Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué n° 723 : Sur la Poste

Le parti de l'In-nocence, tout attaché qu'il est au service public, estime que la question de la défense de la Poste en tant que service public, justement, ne saurait être séparée de la question du service offert au public, précisément : lequel, en l'occurrence, ne le dispute qu'à l'Éducation nationale en degré d'effondrement et de déréliction.

Le parti de l'In-nocence, en d'autres termes, s'associerait volontiers à la défense du service public de la Poste mais juge malheureusement que ce service public qui n'en est plus un, ni par ses prix ni par la qualité de ses prestations, n'est pas défendable en l'état : ou bien il redevient ce qu'il était, ou bien, si la preuve est faite que c'est impossible, il faut l'abandonner à son destin. On ne saurait défendre en tant que service public un établissement qui offre coûteusement les prestations d'une mauvaise société privée.
Ou je me trompe fort, ou les hommes politiques français font une fois de plus de la démagogie effrontée. La France, de par les directives européennes qu'elle a approuvées, est tenue d'ouvrir les services postaux à la concurrence. Il me semble donc que le sort de la Poste est déjà joué, puisqu'il faut que les services postaux ne "distordent" pas la concurrence. La poste française sera donc un service commercial, point final.

En Belgique, qui est confrontée au même problème avec, il me semble, quant à la privatisation, une longueur d'avance, je dois maintenant prendre ma voiture pour aller poster une simple lettre, ou y consacrer une bonne demi-heure de marche à pied. « Pour mieux nous servir » (sic, dans les dépliants informatifs à la "clientèle", quel culot !), le nombre de boîtes aux lettres a été divisé par... combien ? cinq ? dix ? Les bureaux de poste de quartiers ont été remplacés par des "points poste" (par exemple dans certains magasins Delhaize, même comptoir que la vente par correspondance comme les articles de lingerie Damart...)

Le nom de la nouvelle société commerciale est... « La Poste ».
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 10:05   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Comme dit Bernard, les bureaux (valorisation de l'immeuble qui les abritaient) sont vendus les uns après les autres pour "assurer le rentabilité", et il faut posséder une voiture pour faire un envoi recommandé par exemple. Plus grave : les nouveaux postiers ne le sont plus à vie, loin de là, et toujours pour assurer un maximum de profits (contrats à durée indéterminée, intérimaires...), d'où changement fréquent du personnel, et vols de colis, dont j'ai été personnellement deux fois la victime.
Les contacts entre personnes en souffrent (les facteurs sont chronométrés, presque suivis par un système) à domicile comme dans les bureaux, rares lieux de rencontre encore permis à beaucoup.
Il faudrait par contre parler des abus perpétrés dans le service public : tournées bâclées, jours de congés de maladie permettant à certains l'exercice d'un deuxième métier, guichets toujours fermés,exagérations syndicales...
La perte de la culture a des conséquences inattendues pour qui ne les a pas encore expérimentées...
Rien à ajouter à ce communiqué en forme d'état des lieux ! Hélas...

Cher Bernard lombart, on ne sait si l'on doit vous remercier pour la peinture que vous nous faites de ce qui nous attend plus que certainement... L'idée d'avoir à traiter mes affaires postales au "point poste" d'un Prisunic me remplit l'âme de mélancolie.
(Et, en passant, j'appréciai vivement l'anacoluthe qui ouvre votre second paragraphe)
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:16   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
"(...) lequel, en l'occurrence, ne le dispute qu'à l'Éducation nationale en degré d'effondrement et de déréliction."

Cette peinture me semble outrée. En tout cas, elle ne correspond pas à mon expérience de ces deux services publics, aucun service ne pouvant disputer à l'Education nationale le degré d'effondrement.

Depuis novembre dernier je pratique en amateur la vente de livres par correspondance par l'intermédiaire d'un site spécialisé. J'ai ainsi expédié plus de 200 paquets postaux, normaux, qui contenaient un livre ou deux, aux quatre coins de France et quelques-uns à l'étranger. Non seulement TOUS ces envois sont arrivés à bon port, mais cela dans un délai plus que raisonnable.

On dira que je suis chanceux. Mais, apparemment, je ne suis pas le seul. Ces sites de vente permettent en effet à leurs utilisateurs de "noter" les vendeurs. Un rapide passage en revue de ces "notes" des divers vendeurs donne ainsi une idée assez juste de l'état du service postal et il n'est pas tel que le décrit le communiqué. La quantité d'acheteurs qui disent que leur commande est bien arrivée l'emporte de loin sur ceux qui protestent de délais de livraison trop longs ou de pertes.

Je ne vois pas pour quelles raisons on devrait se résigner à ce que la Poste passe au privé, sachant pertinemment ce que cela signifierait.
24 septembre 2008, 13:25   Livres
Etant un grand acheteur de livres, aussi bien à l'étranger qu'en France, je confirme en tous points l'avis d'Orimont sur l'acheminement de ces ouvrages.

Par ailleurs, je n'ai jamais eu de problèmes majeurs avec les lettres, les factures arrivant (hélas) fidèlement.

Force est cependant de constater que je ne reçois presuqe plus de lettres personnelles, alors que mes tiroirs sont emplis de monceaux de lettres familiales anciennes.

Par ailleurs, pour tout ce qui est "courrier professionnel" nous avons recours au privé (coursiers locaux et organismes du style FedEx pour l'étranger).
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:33   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Parfaitement d'accord avec Jmarc. Moi aussi je déplore la baisse sensible de qualité du service postal, mais le mettre sur le même plan que l'école me semble parfaitement ridicule. Ce n'est pas de la démagogie que de défendre le service public, ou ce qu'il en reste !
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:40   Re : Livres
J'ajoute, pour être complet, que nombre de ces livres ont été expédiés vers de toutes petites localités, voire, souvent, des hameaux. J'imagine quelle considération des société privées accorderaient à de tels envois.

