Le site du parti de l'In-nocence

Finkielkraut à Nice

Envoyé par Michel Le Floch 
23 février 2015, 17:55   Re : Finkielkraut à Nice
[L'être (créature naturelle comme création humaine) pourrait se définir ou s'affirmer comme le lieu ou l'étant capable de répondre à la double question pourquoi et à quelle fin] Même la feuille morte, en voie de s'incorporer à la litière du sous-bois, jouit de ce statut. Cependant qu'il est des étants à cause sue mais à finalité indécise, telle ce forum, figure de l'errance dont l'utilité nous est occulte.
23 février 2015, 18:47   Re : Finkielkraut à Nice
» On peut concevoir plusieurs blocs d'espace-temps en fonction du choix du référentiel mais aucun d'eux ne se déplace. Et si l'un se déplaçait, il se déplacerait dans quoi ?

Mais pardon, il me semble que le "bloc d'espace-temps" est le référentiel lui-même, c'est-à-dire un espace à quatre dimensions où la quatrième figure l'axe temporel propre à chaque référentiel, espace modélisé par l'"espace de Minkowski" : la fusée emportant le jumeau qui voyage à une vitesse proche de celle de la lumière constitue un tel référentiel, et le jumeau resté sur Terre évolue lui aussi dans un référentiel distinct, un espace propre défini par les quatre variables spécifiques, donc un "bloc d'espace-temps" ; dans quoi se déplace la fusée, et la Terre elle-même ? mais, dans la trame générale de l'espace-temps... C'est du reste votre Thibault Damour qui emploie cette expression de "bloc", je n'y tiens pas plus que ça, mais en définitive, cela me semble ne faire aucun doute : chaque "bloc d'espace-temps" est un espace de Minkowski, chaque espace de Minkowski est un référentiel caractéristique de la relativité restreinte, et de tels référentiels se déplacent. Donc les "blocs" aussi...
23 février 2015, 19:27   Re : Finkielkraut à Nice
'bloc d'espace-temps' faut-il entendre par là 'univers branaire' ?
'brane' vient de membrane, membrane d'espace-temps.

 
23 février 2015, 19:30   Re : Finkielkraut à Nice
Non, je crois que vous faites une confusion, et sans pouvoir vous le démontrer, comme ça aujourd'hui et au pied levé, je ne pense pas que l'espace de Minkowski soit l'univers-bloc dont les scientifiques s'entretiennent depuis deux ou trois décennies à peine. Ni qu'un espace-temps quadridimensionnel puisse "voyager" dans un autre ou dans plusieurs autres aux référents disparates.

Je crois qu'il faut revenir à la notion de temps propre. J'ai pêché ça sur Wikipédia, qui envisage un peu autrement votre expérience des jumeaux de Langevin. Les référentiels sont les mêmes, seulement le temps de la fusée s'est artificialisé, il a suivi une trajectoire qui n'est pas une géodésique de l'espace-temps considéré, d'où le résultat, qui est celui d'un temps rabougri, appauvri par rapport au temps plein du mobile libre d'accélération qu'est la Terre (où était resté le jumeau sédentaire, qui a vieilli le plus) -- il n'est pas question de déplacement d'un bloc d'espace-temps dans un autre :

En se basant sur les propriétés de l'intervalle de temps propre John Wheeler et Edwin Taylor ont présenté une méthode, inspirée du principe de moindre action, qui permet de retrouver la plupart des résultats de la relativité générale sans faire appel au formalisme tensoriel et en utilisant uniquement l'algèbre élémentaire. Cette méthode permet par exemple de retrouver simplement les résultats d'Einstein sur la déviation des rayons lumineux au voisinage du Soleil et l'avance du périhélie de Mercure.
La méthode de Wheeler et Taylor est basée sur le principe suivant :
un mobile se déplaçant librement dans l'espace suit la trajectoire rendant maximale l'intervalle de temps propre.
Cette trajectoire est appelée géodésique de l'espace-temps considéré.
Pour se rappeler si le temps propre du mobile libre est maximal ou minimal on peut utiliser le moyen mnémotechnique du voyageur de Langevin. Dans cette expérience des jumeaux on sait que c'est le frère voyageur qui vieillit moins et le sédentaire qui vieillit plus. Donc l'intervalle de temps mesuré par le frère resté sur Terre est plus grand que l'intervalle mesuré par le frère monté dans la fusée. Or dans cette expérience, c'est bien la Terre qui représente le mobile libre car elle n'est soumise à aucune accélération, à aucun changement de direction. La fusée au contraire ne flotte pas librement dans l'espace (au moins pendant une partie de son trajet) puisqu'elle effectue notamment un demi-tour, ce qui ne peut pas être accompli sans allumer un moteur. Donc c'est bien le mobile libre qui mesure un temps propre maximal.
Dans la représentation sur un diagramme d'espace-temps du paradoxe des jumeaux, la ligne droite représente la ligne d'univers de la Terre, donc en fait la géodésique entre les deux événements départ et retour de la fusée, et c'est le long de cette ligne que le temps propre mesuré est le plus long. Réciproquement le fait que le voyageur en fusée ait mesuré un temps propre plus court que son frère prouve que lui n'a pas suivi une géodésique de l'espace-temps.
La géodésique entre deux événements est le trajet qui maximise le temps propre.


