Les remarques de Francis sur les mots occitans utilisés dans le sud de la France me font penser à la recherche de la "bonne prononciation du français".
Le problème s'était posé de façon pratique avec le développement de la radio et de la télévision. Autrefois, on disait que le français était prononcé correctement dans le Val-de-Loire. Or, les commentateurs et autres "speakers" avaient une étrange et nasillarde façon de parler, qui n'était utilisée qu'à la radio.
La France de 1950/1960 est une France où les personnes cultivées ont souvent l'accent de leur région d'origine, cela ne pouvait tout à fait convenir au gaullisme au pouvoir qui voulait donner aux Français l'exemple d'une prononciation correcte sur les ondes.
Pour résoudre le problème, le conseiller d'Etat Chavanon, directeur de la RTF, chargea le grand spécialiste Martinet de réfléchir à la question afin de donner un guide de la prononciation à avoir sur les ondes. Martinet avait notamment été l'auteur d'un ouvrage unique en linguistique, ouvrage qui, pour son champ d'étude, évitait les deux biais de l'âge et du niveau culturel (Martinet avait très longuement étudié la prononciation de ses camarades d'Offlag, ne considérant que les bacheliers (qui devaient représenter de l'ordre de 1% de la population du pays) pris entre tel et tel âge, et ce pendant ses longues années de captivité. Cet ouvrage montre de façon saisissante que s'il y avait un français écrit en 1939, il y avait des français parlés).
Martinet eut à naviguer entre plusieurs écueils concernant la prononciation des gens ayant fait des études supérieures : le français du sud ne pouvait être retenu pour deux raisons, la présence des orthographismes (l'aNNée, la bierrE...) et l'absence de distinction entre paume et pomme. Le lyonnais marquait moins ces deux défauts mais y ajoutait des eû et oâ non conventionnels. Les accents de l'est, Bourgogne, Lorraine, Alsace étaient marqués, et ainsi de suite.
On aurait pu penser au français parlé par les parisiens cultivés, par la bourgeoisie de l'ouest parisien. Il restait aussi incorrect (absence de distinction entre brin et brun, très faible distinction entre à jeun et Agen, impossibilité de comprendre sans lire s'il est question d'un "vieil armagnac" ou d'un "vieillard maniaque", et abus du schwa).
Martinet arriva à la conclusion suivante : le français le plus correct est celui de personnes ayant reçu (on est vers 1960) une éducation universitaire, nées et élevées en province dans une famille bourgeoise et s'étant établies à Paris vers leur vingtième année, notamment en y fréquentant les écoles et les facultés.