En réalité, les seuls problèmes d'acheminement postal que j'ai eu à déplorer dans mes envois personnels ont eu lieu quand j'ai eu bêtement recours à des "formules" de type "Chronopost" qui, elles, en effet, marchent mal. Curieusement, je crois que le plus sûr, en matière d'envois postaux, est de choisir le mode d'acheminement le moins cher, celui qui offre le moins de prétendues garanties de rapidité.
24 septembre 2008, 13:45   Re : Livres
C'est parfaitement exact, cher Orimont, j'en ai, nous en avons sûrement tous fait l'expérience... Mais justement, sous prétexte de vendre de la rapidité et de la sécurité, ce qui devrait être le service standard, en fait, on fait disparaître les modes d'acheminement réguliers, normaux, basiques.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:50   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Pardon, Orimont, je ne sais pas pourquoi j'ai lu Jmarc, alors que je parlais de votre message.

Je suis également d'accord avec le dernier. Moi non plus, je n'ai pas beaucoup à me plaindre de la poste, et pourtant j'en fais grand usage.
Les facteurs sont en général charmants, très compétents, serviables. Ce qui cloche se trouve plutôt du côté des postes (les bâtiments), il me semble, et très souvent parce qu'il y a de moins en moins de personnel.
En tout cas, comme Orimont, je note que si je dois comparer les services de la Poste et ceux des indépendants, qui parfois se recoupent, je suis bien plus satisfait par la Poste. Chronopost est de très loin le pire transporteur auquel j'ai eu affaire.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:54   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Je souligne que comme Bernard je parlais (comme je la vis) de la situation en Belgique où la privatisation est très avancée, pas de la France.
L'emploi d'intérimaires plus ou moins consciencieux fait du tort à la Poste. Quand on songe aux efforts gigantesques de ses créateurs.
24 septembre 2008, 14:43   Chronopost
C'est en effet une catastrophe. Il s'agit de l'exemple du "faux privé".


Le problème des "bureaux de poste" n'est pas tant le faible nombre d'agents que le fait que les usagers y fassent à peu près toutes les opérations possibles, sauf les opérations postales.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 14:52   Re : Chronopost
Mais Jmarc, vous semblez oublier qu'il est heureux que beaucoup d'usagers pauvres, à la campagne, puissent, grâce à la poste, avoir accès à une banque qui leur ferait défaut, sinon. Je ne vois pas à quels usages autres que postaux vous faites allusion, dans les bureaux de poste…

Florentin, vous avez certainement raison, mais, sans vouloir excuser ceux-ci, n'oublions pas que ces intérimaires sont souvent des jeunes très diplômés que cet emploi rebute mais qu'ils acceptent faute de mieux. On comprend qu'ils ne soient pas très motivés par ce travail.
24 septembre 2008, 15:03   Usages divers
Il s'agit principalement de l'usage bancaire.

Il est essentiellement constitué d'opérations de retraits, et je n'arrive pas à concevoir pourquoi on ne distribue pas aux usagers des cartes de retrait (qui ne peuvent voir délivrés des billets que si le compte est approvisionné).

Le phénomène n'est pas rural, mais aussi largement urbain.

Lorsque, par hasard, un recommandé m'arrive (seule occasion pour laquelle je me présente à la poste, les colis entrant dans la boîte et mes lettres étant postées grâce à des enveloppes pré-affranchies), je me trouve confronté à une queue infernale, avec chaque fois une théorie de personnes qui viennent décaisser de l'argent.

Certains s'obstinent en outre à se présenter au guichet pour des affranchissements, alors que des machines à affranchir, fort efficaces, sont disponibles dans le hall.
24 septembre 2008, 15:55   Re : Chronopost
"je note que si je dois comparer les services de la Poste et ceux des indépendants, qui parfois se recoupent, je suis bien plus satisfait par la Poste. Chronopost est de très loin le pire transporteur auquel j'ai eu affaire."

Je ne comprends pas cette phrase : Chronopost, c'est une filiale de la Poste, non ? Et en matière d'acheminement rapide, il vaut mieux, en effet, avoir recours aux compagnies privées comme Fedex ou DHL.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 16:05   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Vous chipotez, Marcel. Chronopost est peut-être "une filiale" de la Poste, oui, et alors ? Chronopost n'a plus rien de la poste, et plus rien d'un service public. La Poste, si. Je ne sais pas de quelle manière ni en quel pourcentage Chronopost est encore lié à la Poste, mais il en a pris tous les pires travers et lui a laissé ce qu'elle avait de bon.

Vous affirmez qu'"en matière d'acheminement rapide, il vaut mieux, en effet, avoir recours aux compagnies privées comme Fedex ou DHL", mais vous semblez ignorer ce que les autres intervenants ont écrit avec moi : quelle rapidité ? La plupart des lettres arrivent encore le lendemain… Pour les paquets, les deux jours ordinaires de la Poste me vont très bien, et si, par extraordinaire, je veux que mon colis soit livré absolument le lendemain, alors oui, en effet, j'irai chez UPS ou Fedex. Mais ce n'est pas le même prix !
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 16:09   Re : Chronopost
Ah bon ! Je pensais Chronopost être une simple "formule" entièrement dépendante de la Poste, pas du tout une "filiale" qui, à en croire Boris, n'a même plus rien à voir avec la Poste. Cela augure bien de la privatisation !
24 septembre 2008, 16:12   Re : Chronopost
Cher Marcel, je crois que Chronopost est un simple (et très mauvais) sous-traitant de la Poste. Cette dernière vous renvoie à lui sans ménagement en cas de plainte (ce qui m'est arrivé plusieurs fois).