[fr.wikipedia.org]

C'est ce que je vous disais encore hier : l'histoire, le mouvement historique (celui de la fusée dans un espace-temps où la terre, elle respecte les trajectoires géodésiques "naturelle" de cet espace-temps -- où la terre, elle, ne ment pas si vous me permettez ici pareille boutade !) est un jeu sur cet espace-temps qui se traduit par une artificialisation du temps, un art du temps et une action sur le temps. Je suis convaincu que l'histoire humaine agit sur les hommes comme sur ce jumeau dans sa fusée : elle a pour effet de faire passer le temps, soit de le faire un peu autrement que ne le ferait le seul monde naturel sur ses rails géodésiques !
24 février 2015, 09:11   Re : Finkielkraut à Nice
J'ai un peu l'impression que nous commençons à nous emmêler gentiment les pinceaux et fusons un peu à tout-va.
Si vous permettez, Francis, récapitulons : le problème liminaire qui nous occupait était de déterminer la nature du temps dans la relativité, restreinte d'abord : l'une des postulations fondamentales de cette théorie est que la valeur du temps n'est pas absolue, mais dépend d'un référentiel donné ; qu'est-ce qu'un "référentiel" en l'occurrence ? c'est à peu de choses près la même chose qu'en physique classique, je recopie la définition simple qu'en donne Wikipédia :
"En physique un référentiel est un système de coordonnées de l'espace et du temps permettant de repérer les événements sous forme d’un quadruplet de nombres : 3 coordonnées d’espace et une coordonnée de temps."
De quoi la relativité restreinte (appelons-la RR) se distingue en considérant le temps comme une dimension supplémentaire s'ajoutant aux trois autres, pour former un espace quadridimensionnel appelé "espace-temps" ; comme il s'agit en principe de référentiels dits "inertiels" ("un référentiel est dit inertiel si tout objet isolé de ce référentiel (sur lequel ne s’exerce aucune force ou sur lequel la résultante des forces est nulle) est soit immobile, soit en mouvement de translation rectiligne uniforme. Par exemple : une fusée dans l'espace loin de toute masse constitue un référentiel inertiel si aucun moteur n'est allumé"), il va de soi que la "portion" d'espace-temps" relative à un référentiel donné et modélisée par "l'espace de Minkowski" se "déplace", puisqu'elle peut être en mouvement, au regard d'un autre référentiel qui lui serait immobile ou se déplacerait à une vitesse différente : c'est dans ce sens que j'employai l'expression "bloc d'espace-temps", désignant par là toute partie d'espace-temps définie par un référentiel donné, mais comme cette expression semble prêter à confusion, bazardons-la.

Tout cela étant posé et acquis, la RR dit que certaines dimensions constituant les grandeurs variables d'un référentiel, le temps et la longueur, varient d'un référentiel à l'autre selon que l'un est en mouvement par rapport à l'autre : c'est le phénomène de la "dilatation du temps", ou de la durée, où l'intervalle de temps entre deux événement est plus grand à raison de la vélocité du référentiel et, très simplement, que le temps mesuré par une horloge située dans le référentiel le plus rapide s'écoule plus lentement.
À partir de là l'expérience de pensée des jumeaux situés dans des référentiels différents prend tout son sens : pour celui voyageant dans la fusée, le temps s’écoulant plus lentement, notablement à mesure que la vitesse est grande, et le temps ayant l'incidence qu'on sait sur la matière, le jumeau voyageur vieillit beaucoup plus lentement que celui qui est resté sur Terre.

