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La plus forte hausse de l'histoire du Cac 40

Envoyé par Gérard Rogemi 
A lire mais attention c'est assez pointu!

Un autre son de cloche ...

La plus forte hausse de l'histoire du Cac 40

A l'heure où j'écris, l'indice phare des valeurs parisiennes se reprend de plus de 9% depuis le début de la séance. L'annonce d'un plan de sauvetage de la part des autorités américaines, et la suspension des opérations de vente à découvert a obligé tous les parieurs à la baisse à clôturer leurs positions créant un mouvement massif de rachat, mouvement qui est la cause de cette hausse impressionnante, et probablement la première de toute l'histoire.

Je n'ai pas grand-chose à rajouter par rapport à mes précédents billets sur la question de la crise, on est désormais face à une restructuration de grande ampleur de la finance mondiale. Lehman Brothers qui avait, semble-t-il tardé à épurer ses comptes, en a payé le prix lourd, personne ne souhaitant la racheter, au plus fort de la crise. AIG, premier assureur mondial, aurait, par sa chute, facilement déclenché un krach systèmique, le gouvernement américain a décidé de le nationaliser en catastrophe. Oui, c'est une forme de privatisation des bénéfices et de socialisation des pertes (quoi que cette phrase demanderait à être relativisée, il n'est pas interdit que l'Etat fasse du bénéfice sur la revente d'AIG lorsque la situation se sera calmée).

L'interprétation la plus classique de cette crise consiste à dire que les intervenants n'ont pas été assez contrôlés, qu'ils étaient livrés à eux-mêmes dans la plus grande anarchie. C'est une vision qui se défend, mais qui oublie certaines fautes de la part des régulateurs.

En effet, une tribune, dans les Echos, rappelle la problèmatique de la "fair value", dont on a beaucoup parlé lors de son introduction, il y a de cela quelques années. En résumé, la fair value, c'est la valorisation des actifs dans un bilan comptable au prix du marché, c'est à dire au prix traité à l'instant de l'arrêté comptable. Ce qui suppose, pour la majorité des outils et produits dérivés, qu'il y ait eu au moins une transaction au moment de cet arrêté.

Or, sur les produits spécialisés, très peu liquides, il arrive, dans le type de situations exceptionnelles qu'on vit actuellement, qu'il n'y ait plus une seule transaction pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. La valorisation de ces produits est donc très difficile, voire impossible, à réaliser. Pourtant l'actif sous-jacent ne vaut pas rien, il n'est pas sans valeur, c'est juste que l'on est incapable d'en avoir une valeur représentative.

On s'en doutait, et les auteurs de l'article l'affichent sans crainte, la notion de fair value n'a pas été introduite en pensant aux mouvements excessifs de marchés (ce qui dénote une méconnaissance grave du fonctionnement des marchés, qui sont toujours, quoi qu'il arrive, toujours excessifs, à la hausse comme à la baisse):

Il est vrai que les méthodes envisagées par le document de consultation de l'IASB (« Discussion Paper - Fair Value Measurements », publié en novembre 2006), reprenant la norme américaine FAS 157, n'ont pas prévu cette situation de stress extrême causé par une chaîne de comportements inhabituels des acteurs du marché. Pour autant, la solution ne peut être de refuser l'exercice d'évaluation, la révélation des risques, ou la comptabilisation au bilan d'actifs dont l'établissement assume tout ou partie du risque, même s'ils ont été logés dans des véhicules supposés « déconsolidants ».

Non, la solution n'est pas de refuser l'évaluation, mais est-elle pour autant de renvoyer la valeur d'un marché en train de paniquer ? Même si la valeur d'acquisition n'est pas optimale, ne peut-on imaginer une sorte de moyenne des derniers prix observés, sur plus ou moins longue période pour valoriser tous les actifs ? L'impératif de fidélité de la comptabilité justifie-t-il qu'on intègre les valeurs les plus aberrantes ?

On peut lire également:
Les pertes définitives, pour partie encore non localisées, ne seront connues que plus tard. Cela ne justifie pas de créer une opposition entre « pertes comptables » et « pertes réelles ». Mais il est bien sûr nécessaire de communiquer sur les méthodes de valorisation retenues, leurs incertitudes et la sensibilité des estimations qui en résultent.

Je me marre, je me gausse, je m'esclaffe, je hurle de rire. Comme si les investisseurs, lors de publications catastrophiques de résultats, regardaient la manière dont on avait valorisé tous les produits exotiques et dérivés. Ils n'en ont rien à cirer, ils font ce qu'ils ont à faire, ils vendent, point barre. Il est intéressant de constater la profonde méconnaissance du marché de ceux en charge des normes comptables.

On voit resurgir à propos de cette crise les critiques sur la comptabilisation à la juste valeur, accusée de créer de la volatilité et d'engendrer un risque systémique. Il convient tout d'abord de rappeler que l'évaluation d'un instrument financier à sa valeur - par opposition à son coût historique figé, souvent nul s'agissant de dérivés - est un révélateur, et non un facteur, de volatilité.

Effectivement, au prime abord, la "fair value" comptable n'est qu'un révélateur. Mais dans un second temps, elle peut accentuer la volatilité sur les titres des entreprises affichant cette fair value. Et si l'on combine cela avec les ratios prudentiels s'appliquant aux institutions financières, obligeant celle-ci à se recapitaliser, à retrouver de l'argent au cas où elle constaterait des pertes affectant ces ratios, on obtient une spirale vicieuse, due pour une bonne part à la régulation.

