemps à faire les frais.

Les "tigresses de la charité" sont généralement les premières à être dévorées par leurs protégés. Les premières à passer à la casserole (viol, pillage, etc.) par les soins de ceux qui se rémunèrent et se dédommagent ainsi du rôle d'anti-faire valoir qu'elles leur avaient fait endosser sans grande consultation préalable.

J'ai connu de ces tigresses, violées en épilogue à l'acte militant, djihadistes du sexe avant l'heure.

Et puis las! ça n'était qu'un juste retour de boomerang, un prêté pour un rendu, car à vrai dire qu'est-ce qui est décrit ici : Se fuir dans l'autre pour se débarrasser de soi, à l'instar de ce que l'on trouve dans certaines relations prétendûment amoureuses qui ne font que masquer l'abîme névrotique revient à s'abstraire du champ des perceptions que l'autre pourrait entretenir de soi, lesquelles seraient susceptibles de contredire ou de contester le dépit à l'origine de cette affreuse dynamique, sinon, très précisément, un viol.
Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que les militants gauchistes, les vrais militants, ne devaient pas être des bêtes de sexe...

Bernard Tapie, Berlusconi... Mitterrand... oui...

Krivine, non.
Jean Cau, dans Vouloir (1993)...

Est-ce le titre d'un livre, ou d'un périodique où serait paru l'article de Jean Cau ?

Je ne connais aucun livre de cet auteur portant le titre de Vouloir.

L'extrait cité ne proviendrait-il pas, plutôt, d'un excellent livre de souvenirs, intitulé Croquis de mémoire, paru en 1985 et plusieurs fois réédité ?
Vouloir est apparemment le titre d'un magazine et les passages publiés ici seraient extraits d'un entretien. Cela explique que le texte paraisse « aussi mal écrit » : il n'est pas du tout écrit, il est oral.

[vouloir.hautetfort.com]
Personne ne parle comme cela. Mais il est tout à fait possible que ce soit un texte dicté.
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