Il me semble à ce point inutile d'entrer dans des détails dont nous ne maîtrisons pas tout à fait les subtilités (moi en tout cas) et de s'interroger doctement si le jumeau voyageant dans la fusée se trouve bel et bien dans un référentiel inertiel, à quoi s'applique en principe la RR, ou si la chose se complique et qu'il est passé mine de rien, lors des accélérations et décélérations de la fusée, dans un référentiel "non inertiel" (qui relèverait de la relativité générale (La RG), d'où votre "géodésique" ?) : inutile eu égard à la question que je soulevai : est-il adéquat de déclarer que le passage du temps est illusoire en considération de ce qui est évoqué supra ?
Je persiste à dire, si je ne me suis pas complètement planté, que même en acceptant l’hypothèse selon laquelle les durées ne sont pas homogènes, et le temps passe différemment selon le référentiel, il passe quand même absolument pour tout observateur situé dans l'un d'entre eux, et l'effet de ce passage n'est en rien "illusoire", même, comme l'avait suggéré André Page, si nous passons en RG, parce que ce sera cette fois la gravitation, figurée comme courbure spécifique de l'espace-temps, qui "ralentira" l'horloge située dans une fusée passant à proximité d'un corps de forte masse, mais où l'effet du passage du temps n'en continuera pas moins de se faire ressentir.
25 février 2015, 00:45   Re : Finkielkraut à Nice
Cher Alain,

l'univers-bloc est une notion philosophique (qui a partie liée avec l'éternisme) dont la genèse remonte aux travaux et à la pensée d'Einstein, et à ma connaissance (bien imparfaite il est vrai), elle n'est pas subsumable à l'espace de Minkowski, espace affine.

Je me sens très en accord avec Einstein qui affirmait que "l'écoulement du temps est une illusion persistante".

Cela dit je ne peux ici et maintenant oeuvrer à invalider votre thèse sur le jeu des référentiels ni même votre interprétation de l'univers-bloc comme espace de Minkowski.

[j'avais rédigé une réponse à vos derniers développements sur une demi-page au moins avant de l'effacer d'un coup du majeur sur le clavier sans pouvoir la restituer en dépit d'une fouille fébrile dans le cache de mon ordinateur. Ce qui m'arrive rarement mais toujours quand il ne le faudrait surtout pas ! Voici en substance ce qu'elle contenait :

Vous avez écrit : À partir de là l'expérience de pensée des jumeaux situés dans des référentiels différents prend tout son sens : pour celui voyageant dans la fusée, le temps s’écoulant plus lentement, notablement à mesure que la vitesse est grande, et le temps ayant l'incidence qu'on sait sur la matière, le jumeau voyageur vieillit beaucoup plus lentement que celui qui est resté sur Terre.

La pensée semble buter ici contre un plafond de verre comme la guêpe contre la baie vitrée du salon. La phrase « le temps s’écoulant plus lentement » n’a aucune espèce de sens dans un univers-bloc. Il y a seulement davantage de temps (et moins d’espace) pour le jumeau resté sur terre, qui vieillit donc de manière plus marquée que son frère en déplacement pour qui il y a moins de temps et plus d’espace. La notion d’écoulement du temps n’a aucun sens ici car comme je vous le demandais rhétoriquement, le temps s’écoulerait dans quoi dès lors que les berges et le lit du fleuve de l’image antique ayant servi à figurer l’écoulement du temps sont eux-mêmes taillés dans une matière qui incorpore le temps ? La notion de durée temporelle n’a elle non plus aucun sens car elle se définirait dans ce bloc où le temps est un élément architectonique (partie au référentiel) comme temps fonction du temps !
La valeur temps est une quantité (et non pas une « durée d’écoulement ») et dans la relativité générale sa quantité est maximale le long des lignes géodésiques, desquelles s'écarte le corps en déplacement dans l'espace dont la vélocité varie, ce qui a pour effet d'altérer cette quantité dans le sens de sa diminution.

La notion d’univers-bloc exclut tout « écoulement du temps », pour tous les corps.

La « durée » est une notion psychologique historiale, elle est une pincée de temps fonction du temps, soit un objet dépourvu d’existence physique naturelle mais fruit artificiel de l’existence humaine, seulement investi d’un sens psychologique et politique.]

