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Le Désastre applaudi ?

Envoyé par Cassandre 
24 septembre 2008, 11:45   Le Désastre applaudi ?
Je suis tombée ce matin en pleine analyse orwellienne du film " Entre les murs ". J'ai eu droit à la rengaine habituelle selon laquelle ces ados grossiers, violents, braqués contre tout apprentissage de la langue française, sont, en réalité, de grands timides mal dans leur peau. Je n'ai pas vu le film mais des amis qui l'ont vu rejoignent l'excellent article du " Point " à son sujet, intitulé " Le maître et le néant". En fait " Entre les murs " montre une situation proprement effrayante, le Désastre à l'état pur. Du coup l'accueil enthousiaste qui lui est fait par l'internationale médiatique rend perplexe. Admire-t-on le film pour sa franchise à montrer le désastre, ou s'enthousiasme-t-on pour le Désastre lui-même présenté comme une figure exaltante de l'empire du Bien ? Je crains que la deuxième hypothèse ne soit la bonne, auquel cas, on aurait franchi l' ultime étape dans le lavage de cerveau, rendant désormais inutile de masquer la triste réalité puisqu'il suffit de la proclamer, encore et encore, épatante. La presse américaine n'est pas en reste, se félicitant, avec un chauvinisme imbécile, de voir que l'état de l'école française ne se distingue plus de l'état de l'américaine jugée pourtant par tous, y compris la gauche, à l'époque où les premiers films avaient montré cette situation, comme particulièrement barbare. La propagande " Coué " au sujet du "grisant melting-pot " a si bien réussi sur les esprits de ces auteurs si idéologisés qu'ils ne sont plus capables de se rendre compte que, pour le commun des mortels, ils rendent évidents ce que " le système ", a voulu cacher si longtemps. J'avais déja remarqué ce curieux phénomène avec le film de Bertrand Tavernier " Au-delà du périph ". Le réalisateur indigné par les propos d'Eric Raoult, avait voulu prouver à ce dernier qui avait donné en exemple de cité difficile celle des " Grands-pêchers ", que la réalité était toute autre. Or le film révélait, malgré la parti pris proclamé par son auteur, que cette cité était bel et bien telle que l'avait décrite le ministre. D'ailleurs " Arrêt sur image" avait pris ce décalage manifeste entre les prises de position de Tavernier et ce qu'il montrait à l'écran comme thème de son émission.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 12:09   Re : Le Désastre applaudi ?
Chère Cassandre, je dormais pendant que vous vous dévouiez à l'écoute des comiques du matin, et je vous remercie donc d'avoir été là pour nous.

Ce que vous dites me fait penser à un blog dans lequel "un flic" (c'est comme ça qu'il (elle, plutôt) se nomme lui-même, évidemment) entreprend de vouloir donner une meilleure image de la police française qui donc, toujours d'après lui, en a besoin. Bien sûr, c'est tout le contraire qui arrive, et l'on ressort de cette lecture effrayé et consterné par "les nouveaux flics" au cœur gros comme ça.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:00   Triangle des Bermudes
Ah pour ça, on n'a pas fini de s'enquiller du Bégaudeau matin midi et soir !

C'est le troisième larron du panthéon contemporain : Bruno Patino à la propagande, Lamence Madzou aux affaires, je-ne-sais-plus-quoi Bégaudeau au narcissisme pour tous.
24 septembre 2008, 13:10   Re : Le Désastre applaudi ?
Lundi dernier l'émission Du grain à moudre présentait une description assez "hard" du désastre dans les écoles francaises.
Titre de l'émission Le collège, un laboratoire d’analphabétisme

Pour écouter les propos de quelques professeurs dégoutés on clique i c i
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:31   La question faussée
Oui, l'émission était intéressante. On pouvait y entendre, entre autre, ce professeur (Iannis Roder, sans doute) d'origine hongroise, dialoguant avec ses élèves :