Cher jmarc ! machine à affranchir ! quelle horreur ! Je fais (fièrement) partie de ces gens qui s'obstinent à se présenter aux guichets (philatéliques de préférence...) pour affranchir les lettres qu'ils envoient à leurs correspondants!
Non mais !
24 septembre 2008, 16:20   La Pooooste!!!!! (Reality Check)
Dany Boon. Excellent dans ce sketch. Pour ceux qui auraient oublié ce qu'est "Laposte"

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]I C I[/url]

24 septembre 2008, 16:21   Machines
Bien cher Francmoineau, j'utilise les machines dès que je peux :


- à l'hypermarché, pour scanner mes achats ;

- à l'aéroport, pour imprimer ma carte d'embarquement (quand je ne l'ai pas imprimée la veille par internet) ;

- dans les stations-service (ou, plutôt, aux pompes à essence) ;

- pour acheter des livres (avec Amazon, en général) ;

- pour poster des messages sur ce forum.
24 septembre 2008, 16:36   Re : Machines
Chronopost International est une filiale à 100% de GeoPost (Groupe La Poste) comme le proclame fièrement La Poste.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 16:47   Re : La Pooooste!!!!! (Reality Check)
Cher Francis,

Depuis que je vous lis, j'ai cru remarquer que vous nourrissez une aigreur tenace et sans pardon à l'égard de tous les services publics. C'est une position assez répandue et qui produit depuis longtemps sa raillerie, mais une raillerie qui n'est pas sans un soupçon d'attachement que je ne sens pas chez vous.

Cependant, vous faites cohabiter cette tournure d'esprit presque méchante avec un patriotisme non moins prêt à se dresser sur ses ergots quand l'occasion s'en présente. La culture française a décliné mais au premier chroniqueur américain qui l'enterre carrément, vous brandissez nos couleurs et je suis d'humeur à vous suivre. Pourquoi le service public à la française, qui lui aussi a décliné, je ne le nie pas, ne peut-il prétendre, apparemment, à une once d'amour de votre part ? N'est-il pas un trait marquant, et dès avant la Révolution, de la France ?

Par ailleurs, les témoignages des uns et des autres sur ce fil, ne sont-ils rien à vos yeux, ou de purs délires ?
"Geopost regroupe les spécialistes colis du groupe la Poste en France et à l’international."
Moi, rien qu'à lire une phrase de cet acabit, j'ai envie de... ou non, tiens, je n'en ai même plus envie.
24 septembre 2008, 17:02   Re : Machines
Cher jmarc,

Bien du plaisir.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 17:07   Phobitel
« aux guichets (philatéliques de préférence...) »

Ah bon, parce que vous y trouvez de jolis timbres ???



Geopost ? Connais pas…
Un certain vendredi qui tombait entre deux ponts, ce devait être près d'un lundi de Pentecôte, je me suis rendu à Laposte (qui se trouve à la lettre "L" dans les pages jaunes) pour un colis. J'ai trouvé Laporte fermée avec son méchant petit écriteau collé à la vitre: En grève jusqu'à mardi. La succession de "ponts" n'y suffisant pas, le personnel avait colmaté un "trou" par un jour de grève, à la régulière (le droit de grève étant fait pour être pris). Je ne connais pas de pays (ils doivent cependant exister) où l'on doit s'attendre à pareilles pratiques dans "le service public". Je pourrais citer le cas de France télécom il y a deux ou trois ans, dont certaines agences fonctionnaient en statut mixte, avec des catégories du personnel fonctionnaire en grève cependant que les agents à statut privé (ne me demandez pas d'entrer dans les détails j'en serais incapable) se voyaient obligés d'assumer leurs tâches habituelles en sus de celles des grévistes du service public absents de leurs postes. C'est sans doute l'interprétation que font de la "solidarité ouvrière" nos agents fonctionnaires.

L'exemple des toilettes absentes ou non accessibles au public dans les bureaux de Laposte évoqué par Dany Boon est révélateur de la conception du service public qui règne dans ces lieux et qui pourrait tenir tout entier résumé en un slogan : Tout pour le service, rien pour le public.
"J'ai trouvé Laporte fermée"
Très drôle !
» Ce n'est pas de la démagogie que de défendre le service public, ou ce qu'il en reste !

Certes non, Boris. Je ne sais pas si c'est à mon message que vous faisiez allusion, mais, dans mon esprit, ce n'est certainement pas de défendre le service public, qui est démagogique (loin de moi cette idée !), mais de parler comme si les jeux n'étaient pas faits, comme si la France n'avait pas déjà donné son aval à l'ouverture à la concurrence et donc à la rentabilité dans ce genre de services. Démagogique aussi de faire toujours (et hypocritement en cette occurrence), porter le chapeau à « Bruxelles » (la cité maudite, il faut croire, dans le vocabulaire de beaucoup d'hommes politiques français).
24 septembre 2008, 18:08   Les machines, le retour
Bien cher Francmoineau,


De mon point de vue, dès lors qu'une machine vous permet à toute heure et avec facilité de faire une chose qui, sinon, vous aurait coûté du temps (on ne dira jamais assez le prix du temps) et obligé à piétiner dans une file, je l'utilise.

En ce qui vous concerne, utilisez-vous :

- les ATM et autres distributeurs de billets ?

- les portes magnétiques de nos divers métros ?