Nous débattons ici d'un sujet qui n'est pas simple, c'est le moins qu'on puisse dire, sous un intitulé qui en est très éloigné (Finkielkraut à Nice). Je vous propose de poursuivre ces échanges soit sur un autre fil dédié, si la modération consent à le créer en scindant celui-ci, où je m'efforcerai d'apporter à votre dernière intervention une réponse argumentée, ce qui me prendra quelques jours, soit en un autre lieu, qui pourra être la page internet que j'ai créée pour y animer tout débat de cet ordre sur la notion de temps et d'histoire (www.recherchemetahistorique.fr).

Bien cordialement

FM.

[message modifié]
25 février 2015, 07:47   Re : Finkielkraut à Nice
Citation
Francis Marche

Nous débattons ici d'un sujet qui n'est pas simple, c'est le moins qu'on puisse dire, sous un intitulé qui en est très éloigné (Finkielkraut à Nice). Je vous propose de poursuivre ces échanges soit sur un autre fil dédié, si la modération consent à le créer en scindant celui-ci

En effet, cette discussion aussi intéressante que difficile et technique se poursuivrait mieux sur un autre fil avec un intitulé approprié.
25 février 2015, 12:44   Re : Finkielkraut à Nice
Que la modération fasse donc ce qu'elle juge nécessaire, mais je dois avouer que l'intitulé de ce fil ne me semble pas si éloigné que ça de la tournure de la discussion : franchement, Finkielkraut à Nice, cela ne vous a-t-il un air, pas si lointain, d'Einstein on the beach ??

Mais avant toute chose, cher Francis, deux précisions : en premier lieu, la "thèse" sur le jeu des référentiels n'est en aucun cas mienne : c'est, ai-je cru comprendre, le teneur même de la théorie de la relativité restreinte (et dans une certaine mesure, de la relativité générale) : les grandeurs, dont le temps, sont relatives au référentiel considéré, étant donné la constante, dans tous les référentiels, de la vitesse de la lumière.
Ensuite, je n'ai à aucun moment proposé une interprétation de l'"univers-bloc" : ce que j'entendais par "bloc d'espace-temps" n'est que la partie de l'espace-temps définie par les grandeurs du référentiel : ce n'est manifestement pas cet univers-bloc qui semble, à première approximation, être une sorte de "totalité de l'étant" physiciste incluant le futur et, en vérité, tous les référentiels possibles...
Cette discussion me remet en mémoire une histoire drôle qu'on me raconta dans mon enfance et qui était donnée pour vraie, celle d'une brave ménagère qui s'en va réclamer à la crémière : Madame, la portion de gruyère que vous m'avez vendue hier au pris fort, eh bien elle était pleine de trous ! J'y ai trouvé dedans plus de trous que de fromage !

La pâte de fromage de gruyère a-t-elle des trous ? en toute rigueur, la réponse à cette question est non, la pâte de fromage de gruyère est continue, elle est sans trou. Là où il y a des trous, il n'y a pas de gruyère.

Et du reste la fromagère ne s'y trompe pas qui vous vend le gruyère au poids : elle ne vous fait pas payer les trous qui ne pèsent rien.

C'est la portion-de-gruyère qui comporte des trous en son sein, c'est dans le référent-portion que la matière-gruyère est inégalement répartie. Et si l'on pousse le bouchon référentiel un peu loin, le fromager de la ville de Gruyère est fondé de considérer qu'entre lui et moi, qui me trouve dans la ville de Hyères, il n'y a qu'un grand trou de 500 kilomètres-- appelons-le "le trou Gru" qui sépare Gru-yère de Hyères -- cependant que lui et moi sommes dans le même continuum gruyère, inentamé. Entre sa roue de gruyère et ma portion de gruyère sur ma table de cuisine issue de cette roue, la plénitude de la matière gruyère conserve toute sa cohésion.

Donc, le "gruyère fromage à trous" n'est autre que ce que les français appellent "une vue de l'esprit", de celles-là même, persistantes comme l'est "l'écoulement du temps", qui sont indispensables à la bonne tenue de l'existence humaine.