« Mais M'sieur, vous êtes hongrois !
— Pas du tout, je suis français, moi, je suis né en France, mes parents y sont arrivés en 1930, je ne connais pas la Hongrie, et je n'aime pas le bortsch.
— Mais M'sieur, pourquoi vous avez honte d'être hongrois ? Vous êtes un immigré, comme nous ! »

Ce dialogue est très intéressant, je trouve. On y voit deux semi-mensonges l'un face à l'autre, l'un sympathique et l'autre très antipathique, mais deux approximations tout de même, qui reposent finalement sur le même mensonge. On joue la comédie à front renversé. Bien sûr que ce professeur est français ! Bien sûr que ces enfants le sont aussi, à la différence près que lui le souhaite et qu'eux le refusent. Il faut, au vaillant professeur républicain, effacer son origine, ne pas en avoir honte, non, mais lui donner un statut anecdotique, de peu d'intérêt, pour pouvoir contrer ses élèves, pour pouvoir leur démontrer qu'ils sont français, ce qu'ils refusent, eux, de toute leur force. Il me semble qu'il y a là une ambiguïté redoutable, et qui fausse complètement la question de l'immigration et celle de l'intégration.

Enfin, au moins a-t-on pu entendre, clairement énoncé, ce fait primordial : ces immigrés-là, de deuxième ou troisième, ou quatrième génération parfois, refusent de tout leur être l'être français.
Cher Boris, ne vous inquiétez pas, si vous dormiez ce matin, les François, eux, dormoient depuis trente-cinq ans à poings fermés...


Cher Rogemi, merci pour votre lien; j'y ai malgré tout repéré quelques personnages qui ne paraissaient pas si dégoûtés que ça :


Sébastien Ledoux
Créer l’espace enseignants-élèves pour construire le savoir
Chronique sociale - juin 2008


4e de couverture :
« Au début d’une année scolaire, après huit années passées comme
enseignant au collège Jean Vilar de Grigny (Essonne), j’ai ressenti le
besoin de faire part de ma pratique et de celle de mes collègues
associés. J’ai alors pensé aux élèves de 4e que j’entendais dans le
cadre d’un atelier hebdomadaire autour du langage. À la fin de chaque
séance, j’avais institué un temps d’échange de paroles entre eux à
partir d’un mot que je proposais. Petit à petit, je me suis mis à
retranscrire le plus fidèlement possible ce qu’ils se disaient. Ainsi
s’est constitué un ensemble de textes, présents pour la plupart dans ce
livre.

Parallèlement à ce travail, j’ai souhaité porter un certain regard sur
ce que l’on nomme habituellement la pédagogie. L’idée m’est venue de
prendre régulièrement des photographies du tableau, depuis la salle de
classe, à la fin de cours de 3e. Cela me permettait de vivre d’une autre
façon ce qui se joue à chaque cours. Les photos proposées ici et
commentées suggèrent ce parcours au fil des mois.

À cela s’est ajouté un projet, initié deux ans plus tôt autour des
mémoires familiales. »

Ces projets tracent les contours possibles d’une relation à construire,
non seulement entre l’enseignant et ses élèves, mais également entre les
élèves, entre eux et leurs parents, entre l’enseignant et leurs parents,
et enfin une relation de l’élève avec lui-même, qui questionne les
identités de chacun de ces acteurs."

Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 13:37   La radio, un laboratoire d’analphabétisme ?
Il faut ajouter que Brice Couturier, que je ne veux pas accabler, est tout de même un ardent propagateur des bouquins et autres gamins.