- le télépéage, ou sinon votre carte de crédit au péage ?


Je préfère cela au caissier revêche, au poinçonneur lugubre, à la péagiste morose. Si un travail stupide (peser une lettre et y coller un timbre) peut être remplacé par une machine, alors fonçons !


Le cas des livres via Amazon est un peu différent. On n'y a pas le plaisir tactile et visuel d'une librairie, mais le livre qu'on désire y est, et la navigation de livre en livre conduit à des achats compulsifs sur la toile.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 18:55   Re : La Pooooste!!!!! (Reality Check)
C'était à cause de Lagrève...


Cela dit, échanger des anecdotes heureuses (200 occasions dans l'année où la poste m'a rendu très correctement service) ou malheureuses (vous l'avez trouvée fermée entre deux ponts) me laisse un peu sur ma faim dans la compréhension d'une tournure d'esprit que, cher Francis, vous n'avez peut-être pas, au fond, je n'en jurerais pas, mais que je crois implantée dans beaucoup de cerveaux : une sorte de haine, à tout le moins un violent rejet, de l'administration, du service public, de tout ce qui dépend de l'Etat, chez des individus qui, par ailleurs, sont insoupçonnables de penchants anarchistes ni n'envisagent la société comme devant être régie par la loi du plus fort. Disons qu'ils aiment par-dessus tout la liberté, non pas celle de nuire à leurs semblables, mais celle d'avoir un choix le plus ouvert possible dans la conduite de leur vie. Ils aiment les règles générales, beaucoup moins les règlements.

Naturellement, les situations de monopoles d'Etat dans l'exercice d'un service quel qu'il soit contredisent cette liberté (je soupçonne déjà qu'ils ne se reconnaissent guère, ces amoureux de la liberté, dans le terme de "public" et n'entendent de "service" que privé : c'est toujours la lettre de quelqu'un qui est expédiée.)

Mais, soit, ils ont accepté d'abdiquer cette liberté et ont bien voulu avaler cette couleuvre du "bien public". Ils ont accepté cette chose très pénible pour eux de ne pas avoir le choix au moment d'expédier une lettre (on reste dans Laposte) et c'est colossal, eu égard à leur amour de la liberté.

Moyennant quoi, on dirait qu'ils attendent, en échange de cette abdication, d'être servis par des employés prêts à se faire hara-kiri s'il advient qu'un colis n'est pas distribué dans les délais annoncés. Plus sérieusement, d'avoir abdiqué leur liberté les rend très exigeants.

Il est logique, alors, qu'ils se montrent en revanche beaucoup plus indulgents à l'égard du service rendu par des entreprises privées. Ils sont généralement moins diserts à narrer des anecdotes malheureuses. C'est qu'avec la concurrence, ils nagent à nouveau dans leur élément : la liberté du choix. Ils en sont tellement aise qu'ils ne diront jamais qu'ils ont le choix entre l'arnaque et l'escroquerie, la publicité mensongère, la boîte vocale à Pétaouchnok ou la clé sous la porte à Donoga-Tonka. Ils ne sont plus d'humeur à dauber pas plus qu'à enrager : ils ont le choix et le meilleur service, ils savent le trouver, ils vont faire jouer la concurrence, ces gaillards.

On trouve le meilleur service en s'engageant, calculette en main, dans le dense maquis des "offres", des "tarifs préférentiels" à petite * dans un coin, des demi-heures gratuites chaque début de la première semaine de la treizième lune. On les entend déjà : Poster une lettre avec Postolibre tous les lundis avant douze heures (en général la grande liberté du choix dans le privé s'accompagne de dates à respecter, de poids, d'heures, mais c'est tellement bon, naviguer dans toute cette liberté de choix de choisir sa liberté.) et gagnez un mois de correspondance gratuite ! Découvrez les tarifs préférentiels de Tico-Tico-Timbre qui vous assure la livraison hebdomadaire de toute correspondance jusque dans les régions les plus encaissées dans la mesure d'un regroupement convivial offert gratuitement pour O euros. Ah ! Comme ça va être bon d'avoir le choix ! On espère que Danny Boon y puisera son inspiration pour de nouveaux sketches désopilants.
Ecoutez Orimont, ma tournure d'esprit à l'égard d'un certain "sévice public" est bien celle qu'elle est, c'est à dire en gros, celle que vous décrivez. Sachez cependant qu'elle s'est forgée telle, un peu anarchiste-égoïste si vous voulez, par l'expérience, et notamment l'expérience de la poste française, dont les sévices sont particulièrement redoutables. Vous éclairera à ce propos le fait que pendant quatre longues années, je dus vivre en Angleterre parce qu'un chronopost (c'était avant l'ère Internet, je vous rassure) pour Hong Kong coûtait 340 francs, depuis Nice, mais depuis Paris guère moins, les quatre-vingt grammes et parvenait à destination cinq jours plus tard. En Angleterre (société riche en défauts de tous ordre), ce pli, expédié quotidiennement, me coûtait 25 francs et arrivait le lendemain.