A présent découpons, si vous le voulez bien, deux dés aux dimensions strictement identiques (des cubes de trois centimètres d’arête par exemple) dans une roue de gruyère. Le premier comporte un immense trou ; l’autre seulement quelques trous minuscules ou aucun trou. Dans celui-ci il y a plus de pâte de fromage gruyère que dans celui-là. A présent appelons le premier dé « histoire du jumeau A » et le second dé « histoire du jumeau B » ; vous aurez dans le dé A une représentation de ce qu’est, dans l’univers-bloc, l’histoire du jumeau voyageur ; dans le dé B, l’histoire du jumeau terrestre et sédentaire. Dans les deux dés, la substance du temps est strictement identique, inaltérée, et le couteau ou le fil qui aura découpé ces dés n’aura en rien entamé l’immuabilité et l’homogénéité de la pâte-substance : la disparité de ces deux dés de fromage vous représente celle de deux lots historiaux et n’influe en rien sur la nature de la substance temporelle qui n’est pas plus fluide, labile, ou visqueuse, ou « qui ne coule pas plus vite ou moins vite » dans l’un que dans l’autre dé.
Je me permets de vous faire remarquer que le fromage de Gruyère n'a pas de trous, pas plus que le Comté et contrairement à l'Emmental par exemple.

[Bon, bon, je retourne me coucher.]
Je le savais Marcel. Et je savais que c'est l'Emmental français qui a des trous. Mais comme tout le monde ne le sait pas, j'en embrayé sur "gruyère" (qui rime avec Hyères) pour les besoins de la démonstration.

Bonne nuit. (La prochaine fois, j'essaierai quelque chose avec le saucisson et le pinard, pour que personne ne perde ses repères)
Après tout, je voudrais bien que fût "illusoire" la sensation du temps vécu, et le témoignage des sens relatif à la "disparition" des états successifs du réel, dont quelque trace est conservée par la mémoire, et que l'impression en effet si prégnante d'une telle irréversibilité fût "fausse", au regard de la vraie réalité où je pourrais, à la vitesse de la lumière, me reporter vite fait à il y a quelques jours pour refaire un mauvais geste et rattraper une maladresse : avez-vous essayé Francis ?

La sensation du temps vécu demeure illusoire -- votre identité, votre iris, votre groupe sanguin ne varient point et dans le vieillard qui devient, demeurent les angoisses et les rêves et les penchants du petit enfant, et dans le petit enfant, guettait le vieillard ou le turbulent adulte qui mourra prématurément d'un accident de santé ou de maladresse.

Par exemple les personnes qui changent d'identité en changeant de sexe, ne changent pas de sexe : elles deviennent ce que, depuis toujours, elles estimaient qu'elles étaient, elles renouent avec le soi premier, occulte ou inhibé, affirment-elles.

Devenir soi, selon le mot des philosophes à la mode, --- s'agissant de Michel Onfray, à la mode de Caen ---, est un motif du devenir qui va à l'encontre de la notion de "disparition des états successifs du réel".
26 février 2015, 06:26   Non possumus
» Dans les deux dés, la substance du temps est strictement identique, inaltérée, et le couteau ou le fil qui aura découpé ces dés n’aura en rien entamé l’immuabilité et l’homogénéité de la pâte-substance : la disparité de ces deux dés de fromage vous représente celle de deux lots historiaux et n’influe en rien sur la nature de la substance temporelle qui n’est pas plus fluide, labile, ou visqueuse, ou « qui ne coule pas plus vite ou moins vite » dans l’un que dans l’autre dé