« Mais dans leurs classes, ils sont confrontés à des gamins parfois travaillés par le repli communautaire, le refus haineux du pays d’accueil, un trop fréquent mépris de la culture et une fascination pour l’argent vite gagné. »
24 septembre 2008, 14:11   Re : Le D�sastre applaudi ?
Voici un contre-exemple qui montre que beaucoup ont fait l'effort de s'emparer des richesses de notre langue au point d'en devenir les plus ardents défenseurs:
Hector Bianciotti
Moralité: quand on ne sait rien, on devrait la boucler.
Un autre jour je vous parlerai de William Christie et d'Eugène Green.
24 septembre 2008, 14:30   Re : Le Désastre applaudi ?
Ce qui est effrayant, c'est de voir à quel point la plupart des jeunes professeurs qui prétendent s'indigner contre la situation qui leur est faite appartiennent (plus ou moins) au même monde que les élèves qu'ils ont en face d'eux. Les différences entre eux sont de moins en moins visibles : eux aussi sont maintenant nombreux à avoir connu, dans leurs années de collège et de lycée, les "débats citoyens" consensuels sur la peine de mort et le racisme, "l'éducation civique", la "valorisation des pratiques culturelles" des élèves, le dialogue d'égal à égal avec le professeur, la méfiance vis à vis des textes littéraires dont on est censé déjouer les ruses oratoires, etc... Et souvent, hélas, la langue qu'ils parlent est bien trop dépareillée pour la fonction qu'ils occupent : ainsi, il y a quelques mois, à Paris, j'avais été dégoûté par les slogans d'une manifestation d'enseignants déclamés lyriquement par un haut-parleur, sur fond de rock et de techno :

"Sarko, si tu savais, ta réforme où on se la met" (entonné en choeur sur le boulevard Saint-Michel)

"Leçon de morale : casse-toi pauv'con"

et, fièrement arboré par un militant de la CNT :

"Non aux enfants-robots de 1923"
24 septembre 2008, 14:44   Re : Le Désastre applaudi ?
Passionnants les commentaires de Cantet et de l'autre cinéaste invité à l'émission de la mi-journée : il avoue avoir choisi ces moments où l'école fait l'objet, dans la classe, d'une remise en question. Or, ces remises en question sont rares quand les professeurs font leur métier correctement, car les élèves sont trop occupés à apprendre !
C'est un travers soixante-huitard de pousser les élèves, naturellement anxieux d'apprendre et de comprendre, à remettre l'institution en question. A tout remettre en question tout le temps, les méthodes, les savoirs et le cadre dans lequel il doivent avoir lieu, l'école a fini, souvent, par oublier sa tâche et par ne plus former les élèves.
Les miens sont incapables de prendre un cours en note, ils sont handicapés linguistiquement et d'une dépendance terrible vis-à-vis de nous. Ils sont poreux à tous les discours qui les flattent : la réclame, SOS Racisme, etc. convaincus qu'être jeune est une condition et non un âge et qu'ils sont victimes d'intolérance...
Ce film leur donne raison, comme le livre, objet d'une immaturité terrible de l'abbégaudeau.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 14:54   Le Désastre conspué par les Désastreux
« Ce qui est effrayant, c'est de voir à quel point la plupart des jeunes professeurs qui prétendent s'indigner contre la situation qui leur est faite appartiennent (plus ou moins) au même monde que les élèves qu'ils ont en face d'eux. »

On ne saurait mieux dire.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 15:23   Qui a laissé faire ?
"Or, ces remises en question sont rares quand les professeurs font leur métier correctement, car les élèves sont trop occupés à apprendre !"

En effet. Idem pour l'autorité. Peut-on lire sans amertume, toujours dans le récit du chef de gang, de telles observations (c'est moi qui souligne) : "Cela ne se passait pas de la même façon avec tous les profs [il est en cinquième]. En particulier, je m'entendais bien avec mon prof de français. Il avait la réputation d'être très sévère mais le courant passait entre nous. La prof de musique également ; elle était douce et passionnée par ce qu'elle faisait."

Il n'est pas possible de s'être aussi lourdement trompé qu'ont pu le faire les idéologues des années soixante, non seulement sur la qualité des enfants mais sur leurs attentes. Ils ont imaginé un enfant qui n'existait que dans leurs rêveries, un Pinocchio dont ils n'ont pas été le Gepetto. Par quel incroyable aveuglement ont-ils pu croire que les enfants n'aimaient pas la hiérarchie, avec les innombrables conséquences que ce présupposé ridicule a entraînées ?