Tenez, à propos de tarifs. Je dois de temps en temps, par détestation profonde de l'objet "télécopieuse" que je me refuse à avoir chez moi, me rendre à Laposte pour envoyer un fax à Londres. Tarification sévice public de LA page de fax pour Londres: 5,50 EUROS, soit à peine moins qu'un Chronopost. Croyez-vous qu'il faille craindre une augmentation de CE tarif si Mme Laposte se privatise ?
Parmi les raisons qui peuvent expliquer la baisse de qualité des services publics, il en est une qui leur est propre, ou du moins qui agit de façon particulièrement forte dans ce cadre, c’est la surprotection offerte aux agents de l’Etat qui leur permet de feignasser sans conséquences pour eux. Dans le cas de la Poste, un bon exemple est fourni par la facilité avec laquelle beaucoup de facteurs laissent un avis de passage pour un colis-lettre ou un pli recommandé, alors que vous étiez chez vous au moment de leur passage, parce qu’ils ont la flemme de transporter le colis-lettre ou de monter des étages. M’étant enquis récemment au bureau de poste de la raison qui avait poussé le facteur à ne pas me délivrer en main propre un gros catalogue envoyé à moi en lettre, que je n’avais nullement demandé et dont je n’avais que faire, me faisant perdre un temps fou pour aller le chercher, je me suis fait répondre par le guichetier, à haute et intelligible voix : « parce que c’est un feignant ! »

D’une manière plus générale, il faut mesurer les conséquences du renchérissement – irrégulier, lent mais incontestable – des salaires et de l’augmentation des droits. Il fut un temps où des lignes de métro privées pouvaient être rentables tout en plaçant de deux à quatre agents sur chaque quai de chaque station (le chef de station, un ou deux poinçonneurs et un balayeur qui n’avait que quelques quais à nettoyer et repassait souvent), deux agents dans chaque rame et nettement plus d’agents qu’aujourd’hui en haut dans les guichets. Partout où il ne pouvait pas être directement répercuté sur le prix de vente du service, ce renchérissement a poussé à la diminution draconienne de la présence humaine. Le phénomène touche d’autant plus les services publics que le déficit chronique du budget de l’Etat et l’ampleur inégalée dans l’histoire des prélèvements obligatoires (plus de la moitié des richesses produites, ce qui aurait paru extravagant et insupportable aux hommes des époques précédentes), ne permet pas d’augmenter indéfiniment les subventions qui leur sont versées. Il faut se faire à l’idée que l’augmentation des revenus, des droits et des prestations sociales qui ont bénéficié aux salariés modestes entraîne obligatoirement leur raréfaction dans ceux des services qui sont offerts à bas prix au public et donc une forme de baisse du niveau de vie collectif.

Mais il est deux autres phénomènes qui aggravent considérablement la situation : la baisse de la conscience professionnelle, qui n’est qu’un aspect de la crise de la civilité, et la crise de la formation professionnelle. Le résultat est que l’on a de plus en plus souvent affaire à des gens qui maîtrisent mal les savoir-faire que l’on attend d’eux et qui ne sont absolument pas troublés par le fait qu’ils font un travail de cochon. J’ai cru durant une période que le secteur privé échapperait à cette dégradation, parce qu’il lui est plus facile de répercuter sur ses prix de vente le coût réel de la main-d’œuvre, parce qu’il peut plus facilement sanctionner les mauvais travailleurs et parce qu’il est soumis à la concurrence. Mais cela se révèle illusoire. Hier, j’ai reçu la visite de deux employés de Darty qui venaient livrer et installer une table de cuisson. Ils sont arrivés avec une demi-journée de retard, sans un mot d’excuse ni d’explication, et ils étaient parfaitement inaptes, incapables d’effectuer d’emblée le branchement du gaz, ignorant totalement la nécessité du réglage des brûleurs (j’en savais plus qu’eux, c’est tout dire) ; ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’ils n’étaient absolument pas gênés par l’étalage de leur totale incompétence. Pourtant, Darty est une entreprise privée soumise à une très forte concurrence et qui a bâti sa réputation initiale sur la qualité de son personnel.

Je crois que le débat sur les vertus réciproques du service public et des entreprises privées est très largement dépassé.
J'ai pu constater récemment que certains fournisseurs d'accès à internet - privés, donc - faisaient l'objet de très sévères critiques de la part des consommateurs. Les modalités de dégroupage, ainsi que les fameuses "hotline", sont la cible d'attaques extrêmement virulentes, bien plus que les taquineries de Dany Boon. Il y a, je pense, bien d'autres services privés qui sont rapidement moqués par la population dès lors qu'ils cumulent un certain nombre de défaillances systématiques. Le fait est, Cher Orimont, que les défaillances des administrations sont désormais légendaires; mais ce n'est qu'une question de temps pour qu'une marque devienne à son tour la risée de tout le pays. Votre hypothèse est sans doute pertinente. Toutefois, ne croyez pas que le fonctionnaire soit le seul homme à abattre : la chasse à l'"incompétence" a des terrains toujours plus vastes, dans le royaume de la Vertu laborieuse.
24 septembre 2008, 20:01   Amérique et Japon
Bien cher Marcel,

En sus de votre propos, je citerai le cas de deux pays, l'un que je connais un peu, l'autre mal.

Aux Etats-unis, qui est une "Tip-conscious Society", vous payez et vous avez le service. Exemple concret. J'arrive à l'aéroport de San Francisco et grâce au téléphone de courtoisie j'appelle la navette de mon hôtel déjà réservé. Vingt minutes après, la navette n'est pas là. Je rappelle, on me dit qu'elle ne viendra pas, mais que je peux prendre un taxi et que le taxi me sera remboursé. Je prends le taxi, j'arrive devant l'hôtel et, avant même que je ne sois sorti, une réceptionniste bondit et paie au chauffeur $25. J'ai immédiatement donné un "tip" de $5.

Au Japon, devant aller d'hôtel en hôtel avec quelques bagages peu adaptés aux transports japonais, j'ai eu recours à une société dont Francis vous donnera le nom et qui est représentée par un chat noir portant dans sa gueule un petit de même couleur.