Ce n'est pas ce que postule la théorie de la relativité, que voulez-vous, mais libre à vous de ne pas être d'accord en n'incluant pas les trous de la pâte à fromage dans le fromage ; il semble bien du reste que cette disparité dans l'écoulement du temps est vérifiée expérimentalement, en RR :
« Une vérification expérimentale a été menée en 1960 par les physiciens Robert Pound (en) et Glen Rebka (en) en accélérant des atomes par augmentation de la chaleur (les atomes restent sur place car ce sont les atomes d'un cristal radioactif vibrant autour de leur position d'équilibre par agitation thermique), ce qui a donné une diminution de la fréquence des rayons gamma émis (ce qui signifie un ralentissement du temps propre des atomes par rapport à celui des atomes non accélérés), les mesures étant en accord avec les prévisions avec 10% de marge d'erreur.
On a observé que les particules instables se désintègrent plus lentement du point de vue de l'observateur lorsqu'elles se meuvent à grande vitesse par rapport à celui-ci, notamment dans les accélérateurs de particules.
Cet effet est également observé pour les muons atmosphériques produits par la collision des rayons cosmiques (particules très énergétiques en provenance de l'espace cosmique) et les molécules de l'atmosphère. Ces muons, animés d'une vitesse proche de celle de la lumière, atteignent le sol où ils sont observés et ce malgré leur courte durée de vie propre, la dilatation du temps leur donnant le temps nécessaire pour atteindre les détecteurs.
Un autre cas observé de dilatation temporelle est le décalage entre horloges atomiques au sol et en vol ; mais il se complique dans ce dernier cas de considérations gravitationnelles de sorte que le cadre de la relativité restreinte est insuffisant et qu'on doit considérer les effets de Relativité générale. Incidemment l'expérience réelle d'horloges atomiques embarquées en avion est une version réalisable, et souvent réalisée, de l'expérience des jumeaux, laquelle exploite l'effet de ralentissement des horloges en mouvement.
Signalons également que l'on observe aussi une dilatation du temps lorsqu'on mesure la durée de l'évolution de la luminosité des supernovas lointaines, mais que ce dernier effet est dû à l'expansion de l'Univers. »
En RG :
« En 1977, une expérience embarquant des horloges atomiques dans une fusée a confirmé les prévisions théoriques avec une précision de 0,01 %. En 1959, Robert Pound (en) et Glen Rebka (en) ont pu vérifier expérimentalement que la différence d'altitude de 22,6 mètres d'une tour de l'université Harvard donnait une différence de fréquence de la lumière conforme aux prévisions de la relativité générale (expérience de Pound-Rebka mettant en évidence le décalage d'Einstein). En 2009, une équipe de physiciens a mesuré avec une précision 10 000 fois supérieure à la précédente expérience (Gravity Probe A (en)) cette dilatation du temps sans déceler de différence avec les prédictions de la relativité générale. »

Pour Thibault Damour, relativiste conséquent, c'est également un point acquis :
« Sur quoi Einstein s’est il fondé pour conclure que, je cite, « le temps subjectif avec son « maintenant » ne doit avoir aucune signification objective » ?

Il s’est fondé sur une conséquence observable de la relativité qui a été amplement vérifiée par l’expérience (cette conséquence joue d’ailleurs un rôle important dans les systèmes modernes de localisation comme le système GPS qui ne fonctionne que parce que l’on a inclus la théorie de la relativité dans son logiciel). Si l’on considère deux jumeaux dont l’un (figuré par la ligne verticale marron) reste sur Terre alors que l’autre (figuré par la ligne brisée verte) s’éloigne à grande vitesse avant de revenir sur Terre, le jumeau voyageur sera plus jeune que son frère quand il le retrouvera au point C. (C’est cette conséquence centrale de la relativité que Bergson n’a jamais voulu accepter, car elle faisait trop violence à son intuition de la durée.) »


» La sensation du temps vécu demeure illusoire – votre identité, votre iris, votre groupe sanguin ne varient point et dans le vieillard qui devient, demeurent les angoisses et les rêves et les penchants du petit enfant, et dans le petit enfant, guettait le vieillard ou le turbulent adulte qui mourra prématurément d'un accident de santé ou de maladresse

Écoutez, Francis, la "sensation du temps vécu", je le répète, est l'expérience humaine fondamentale, concrète et jamais démentie relative à l'impossibilité de se reporter en arrière de la flèche du temps, dans le passé, pour ce qui concerne le déroulement de notre existence.
Impossibilité, vous dis-je ! C'est "illusoire", cela ? Comment cela, illusoire, vous plaisantez ?? Impossibilité : nous retrouvons en quelque sorte le point de départ d'où était partie notre discussion, comme je prenais le contre-pied de la "possibilité" de Heidegger.
Je n'ai rien à redire à ce que je vous avais écrit naguère, qui me semble toujours, plus que jamais, indubitable, complètement évident, écrasant.