Je l'ai déjà écrit ici même, il me semble que de telles chimères n'eussent pu être défendues et mis aux commandes ceux qui les caressaient sans un désintérêt pour l'éducation, manifesté par le pouvoir politique et économique de ces années-là, qui n'était en rien gauchiste. Si l'éducation avait été considérée comme un enjeu capital, jamais on ne l'aurait abandonnée à des idéologues mabouls. A-t-on laissé les gauchistes appliquer leurs théories sur les places boursières ?
24 septembre 2008, 15:49   Re : Le Désastre applaudi ?
A-t-on laissé les gauchistes appliquer leurs théories sur les places boursières ?

Je crois que vous levez un lièvre colossal, Orimont, car je crois bien que la réponse à votre question est aujourd'hui, en septembre 2008, un retentissant et terrible "oui".

Concernant l'éducation linguistique: de tout ce que l'on lit, voit, projette en image, documentise et illustratise, un autre fait colossal ressort: l'enfant a toujours un instituteur auquel il obéit comme une mule aveugle. Si celui mis en place par l'institution est défaillant dans son rôle, il est remplacé, de manière immédiate, immanente, par le caïd du coin de rue, ou son porte-parole le plus incontesté et prestigieux. Le "gamin" n'écoute plus l'instituteur de l'école parce que dans son coeur, il lui en a substitué un autre, qu'il vénère secrètement, imite servilement, ambitionne 24 h sur 24 d'en être l'émule, la mule. Cette terrible réalité, qui est celle du défaut incontournable, constitutif, d'autonomie linguistique (et aussi, très largement, intellectuelle) de l'enfant décalcomaniaque du langage, échappe à peu près à tous les commentateurs, d'où le désastre des quarante dernières années.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 15:57   Re : Le Désastre applaudi ?
« Un autre fait colossal ressort : l'enfant a toujours un instituteur auquel il obéit comme une mule aveugle. Si celui mis en place par l'institution est défaillant dans son rôle, il est remplacé, de manière immédiate, (…) »

Bien vu, Francis !
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 16:17   Re : Qui a laissé faire ?
"(...) je crois bien que la réponse à votre question est aujourd'hui, en septembre 2008, un retentissant et terrible "oui"."

Bonne nouvelle ! C'est que l'économie n'est plus l'enjeu !


"(...) l'enfant a toujours un instituteur auquel il obéit comme une mule aveugle."

Aujourd'hui, et même au jour d'aujourd'hui de ce jour d'hui, la grande majorité des enfants reçoit, pratiquement au saut du lit et comme première parole organisée, quinze à vingt minutes d'émissions télévisées. Tous les jours. Entre ses murs. Avant de partir à l'école.
24 septembre 2008, 19:13   Re : Le Désastre applaudi ?
Merci pour le lien à l'émission "Du grain à moudre".
"Les gamins, y faut quand même leur dire d'arrêter de déconner".
Ca laisse songeur, effectivement...
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 19:16   Maja de Goya
Et puis, surtout : "Ça suffit" (de leur dire d'arrêter de déconner) !
24 septembre 2008, 20:58   l'ami belge
J'avais connu dans mes excursions sur Internet un jeune doué artistiquement. Il suivait des cours aux Beaux-Arts en Belgique. Nous nous entendions bien. Il m'a annoncé qu'il allait venir en France pour continuer ses études, car dans sa banlieue de Lièges, il avait d'énormes problèmes liés à la délinquance qui régnait. C'était dans les année 98-99. Il ne savait quelle voie prendre dans ses études. Il m'a demandé conseil, comme il était aussi très bon en informatique, j'ai fait des recherches sur des formations qui combineraient art et informatique. Finalement n'en tenant aucun compte, il m'a écrit qu'il s'inscrivait en sociologie à Nanterre. Je vous raconte cela car je suis allée regarder les programmes à cette époque et cela a à voir avec nos problèmes. J'ai été effrayée. Un concentré de vulgate bien pensante, tel me semblait l'intitulé de chacun des cours. Pourtant à cette époque je ne fréquentais pas encore le forum du PI. Si l'on pense aux milliers d'étudiants qui se sont inscrits à ces cours, il n'est pas surprenant du tout que le discours soit celui auquel on ne peut échapper maintenant qu'en fermant toutes les écoutilles.
24 septembre 2008, 21:34   Re : Le Désastre applaudi ?
J'ai été, quant à moi, déconcerté par l'absence de référence à l'origine, aux causes, de l'antisémitisme, malgré la formidable bonne volonté du modérateur de l'émission, qui insistait lourdement sur ce phénomène. Mais un auditeur étranger, ou simplement un auditeur des années 80 qui aurait une time-machine, pourrait penser qu'il s'agit du bon vieil antisémitisme d'extrême-droite et gaulois...
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 22:52   Re : Le Désastre applaudi ?
Frédéric Taddéi a reçu Laurent cantet et François Bégeaudeau dans son émission "Ce soir ou jamais", disponible ici :
[www.megaupload.com]