A chaque avant-dernière nuit, je remettais mes bagages lourds à la réception de l'hôtel, je me couchais, je partais avec un bagage léger et, à mon arrivée à l'hôtel suivant, les bagages m'attendaient à la réception. Miracle japonais, la veille de mon départ, vers huit heures, j'ai confié les bagages à la réception de mon hôtel à Tokyo.

J'ai musardé, visité deux ou trois temples excentrés, pris le train en toute fin d'après-midi pour Nagoya, occupé ma chambre à l'hôtel de l'aéroport, passé une bonne nuit et, tôt le matin, j'ai retrouvé mes bagages au lieu convenu (c'est à dire à un des guichets de Japan Air Lines).
Cher Olivier,

Un incompétent dans le privé, s'il est employé, est un danger mortel pour sa boîte; s'il est indépendant, il est un danger mortel pour sa survie, comme il est redondant de dire.

Dans le public, un incompétent n'est un problème insurmontable pour personne, d'où, entre autres, et dans un tout autre domaine, l'angoissante faillite de l'école.

L'incompétence institutionnelle qui, dans un très long premier temps, est le fait d'individus, quel que soit leur pouvoir décisionnaire, ne met en danger l'institution que beaucoup plus tard, en fait, quand il est trop tard pour ceux qui en dépendent, savoir, outre les employés, le public, par définition vaste monde extérieur et innocent qui se trouve de fait privé des compétences, supposées données ou acquises aux plus faibles des citoyens, du trop fameux "service public".
Cher Orimont, votre tirade sur le maquis des offres de Postolibre et tutti quanti, c'était du nanan...
24 septembre 2008, 22:15   Re : Amérique et Japon
jmarc écrivait:
-------------------------------------------------------
> Bien cher Marcel,
>
> En sus de votre propos, je citerai le cas de deux
> pays, l'un que je connais un peu, l'autre mal.
>
> Aux Etats-unis, qui est une "Tip-conscious
> Society", vous payez et vous avez le service.
> Exemple concret. J'arrive à l'aéroport de San
> Francisco et grâce au téléphone de courtoisie
> j'appelle la navette de mon hôtel déjà réservé.
> Vingt minutes après, la navette n'est pas là. Je
> rappelle, on me dit qu'elle ne viendra pas, mais
> que je peux prendre un taxi et que le taxi me sera
> remboursé. Je prends le taxi, j'arrive devant
> l'hôtel et, avant même que je ne sois sorti, une
> réceptionniste bondit et paie au chauffeur $25.
> J'ai immédiatement donné un "tip" de $5.
>
> Au Japon, devant aller d'hôtel en hôtel avec
> quelques bagages peu adaptés aux transports
> japonais, j'ai eu recours à une société dont
> Francis vous donnera le nom et qui est représentée
> par un chat noir portant dans sa gueule un petit
> de même couleur.
>
> A chaque avant-dernière nuit, je remettais mes
> bagages lourds à la réception de l'hôtel, je me
> couchais, je partais avec un bagage léger et, à
> mon arrivée à l'hôtel suivant, les bagages
> m'attendaient à la réception. Miracle japonais, la
> veille de mon départ, vers huit heures, j'ai
> confié les bagages à la réception de mon hôtel à
> Tokyo.
>
> J'ai musardé, visité deux ou trois temples
> excentrés, pris le train en toute fin d'après-midi
> pour Nagoya, occupé ma chambre à l'hôtel de
> l'aéroport, passé une bonne nuit et, tôt le matin,
> j'ai retrouvé mes bagages au lieu convenu (c'est à
> dire à un des guichets de Japan Air Lines).

Kuroneko Yamato !!!!
Cher jmarc, je n'entends presque rien à vos questions. Qu'est-ce qu'un ATM ? Vous me parlez de télépéage : je n'emprunte pas les autoroutes; de ditributeurs de billets : je ne possède pas de carte bleue; de porte magnétiques de métros : je n'habite pas Paris, ni une autre ville à métro.
Vous me dites que le temps a un prix : vous voulez sans doute parler de son coût ? J'aime coller sur mes enveloppes de beaux timbres (si, si, il y en a encore, Boris) que je suis allé acheter moi-même auprès de quelqu'un à qui je me suis adressé. J'aime prendre mon temps, le perdre parfois, en user à mon aise, même si c'est pour des occupations qui pourront bien vous paraître minuscules ou imbéciles.
Vous voyez, nous ne sommes pas près de nous comprendre.
25 septembre 2008, 10:02   Compréhension
Mais si, mais si...

Mon idée est, plus simplement, la suivante : pour les tâches à faible valeur ajoutée, point n'est besoin d'une intervention humaine, et point n'est besoin de perdre du temps.

Si, en revanche, vous désirez envoyer une lettre spéciale à quelqu'un de cher, je conçois que vous choisissiez un timbre de bel aspect, une enveloppe et du papier approprié.

Pour ce qui est du courrier professionnel, mes interlocuteurs se contenteront d'une enveloppe blanche au format commercial, pré-affranchie.

Prenons un autre exemple.

J'utilise très fréquemment la navette aérienne Toulouse-Paris. Il y a, en gros, une navette toutes les demi-heures. Dès lors, la borne évite les queues, la place n'ayant pas d'importance. Pour ce qui est des vols intercontinentaux, je procède en revanche à l'enregistrement manuel, car j'essaie d'obtenir un siège dans les rangs centraux, côté couloir et avec un siège libre à côté (cela évite d'être dérangé par des passagers aux habitudes de promenade).