« Si l'on accepte de rester borné par l'expérience, seul critère un peu solide et garde-fou de certaine utilité dans la démarche intellectuelle, alors le temps n'est pas caractérisé par la possibilité, c'est-à-dire l'à-venir, comme c'est le cas chez H., mais bien par l'impossibilité pure et simple, avérée, patente, de rendre présent (c'est-à-dire accessible par les sens) ce qui est en-allé comme passé, et n'est retenu et enregistré comme tel que par le fil de la mémoire : le temps se donne à vivre comme expérience fondamentale d'une impossibilité, d'un départ irrattrapable entre les états successifs du monde donnés comme présent (qui n'est pas un présent statique mais continuellement mouvant) formant à présent le passé, et ce présent. Ce que nous appelons communément le "temps" est l'effet sur nous de cette disparition perpétuelle, et proprement stupéfiante, des divers états du réel dont nous avons été témoins, et je m'en tiens à cela, étant dans l'incapacité totale de dépasser cette limitation et de me porter hors de cette incompréhension-là, pour trouver une sorte d'instance première, récapitulative et unitaire qui donnerait la clé de cette étonnante dérobade constitutive. »
26 février 2015, 21:42   Re : Finkielkraut à Nice
Je suis gêné par deux choses :

La première est le vieux travers des grands philosophes du temps en Occident : il est à la fois le travers dans lequel ils sont souvent tombés comme celui qu’ils ont souvent dénoncé, dès Augustin : que l’on s’acharne à vouloir définir aporétiquement une notion à l’aide d’elle-même ; que l’on s’entête à nous entretenir du temps et de ses qualités intimes en faisant appel à la notion de temps. C’est ce que l’on fait quand on dit que le temps, sous certaines conditions de vitesse et dans certains jeux de miroir des référents, se prend à couler plus lentement. C’est là un noble travers ne serait-ce que parce qu’il est indissociable de la conscience humaine; il est la condition de toute intuition première de l’existence mais il n'empêche qu'il soit une folie de la conscience : dans l’expression « le temps s’écoule plus lentement », le terme français lentement suppose déjà une intégration du facteur temps, intégration mathématique faite dans la qualité censée nous éclairer l’être même sur lequel on s’interroge, être dont on se propose de traquer le comportement. Il y a là une folie logique : on ne peut, en aucun cas, caractériser, cerner la nature d’un être aussi omnipotent de Chronos en représentant ses qualités par des moyens dont lui-même, et lui seul, détient les clés de l’entendement.

La deuxième chose qui me gêne est celle qui consiste à assigner à autrui, à un penseur, et quel penseur, Albert Einstein ! une contradiction d’une extrême violence, soit celle qui consiste à poser qu’Albert Einstein était en désaccord avec lui-même : on doit en effet à ce penseur la théorie de la relativité restreinte, très vite dépassée par celle qu’il produisit quelques années plus tard de la relativité générale, or cet auteur qui nous ouvrit ainsi en deux moments à l’entendement du monde physique pensa, jusqu’à la fin de ses jours, que le temps dans l’univers ainsi conçu et entendu ne s’écoulait point, qu’il n’était nullement assimilable à un écoulement de fluide d’un contenant à un autre, que le temps était le vase autant que le fluide qui s’y tient ou qui s’en fuit. Ma gêne particulière à cet égard est ressentie quand on entreprend de s’appuyer sur la théorie de la relativité générale, conçue par A. Einstein, pour soutenir ce que le même Einstein contesta toute sa vie sur la notion de temps. Il y a là une violente contradiction qui pourrait, éventuellement, se résoudre dans un dépassement : qu’une théorie nouvelle, celle des cordes cosmologiques peut-être ( ?) la dépassât, mais cela ne semble pas être le cas aujourd’hui, ou si cela l’est, je suis de ceux qui attendent d’en être instruits.
27 février 2015, 02:02   Re : Finkielkraut à Nice
Citation
Francis Marche
la théorie de la relativité restreinte, très vite dépassée par celle qu’il produisit quelques années plus tard de la relativité générale

Il y a plutôt achèvement de la théorie.

L'article d'Einstein de 1905 (De l'électrodynamique des corps en mouvement) repose sur deux postulats:
- que les lois de la physiques soient identiques dans tous les systèmes de référence en mouvement relatif uniforme les uns par rapport aux autres.
- que la vitesse de la lumière soit identique dans tous ces référentiels.
En 1905, ce principe selon lesquels les lois de la physique sont indifférentes à leur référentiel, est restreint aux mouvements uniformes. D'où le nom de relativité restreinte.