Les questions de Frédéric Taddei ont été très habiles pour acculer ses deux invités à révéler le vide intersidéral de leur pensée et surtout la façon dont on peut maquiller la réalité avec le vernis d'un discours qui appelle sans cesse à porter "un autre regard" sur les jeunes. Ce qui est bien une façon de dire que l'on ne peut pas se réjouir crânement de la situation si l'on se contente simplement de la regarder en face.

Le clou du spectacle est atteint lorsque, après la projection d'un extrait d'un documentaire sur une classe d'il y a trente ans, Bégaudeau interpelle les parents en leur demandant ce qu'ils préfèrent pour leurs enfants en classe : qu'ils prennent du bon temps et s'amusent ou qu'ils apprennent en s'ennuyant et obtiennent des diplômes...

Le paon Bégaudeau a perdu son plumage en direct et on apprend que même Philippe Meirieu, le patron des iufm et artisan en chef du désastre, s'est désolidarisé du film !

Alors je vais sans doute vous paraître un tantinet trop optimiste, mais je crois que ce film va marquer un tournant dans la prise de conscience de l'ampleur de la catastrophe éducative.
24 septembre 2008, 22:55   Re : Le Désastre applaudi ?
"je crois que ce film va marquer un tournant dans la prise de conscience de l'ampleur de la catastrophe éducative"

Les dieux vous entendent ! Mais comment, dans ce cas, expliquer la palme d'or, les louanges ministérielles, le ramdam médiatique ? Au fait, sait-on déjà si le public est au rendez-vous ?
24 septembre 2008, 23:15   Re : Le Désastre applaudi ?
Ceci très entre nous Boris, parce que je vous sais tolérant de chez tolérant: l'enfant, au fond, étant un vide en réparation, un être a-vide d'en sortir, de sa condition de dépendant, crée, génère, de l'institution, comme la malheureuse, ici ou jadis, vendant son corps, générait son maquereau, l'instituait. L'enfant, chose follement paradoxale, génère de l'institution!. L'Etat, il y a longtemps, pré-emptivement, créa de l'institution avant l'enfant (lire, "Vers une pédagogie institutionnelle", d'Establet, Mallemort et le petit Bourdieu, paru en 1972), car, encore à cette époque, l'Etat savait que de toute façon, l'enfant, petit homme, est un habile, un puissant créateur d'instituteurs. Si l'institution étatique démissionne, c'est simple, c'est la rue, c'est LA CITE, la petite ou la grande, c'est au choix et c'est pareil, qui prend la place du ROI DE L'ENFANT. La cité, de sa parole faite reine en période de vacance de l'Institution, prend le pouvoir-parole, impose son moule institutionnel citadin, mondain.

