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Le ciné-monde comme avatar de Titi et Grominet

Envoyé par Cassandre 
Mes sorties sur le monde du cinéma et des acteurs ne sont pas pas que des boutades. Je pense réellement que l'omniprésence des images, immobiles et, sutout, animées, qui caractérise l'époque, leur pouvoir d'hypnose, d'inhibition, leur statut prestigieux ainsi que le culte démesuré des stars de cinéma font de ces images et de ces stars les idoles, au sens propre, péjoratif, du terme, de notre temps. Et de même que la vénération des idoles s'accompagnaient de rites qui faisait vivre les gens dans un surnaturel qui semblait plus vrai que la nature visible, de même le culte des images,du cinéma et de ses stars, nous fait vivre non dans le monde mais dans un ciné-monde où le faux semblant est roi, où tout est, non pas objectivement montré, mais représenté, au sens cnématographique de l'expression, selon un scénario canonique conforme aux choix intéressés des puissances qui manipulent le système, comme les prêtres de jadis préposés aux idoles se nourrissaient et s'enrichissaient des offrandes que les fidèles déposaien ingénument aux pieds de celles-ci. Le canevas scénaristique sur lequel brode ce cinémonde d'où le réel a disparu dans une sorte de quatrième dimension inaccessible, où le documentaire ne se distingue plus de la fiction ni la fiction des informations, où les acteurs, eux-mêmes, ne se distinguent plus des personnages qu'ils incarnent à l'écran, n'est pas de ceux qui ont donné " La Chevauchée fantastique ", " Rome, ville ouverte ", " Citizen Kane ", " Le Guépard ", " Autant en emporte le vent ", " Les dames du bois de Boulogne " ou " Les bronzés font du ski ", mais, l'humour en moins, celui des " Titi et Grominet " où le chat, soit l'occidental, est, une fois pour toutes, le méchant, et l'oiseau, soit l'arabo-africain, le gentil, même s'il brûle les voitures des smicards, arrache les sacs des vielles dames à la maigre retraite et insulte ses professeurs les plus dévoués ; et il est devenu non seulement presque impossible mais interdit de douter de ce sur-réel fabriqué et de ses idoles comme jadis du surnaturel : la génuflexion y a remplacé la réflexion. Il ne convient pas non plus d'en être le simple spectateur car un spectateur se sait encore dans le réel, ce réel qu'il faut oublier à tous prix. Pour ce faire, le cinémonde se veut interactif afin que lui même et la vie de tout un chacun y devenant acteur à part entière, ne fassent plus qu'un. C'est pourquoi la défense, dans son existence quotidienne, dans sa famille, son travail, ses loisirs, des gentils labellisés tels par les scénaristes du système, est un impératif du cinémonde, défense d'autant plus séduisante qu'il s'agit, précisément, d'une défense " de cinéma " comme on disait hier " d'opérette ", à savoir qui consiste à prendre le parti des braves, des bons et des victimes sans jamais avoir à payer de sa personne, ce qui risquerait, par ailleurs, de favoriser un retour irréversible au réel. " Nous sommes tous des juifs allemands " clamait, hier dans ce qui était encore le vrai monde, qui vous savez. Aujourd'hui le cinémonde et ses idoles clament " Nous sommes tous des titis palestiniens ( ou noirs ou roms). Leur seule peur ? être rattrapés par les grominets de la réalité.
Utilisateur anonyme
24 septembre 2008, 16:01   Re : Le ciné-monde comme avatar de Titi et Grominet
"Mes sorties sur le monde du cinéma et des acteurs ne sont pas que des boutades."

J'espère bien, cara Sandra ! Car pour ma part s'il est bien un domaine de la réflexion où je vous suis les yeux fermés, c'est bien celui du cinéma.

Peut-être aurais-je même tendance à penser que Titi et Grominet sont les héros inévitablement promis à cet art. Vous innocentez certains films, considérés, à juste titre sans doute, comme des chefs d'œuvre. Ce sont pour moi d'heureuses anomalies qui doivent leur mérite moins à l'essence même du cinéma qu'à de beaux restes d'une représentation littéraire du monde.

On juge l'arbre par ses fruits, dit-on. On peut aussi le juger dans sa façon de pousser. Les hasards de mes gagne-pains m'ont conduit, évidemment, à travailler dans le spectacle, à l'Opéra et au cinéma. Quel contraste dans l'appréciation du travail !
J'ai connu des moments d'exaltation inoubliables en travaillant à l'Opéra où j'étais accessoiriste, tous les corps de métiers réunis dans une confusion de plusieurs semaines dont on pense à chaque fois qu'il ne sortira qu'un horrible chaos et ce miracle répété du jour de la première où tout a lieu. Aucun travailleur ne m'a plus impressionné et rendu admiratif qu'un chanteur ou une chanteuse d'Opéra, tapi dans les coulisses, sachant ce qui l'attendait au moment où il entrerait sur scène. Tu parles d'un taf !

Inversement, rien ne m'a paru plus insupportable qu'un tournage de film, haut lieu du poireautage en toutes ses simagrées, caprices, privilèges et mièvreries. Doit-on s'étonner que les règles de l'intermittence du spectacle aient fait tâche d'huile dans celles du travail tout court, remplis d'ailleurs d'acteurs? Combien d'occupations salariales dans lesquelles on s'engage désormais comme s'il s'agissait du tournage d'un film ?

Quant à Entre les murs doit-on s'étonner que cette école du faux-travail qu'est le cinéma (faux-travail parce qu'il n'y a jamais de direct, de mise au pied du mur), ait fini par trouver dans une école de banlieue le plateau idéal, pour peu qu'un professeur surdoué dans l'art de se donner le beau rôle dirige à son profit en les flattant les pauvres marionnettes données en modèle ?
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