En conséquence, je pense qu'il faut user des engins modernes pour ce qui est simple et parfois stupide, et réserver les postes "humains" à des tâches plus nobles.
A propos du service public : voici une petite anecdote vécue, du temps que j'étais délégué d'un syndicat minoritaire et invité à une réunion sur les promotions de professeurs. Bien que l'usage veuille que toute promotion se fasse à l'ancienneté, les gens du rectorat proposèrent trois noms de collègues de l'académie (j'en connaissais un) qui méritaient un avancement pour la qualité de leur travail, mais qui n'avaient pas encore atteint l'âge de promotion requis. L'autre syndicat, le majoritaire, le gros, le de-gauche, s'y opposa résolument. Le mien flottait entre deux eaux, mais j'osai dire que ces promotions me semblaient absolument méritées. Bien sûr, tout finit par se résoudre selon les volontés du gros syndicat, et les trois professeurs méritants n'obtinrent rien. Promouvoir un fonctionnaire à la seule ancienneté est injuste pour les autres, et induit des comportements lamentables, des retards, des absences non justifiées, un manque de travail chronique, dans une minorité d'entre nous que rien n'atteint et qui sont sûrs d'être promus quoi qu'ils fassent. Cette minorité fait beaucoup parler d'elle, car elle profite honteusement de la protection indéfectible, indépendante de tout mérite, dont elle jouit de la part de l'appareil syndical majoritaire et soviétoïde. Remplacer l'ancienneté seule par le mérite seul dans les promotions serait abusif, car il y aussi du mérite à tenir le coup dans notre métier, et à y durer (je me souviens d'une brillante stagiaire que j'avais, qui fut nommée dans un collège "sensible" après son stage et changea de métier au bout de deux ans). Mais le régime actuel ne sanctionne personne, ni ne récompense personne. Cette triste réunion au rectorat m'a persuadé que les professeurs, comme les autres, ont besoin d'être évalués dans leur travail (j'ai dû demander les inspections que j'ai subies), et récompensés ou non selon ce qu'ils font. C'est une cause de la déréliction de notre école que d'avoir évacué, pour les élèves comme pour les professeurs, toute idée de gratification symbolique et personnelle, autre que le salaire, les vacances ou les notes.
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 11:40   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
Bien de l'avis d'Henri. La question de l'évaluation des agents de l'Etat est en effet cruciale. C'est cela, à mon avis, qu'il faut demander, s'il faut demander quelque chose, plutôt que la disparition pur et simple des services publics.
25 septembre 2008, 13:51   Lasolution
Eh bien, proposons donc des médailles, comme pour nos lycéens, aux agents de l'état !
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 16:35   Re : La Pooooste!!!!! (Reality Check)
Cher Francis,

Le mauvais fonctionnement de Chronopost (qui, rappelons-le, n'est pas toute la Poste), vous a contraint à vivre en Angleterre. La lenteur ni le coût de ce service (ni même son existence) n'ont eu pour leur part aucune espèce d'influence sur la conduite de ma vie. Je pourrais en revanche citer quantité d'anecdotes où les mœurs du secteur privé m'ont imposé des choix de logement, puisqu'on parle de devoir habiter ici ou là. Que diriez si, après l'exposé de ces circonstances (qui, d'ailleurs, ne seraient pas une circonstance ponctuelle parmi d'autres mais une situation permanente faite aux locataires), j'en tirais une hargne ou un violent rejet à l'endroit du droit de propriété, attendait qu'il soit aboli et rendu collectif ?

L'idée que je me fais de la conduite matérielle de votre vie m'inspire l'envie de rendre toute sa force évocatrice à la plus éculée des images : mener sa barque. Vous m'apparaissez comme un navigateur qui affronte les courants et n'attend que de lui-même la capacité de prendre la bonne brise, surmonter la tempête, barrer au mieux son embarcation. Soutiendriez-vous que, dans cette navigation, les services publics français et eux seuls aient offerts les seuls écueils ? Cela ne me parait pas vraisemblable et je suis prêt à parier que le secteur privé ne s'est pas fait faute de dresser lui aussi des récifs bien sournois dans votre sillage. Ils n'alimentent guère votre verve. Alors quoi ? J'ai le sentiment que les seuls écueils du service public (spécialement français) sont pour vous inadmissibles, les seuls qui méritent votre rancune tenace. Et j'en reviens alors à ma première hypothèse selon laquelle, pour certains qui ne laissent jamais passer un coup de griffe à adresser aux services publics, l'existence d'un monopole n'est pour eux envisageable qu'à la condition d'une perfection absolue. On n'a plus le choix, donc, il faut que cela soit parfait.

C'est un point de vue qui se défend mais que je trouve, comment dire, quelque peu japonais, à l'image de l'extraordinaire et fascinante codification des gestes et comportements mise en œuvre par cette civilisation autour de la hantise de “perdre la face”. Il me semble que certains de ceux qui haïssent, ou peu s'en faut, le service public français, s'en font une si haute idée qu'ils attendent de ses employés une conscience professionnelle hors du commun, un code de l'honneur et une pratique dignes des samouraïs. Je le répète, cela peut se défendre mais cela peut, aussi, être jugé ne pas correspondre à la tradition française faite, il me semble (et, bien sûr, entre mille autres choses), d'accommodements avec la perfection, d'un brin de désordre et d'un regard facilement narquois à l'égard du “professionnalisme” (le geste de Vatel y fait une figure assez exotique (et d'ailleurs il était Suisse)), le tout n'en produisant pas moins une administration publique aux racines très anciennes et qui ne me semble pas si calamiteuse qu'on ne cherche à la restaurer plutôt qu'à la jeter aux orties avec une hargne qui me parait injuste.
Cher Orimont, je n'ai hélas pas le loisir de répondre à votre intéressante réflexion mais je le ferai j'espère dès demain. En attendant, et toujours dans le sujet de Laposte: je me souviens d'avoir vu un téléfilm sur la vie de l'homme politique français Mandel, incarcéré par Vichy afin de finir sous les balles de Miliciens. Il fut ministre de PTT avant la guerre. Le film le montre, visitant un bureau de poste incognito, et relevant tout ce qui y est "à hurler". Je me reconnais dans cet homme, enfin, je reconnais en ses réactions, les miennes. Il était Ministre, homme d'Etat, de gouvernement, fonctionnaire donc. Il n'était pas samouraï. Ce qui, à la poste, est à hurler ("La Pooooooste!!!") est bien à hurler puisque Mandel, qui n'était pas non plus un boucanier ou un barreur solitaire comme moi, le pointait du doigt, s'en émouvait.