Donc, nous avons, en 2008, une évolution très intéressante: l'Etat démissionnaire appelle les caïds à la rescousse. Parfaitement, voyez-les, nos Aziz, nos ex-caïds analphabètes qui possédaient dix-sept bagnoles et autant de femmes à 25 ans, être appelés, priés, par l'Etat, par la Grande Assistance Sociale, d'assumer la fonction d'instituteur, par le foot, la salle de judo, la petite entreprise hallal, la parlotte souveraine, le roulement d'épaules. Les voilà, les instituteurs nouveaux, libérés de l'institution, auteurs de parole nouveaux !

La substition de la France par une France autre se fait ainsi: l'enfant, dominé, suiveur, adaptateur, adopteur d'adultes, a adopté le fort, la mécanique, la grande gueule, en enterrant la vieille, la morte, la très-pâle institution de l'Etat défunt.

L'enfant (père de l'homme pour Freud) est aussi et surtout un géniteur d'institutions.

Son institution à lui, comme Diam's à une France à elle, il se l'est généré à Hollywood, mieux, à Cannes, sous le parrainage de Sean Penn! Entre les murs, c'est lui, le gosse géniteur d'institutions, l'anti-instituteur prend son "la" dans la chose médiatique, cannique, gonflée, rugissante, inarticulée; souverain en gestation, l'enfant institutionnaliseur tient les adultes en haleine. Aux adultes à apprendre de lui, à se tenir coi.
24 septembre 2008, 23:45   Re : Le Désastre applaudi ?
" Si l'institution étatique démissionne, c'est simple, c'est la rue, c'est LA CITE, la petite ou la grande, c'est au choix et c'est pareil, qui prend la place du ROI DE L'ENFANT. La cité, de sa parole faite reine en période de vacance de l'Institution, prend le pouvoir-parole, impose son moule institutionnel citadin, mondain. "
Tout est dit.
J'ajouterai seulement la démission des pères.
24 septembre 2008, 23:54   La fabrique d'INSTITUEURS
Le Petit Prince a besoin d'un ROI, appelle un roi, et si celui-ci tarde à se présenter, il l'institue.

L'enfant, outre qu'il porte en son coeur toujours un instituteur est un grand institutant!, un faiseur d'instituteur, comme tous les faibles, les vides, les a-vides, l'enfant est un puissant, un riche faiseur de rois.
25 septembre 2008, 00:14   Erratum
Le message précédent ayant été rédigé dans le souci de nourrir ce débat avec sérieux et rigueur (et en obéissant au désir qu'émerge de ce débat quelle vérité tranchante et enfin éclairante sur la question de l'apprentissage), je tiens à apporter un correctif à mes illusions bibliographiques: cet ouvrage déterminant, décisif pour la pratique éducative future et pour l'intelligence de ce à quoi nous assistons, et que nous subissons, "Vers une pédagogie institutionnelle" était l'oeuvre de Fernand Oury et Aïda Vasquez
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 00:35   Re : Le Désastre applaudi ?
Hé bien, ça chauffe ici !

(passionnant)
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 07:13   Happy end
Il s'agissait bien de l'enfance d'un entrepreneur :

"En 2005, j'ai racheté des parts d'une société de communication en difficulté. Ma femme et moi avons pris des dispositions [on aimerait bien savoir lesquelles] pour que mon fils puisse faire des études. On a toujours un petit schéma dans la tête pour l'avenir de ses enfants. Cela peut ne pas se passer comme prévu ; on va le suivre, le suivre correctement et on fera ce qu'il faut pour qu'il aille à l'école, pour qu'il passe des diplômes intéressants parce que les perspectives d'avenir sont difficiles. On lui expliquera qu'il y a des choix à faire dans la vie et que chacun assume ses choix, qu'il le veuille ou non. On lui transmettra les valeurs que nous avons acquises, pour moi par l'expérience [rappelons qu'avant de se ranger des voitures, l'auteur narre son ascension à la tête d'une organisation de type maffieuse qui lui a permis de contrôler l'activité d'un quartier entier et presque d'un département, et brassé énormément d'argent] et pour sa mère par transmission, parce qu'elle n'a pas eu les problèmes que j'ai eu, elle a toujours vécu “normalement”. Ces valeurs, c'est le travail. Il faudra qu'il bosse dur. Il n'y a rien qui t'appartient, il faut aller le chercher. Et puis, je lui souhaite d'être plus ouvert que moi, d'être à l'écoute des autres mais de ne pas tout donner aux autres, contrairement à moi. Il aura sa propre vie, ses propres expériences, ses propres choix à faire. Mais au final il fera comme moi, il faudra qu'il les assume, nous devons tous le faire.” Op. Cit
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 09:05   Re : Happy end
Oui, Marcel, le public est au rendez-vous, on va dire.