En 1915, elle est généralisée à tous les référentiels et pas seulement à ceux qui sont en mouvement relatif uniforme. Pour celà, Einstein ajoute la gravitation à son raisonnement: la gravitation est une pure accélération, tous les corps se déplacement exactement de la même façon sous son influence (démontré par Galilée). On passe donc du mouvement relatif uniforme aux mouvements accélérés.
Ce qui vaut pour l'accélération G vaut pour toutes les accélérations, c'est le principe d'équivalence: un système accéléré et un système soumis à un champ de pesanteur sont équivalents.
En 1915, ce principe selon lesquels les lois de la physique sont indifférentes à leur référentiel est généralisé à tous les mouvements, qu'ils soient uniformes ou accélérés, c'est la relativité générale.

En résumé:
Relativité restreinte, restreinte aux mouvements uniformes. Relativité générale, généralisée aux mouvements accélérés.

Là ou l'on peut dire qu'il y a dépassement de la théorie (mais pour sortir de la relativité et entrer dans la théorie des champs ), c'est qu'il va postuler que toutes les lois de la physique, et non plus seulement la gravitation, sont localement identiques dans tous les systèmes de référence, ce qui conduit à se poser la question de la nature et des caractéristiques de l'Espace dans lequel se déplacent les corps.

(
Petite remarque en passant, la formule de la relativité générale, c'est E=T.
Eµ = 8πG Tµ ou 8, c'est 8, π c'est pi et G, la constante gravitationnelle. A un facteur d'échelle prêt, la formule se réduit à E = T (E pour le tenseur d'Einstein, T pour le tenseur inertiel du corps en question).
Autrement dit, la courbure de l'Espace au voisinage du corps 'égale' la masse de ce corps. Si la masse est nulle, la courbure est nulle. Si la masse est infinie, la courbure est infinie .
).




 
28 février 2015, 09:11   Re : Finkielkraut à Nice
» que l’on s’acharne à vouloir définir aporétiquement une notion à l’aide d’elle-même ; que l’on s’entête à nous entretenir du temps et de ses qualités intimes en faisant appel à la notion de temps. C’est ce que l’on fait quand on dit que le temps, sous certaines conditions de vitesse et dans certains jeux de miroir des référents, se prend à couler plus lentement. C’est là un noble travers ne serait-ce que parce qu’il est indissociable de la conscience humaine; il est la condition de toute intuition première de l’existence mais il n'empêche qu'il soit une folie de la conscience : dans l’expression « le temps s’écoule plus lentement », le terme français lentement suppose déjà une intégration du facteur temps, intégration mathématique faite dans la qualité censée nous éclairer l’être même sur lequel on s’interroge

Justement, je crois que ce n'est plus le cas, et cela, pratiquement, comme l'a souligné Pierre Hergat, depuis la physique galiléenne (encore que, si l'on se réfère à Aristote, le temps est "le nombre du mouvement") : en relativité, il n'est question que d'une grandeur t variable, quantifiable, calculable, comme les trois autres grandeurs définissant l'objet, et l'expression "s'écouler plus lentement" signifie seulement que la grandeur t obtenue est plus petite, un point c'est tout ; il n'est pas question de la nature du temps vécu comme passage, ces physiciens semblent s'en ficher et ne pas trop s’embarrasser d'états d'âme à ce propos.
C'est précisément cette "dépsychologisation", cette réification nécessaire qui heurtait Bergson, parce qu'il y voyait l'effet d'une projection tout artificielle de la durée, "multiplicité qualitative", dans l'espace et sa géométrisation, sa transformation en "multiplicité quantitative" formant un nombre.
Le fait est que sa critique demeure parfaitement pertinente : « Ce qui unifie espace et temps dans une même équation, c'est que la mesure du temps peut être transformée en mesure de distance (en multipliant t, exprimé en unités de temps, par c), et t peut donc de ce fait, être associé aux trois autres coordonnées de distance dans une équation où toutes les mesures sont en unités de distance. En ce sens on pourrait dire que le temps, c'est de l'espace ! » (dans l'article "espace-temps" de Wikipédia)
Il n'en demeure pas moins que la variabilité référentielle calculable de t semble avoir une incidence observable sur la matière, et qu'elle accélère ou ralentit les processus y manifestés, ce qui autorise à dire qu'un être humain, qui est après tout aussi, ou surtout, un amas de matière, qui se trouve dans le référentiel où t sera plus grand, vieillira plus vite.

Et cela même en s'appuyant sur la RG, qui, comme indiqué supra, généralise la RR en étendant la variabilité des grandeurs aux référentiels non inertiels subissant la gravitation.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter