En un sens, Loïk peut avoir raison : la volonté de suicide et d'annihilation, quand elle est à ce point présente chez un être, un corps constitué, un Etat, est irrévocable.
Peut-être faudrait-il revenir à la pensée des contradictions, la pensée hégélienne de l'être (en devenir, pris dans le processus contradictoire de son unification et de son affirmation), et voir enfin que ce qui advient est, dans les profondeurs
de ce qui se meurt, contesté, objet d'un refus contradictoire radical : personne ne désire être remplacé ou annihilé. La conscience et la volonté de ce suicide ne sont pas pleinement présentes ni assumées par tous les promis à leur perte volontaire ou semi-volontaire, pas encore.
Si le réel ne peut être nié le fatum, lui, peut être contesté (on peut, contre lui, se hérisser), ce qui fait toute la raison d'être de la conscience politique : connaître et contester. Il est encore et toujours possible de se révolter contre ce qui advient en silence, ce qui tue en taisant son meurtre. Les boeufs sous le joug se taisent car la conscience de ce qui leur advient est insuffisante : elle ne parvient, chez l'animal, ni à se faire conscience de soi (affirmation d'une identité irréfragable et donc susceptible de sursaut) ni non plus conscience des mécanismes subis en lesquels la conscience se trouve prise.
Chez l'homme, qui n'est pas tout à fait un boeuf, c'est un peu différent, très peu, certes, mais tout de même, la différence est là, dans la projection de ce qui advient, dans la venue de la chose objective et détachée : une courbe statistique visualisable, une prise de connaissance et lui faisant suite un travail de la conscience oeuvrant à l'extériorisation d'une matière qui sera point d'appui, ressort du refus, bifurcation du fatum.
Le suicide n'est pas du fatum : il ne peut l'être car la fin totale et absolue et absolument silencieuse ne peut être désirée d'aucuns, pas même des dieux, seuls connaissants absolus de leurs oeuvres.