Francis, que signifie à mon propos "tolérant de chez tolérant" ?
25 septembre 2008, 09:32   Re : Le Désastre applaudi ?
Je crois que Francis pose la bonne question. Question suivante : pourquoi le caïd du coin semble-t-il plus brillant que ce que propose la République ? Il faudrait d'abord que les représentants de la République ne méritent pas le qualificatif que lui attribue avec constance le caïd, celui de bouffons.

P.A. Une amie, vivant dans le nord, n'a pas trouvé d'école digne de ses filles dans sa région. Seule solution, une école privée à Paris. Elles sont pour l'instant en résidence à Paris. Vous imaginez le sacrifice consenti. Elles cherchent, d'urgence, un petit appartement de deux pièces, pas trop loin du neuvième. Si quelqu'un entendait parler de quelque chose, qu'il me contacte en privé, je lui en serais éternellement reconnaissant pour mon amie.

P.-S. On devrait attribuer le prix Nobel à Benoît XVI pour son œuvre didactique. Voir ce qu'il disait récemment, aux Bernardins, des couvents au Moyen Âge. Voir aussi ce que rappelait Finkielkraut et Baudrillard : selon ce pape, l'Église ne doit pas se fondre dans le siècle, sous peine de perdre sa raison d'être. Sentence applicable à beaucoup d'institutions.
25 septembre 2008, 10:50   Re : La fabrique d'INSTITUEURS
Mais oui, Francis, je suis d'accord avec votre brillante et profonde analyse qui méritait d'être entièrement citée.
25 septembre 2008, 10:54   Re : Le Désastre applaudi ?
Il est vrai que les vertus républicaines : honnêteté et culte de la Raison paraissent bien ternes à des enfants qui baignent dans le " cinémonde " et s'y sentent d'autant plus à l'aise que leur culture d'origine privilégie l'apparence. Dans une république démocratique, nul besoin, non plus, en principe, de charisme, " vertu " nécessaire, en revanche, aux dictateurs grands ou petits comme aux " caïds ". C'est ce décalage entre la puissance de la France, son rang dans le monde, sa prospérité, et le comportement de son peuple, hier, modeste et besogneux, peu porté sur la sape et le luxe voyants, que les " cpf ", n'arriveront jamais à comprendre et qui vaut aux " de souche " d'être l'objet de leur mépris, d'autant plus qu'aujourd'hui les " élites " ont capitulé comme en rase campagne devant lesdits "cpf " et acculé les " de souche " à raser les murs devant eux.
Qu'est-ce qui est plus terrible que le mépris des forts pour les faibles ? le mépris des faibles pour les faibles.
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 21:14   Re : Qui a laissé faire ?
Citation

A-t-on laissé les gauchistes appliquer leurs théories sur les places boursières ?
La réponse est non, évidemment non. C'est l'ultra-libéralisme, l'avidité et le cynisme qui ont régné sur les places boursières. Et les seuls gauchistes, dans le paysage, ce sont les Etats qui socialisent les pertes. alors que les bénéfices sont tombés dans des poches privées. Francis, vous le savez parfaitement !
27 septembre 2008, 08:28   Re : Le Désastre applaudi ?
J'ai cru lire en certains endroits qu'il était parfois difficile de distinguer entre gauchistes et ultra-libéraux.
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