Concernant ce que vous appelez exercices de verve contre le service public qui chez moi épargneraient le privé: j'ai été ruiné par le privé, plusieurs fois. Et si vous voulez vous faire une idée de l'estime en laquelle je tiens, par exemple, le milieu de la haute finance, je vous invite à vous reporter à mes derniers posts sur la question. Sur ce point, j'eus la surprise de constater que Corto partageait mes vues.

Nous sommes tous pétris de contradictions parce que plus aucune vie n'est linéaire ni ne forme un tracé uniforme; parce que le monde est tordu, nos vies et nos pensées, nos penchants sont éminemment contradictoires, ainsi chez moi, du patriotisme contredit par mon aversion pour certains comportements qui font la culture du service public en France. Henri Bès, fonctionnaire de l'Education, qui n'est pas un apologiste du privé, du moins qui n'apparaît pas tel, ne se prive pas de nous témoigner lui aussi une certaine aversion (mesurée, raisonnable, certes) ou réprobation à l'endroit de certains traits de cette culture.
Utilisateur anonyme
26 septembre 2008, 15:11   Re : Communiqué n° 723 : Sur la Poste
« Je ne sais pas si c'est à mon message que vous faisiez allusion, mais, dans mon esprit, ce n'est certainement pas de défendre le service public, qui est démagogique (loin de moi cette idée !), mais de parler comme si les jeux n'étaient pas faits, comme si la France n'avait pas déjà donné son aval à l'ouverture à la concurrence et donc à la rentabilité dans ce genre de service »

Oui, c'était bien à votre message que je répondais. Expliquez-moi en quoi "les jeux sont faits", exactement, s'il vous plaît, je ne connais sans doute pas bien les faits.
» Expliquez-moi en quoi "les jeux sont faits", exactement, s'il vous plaît, je ne connais sans doute pas bien les faits.

Je le répète, Boris : la France a déjà accepté que sa poste soit soumise au jeu de la concurrence. Mettre ensuite le respect de sa signature sur le dos de Bruxelles et de ses « eurocrates » relève de la plus pure démagogie. Que se soit dans le chef des syndicats ou de « Sarko ». Faut-il répéter que la politique européenne est menée par les ministres de ses pays ?
La polémique a obligé certains politiciens et syndicalistes à faire du "public" et du "privé" des sortes d'essences immuables, éternellement opposées en antithèse. Comme fonctionnaire et fils de fonctionnaires, je suis né dans cette "culture" des essences, et dans un univers où le discours militant tenait lieu de réalité. Cela me disqualifie pour parler du "privé" dont je n'ai aucune expérience vécue. Tout au plus, puis-je porter un jugement sur mon propre travail et parfois sur celui de mes voisins, en pensant qu'un peu de motivation ne nous ferait pas de mal. On peut se fonder sur l'expérience soviétique pour mesurer dans quels abîmes d'incompétence le "tout public" a plongé la Russie et ses satellites. Cependant, l'idée de "service public" ne me paraît pas mauvaise : l'Etat, comme émanation de tous les citoyens, prendrait la charge des besoins élémentaires de tous, en soustrairait la satisfaction, en quelque sorte, aux lois et aux abus du profit personnel, afin que chacun, libéré de cette préoccupation, se consacre à la réussite de sa vie, économique, sociale, ou autres. Il faut seulement éviter de prendre les agents de l'Etat pour des anges et faire semblant de croire qu'ils se consacrent au bien de tous. Tout le monde n'est pas Marc-Aurèle, dont j'ai lu quelques Pensées avec un certain effroi admiratif.
Utilisateur anonyme
01 octobre 2008, 21:16   Re : Du risque de mort et de ses vertus
Francis Marche écrivait:
-------------------------------------------------------
> Cher Olivier,
>
> Un incompétent dans le privé, s'il est employé,
> est un danger mortel pour sa boîte; s'il est
> indépendant, il est un danger mortel pour sa
> survie, comme il est redondant de dire.
>
> Dans le public, un incompétent n'est un problème
> insurmontable pour personne, d'où, entre autres,
> et dans un tout autre domaine, l'angoissante
> faillite de l'école.
>
> L'incompétence institutionnelle qui, dans un très
> long premier temps, est le fait d'individus, quel
> que soit leur pouvoir décisionnaire, ne met en
> danger l'institution que beaucoup plus tard, en
> fait, quand il est trop tard pour ceux qui en
> dépendent, savoir, outre les employés, le public,
> par définition vaste monde extérieur et innocent
> qui se trouve de fait privé des compétences,
> supposées données ou acquises aux plus faibles des
> citoyens, du trop fameux "service public".

Je pense que le caractère public ou privé de l'entreprise entre moins en compte que sa taille lorsqu'on parle d'incompétence.
Les grosses entreprises n'ont certainement pas moins d'incompétents que les entreprises publiques, j'en suis persuadé.
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