Lorsque les intervenants, en ce moment en pleine panique, regardent les comptes des institutions financières, qui reflètent leur propre détresse, puisqu'ils intègrent des valorisations excessives à la baisse, ils paniquent encore davantage, d'autant qu'ils savent que ces institutions devront faire appel à eux pour obtenir de l'argent frais. Le prix retenu pour la valorisation des actifs étant déjà frappé par les excès des intervenants, on les accroit en leur présentant des comptes reflètant cette panique. On comprend donc qu'en les analysant, les acteurs, n'ayant pas la sagesse et la volonté de comprendre cet enchainement, se précipite donc sur la vente des titres.

Pour rappel, l'affaire Executive Life avait mise aux prises les Français et les Américains parce qu'une filiale de Pinault avait racheté pour une bouchée de pain en 1991, des montants importants de "junk bonds", d'obligations pourries dont personne ne voulait, mais qui quelques années plus tard, ont été revendues avec un profit pharaonique. Nul doute que certains vont se faire un plaisir de racheter pour rien nombre de fonds subprimes, qui, bien que connaissant un taux de défaut important, vont servir à leurs propriétaires un rendement des plus intéressants. C'est au pire des crises que l'on fait les meilleures affaires, ceux qui ont acheté des actions hier se frottent certainement les mains de constater l'évolution du marché aujourd'hui. Cela montre aussi qu'une valorisation instantanée n'a pas grand sens sur certains produits.

Je ne cherche pas à exonérer les fautes de certaines institutions financières américaines, qui n'ont eu que ce qu'elles méritaient. Il faut être cinglé pour corréler le montant d'un emprunt immobilier, puis de consommation, à la valeur d'un bien immobilier en hausse. Ce système fonctionne tant que le prix monte mais se grippe sérieusement lorsque le prix baisse. Cependant, ces produits ne représentant qu'une faible part des crédits totaux engagés dans le monde, il a fallu bien d'autres facteurs pour aggraver la situation. Et parmi ceux-ci, il ne faut pas oublier la "fair value".

PS : A noter tout de même que la réaction de la FED fut exemplaire, évitant un nouveau 1929.

PS2 : Enfin, philosophiquement, plus j'y réfléchis, plus j'estime que les régulateurs font comme si les intervenants étaient complètement rationnels. Or, la moindre journée de bourse vous démontre le contraire, les acteurs, surtout en matière d'argent sont complètement irrationnels.

PS3 : Si vous ne savez pas quoi faire avec votre argent, il faut lire Econoclaste. Même si je ne partage pas vraiment son avis sur les gérants de patrimoine. :-)

PS4: Je ne suis pas tout seul à penser que c'est aussi une crise de la surréglementation.
Utilisateur anonyme
21 septembre 2008, 12:42   Affûté
Point de vue intéressant mais qu'il n'est pas interdit d'amender.

A mon avis, si l'actif sous-jacent, en effet, ne vaut pas rien, c'est surtout à l'égard de l'exercice d'évaluation du risque (voir à ce propos les horizons qu'ouvre la cyndinique).

De plus, il ne faut pas perdre de vue que le caractère, disons, pour simplifier, « inappréciable » de la « fair value » comptable ne saurait entamer la volatilité des véhicules supposés « déconsolidants ». Et là, à l'unisson de l'auteur de l'article, « je me gausse », parce que je me demande bien comment certains rêveurs s'accrochent encore à l'idée contraire en prétendant (sans rire) que l'évaluation d'un instrument financier pourrait faire l'économie (c'est le cas de le dire) de l'impératif de fidélité aux ratios prudentiels ! On s'étonne après ça qu'il faille recapitaliser les actifs en pleine situation de stress, sans tenir compte des pertes dues aux instruments figés par la régulation ! Les plus subtils s'y perdent et finissent par se raccrocher à une idée sommaire et accessible à tous : c'est au pire des crises que l'on fait les meilleures affaires.
Ben vous voyez que c'est facile à comprendre !
21 septembre 2008, 13:59   Cac 40: le niveau monte
Les régulateurs de Wall Street ont interdit (ce qui est proprement illégal) en milieu de semaine les ventes à découvert (to short stocks en jargon du métier), c'est à dire que ces opérateurs ont été contraints à couvrir leurs positions en achetant tous en même temps et en catastrophe. Résultat, les cours ont monté! Etonnant non ? comme disait Desproges. On se congratule aussitôt de ce rebond du marché. Le père Ubu et la mère Ubu en restent admiratifs: ils n'auraient pas fait mieux.
Citation
Les régulateurs de Wall Street ont interdit (ce qui est proprement illégal) en milieu de semaine les ventes à découvert (to short stocks en jargon du métier),

Oui c'est absolument illégal mais tous les moyens sont bons pour rétablir un peu de confiance sur les places boursières.

Vous remarquerez que l'on donne aux forces anti-capitalistes, qui reprennent ces derniers temps du poil de la bête, un argument de poids. En effet les pertes des banques et des instituts financiers sont nationalisées et les bénéfices privatisés.

Mais bon mieux vaut cà que le chaos...
Utilisateur anonyme
21 septembre 2008, 22:15   Re : La plus forte hausse de l'histoire du Cac 40
"En effet les pertes des banques et des instituts financiers sont nationalisées et les bénéfices privatisés."

C'est sans doute plus compliqué que ça mais l'opération a indubitablement les vertus d'un rappel à l'ordre des intervenants, fût-ce au prix d'une certaine fiction dont personne n'est dupe à moyen terme. Car si les régulateurs de Wall street parient sur le fait que des ventes à découvert imposées de façon autoritaire endiguent la panique, c'est surtout dans l'attente d'une restauration discrète des "junk bonds".
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