Les chasseurs évitent en général d'incendier tout l'espace, et s'ils courent vite, "comme des athlètes", le gibier court plus vite qu'eux et surtout disparaît plus vite encore par la perte des habitats fauniques si les chasseurs se prennent à incendier ces derniers. Les cultivateurs, qu'ils soient essarteurs ou sédentaires, causent en général bien plus de dégâts ou de modifications à la végétation naturelle et à la faune que les chasseurs.
Avez-vous entendu parler de la
Ligne de Wallace cher M. Hergat ? Cette ligne tracée pour la première fois par Alfred Wallace en 1859 fait le départ entre une partie de l'archipel indonésien et l'Australie associée à une autre partie de cet archipel. En fait cette ligne passe entre les deux îles indonésiennes très voisines de Bali et Lombok. Il s'agit de la démarcation de deux écozones aux faunes distinctes (la distinction floristique est moindre).
La ligne de Wallace sur le Wikipédia anglais : [
en.wikipedia.org]
La répartition des espèces entre ces deux espaces s'accorde avec la théorie géologique qui sous-tend l'existence de la ligne de Wallace, et non avec l'hypothèse d'une pression anthropique particulière : il y a 25000 ans environ, le dernier maximum glaciaire entraîna un abaissement du niveau des mers dans cette région qui permit à la faune terrestre d'étaler son aire naturelle sur un certain nombre d'îles en même temps qu'en Australie, cependant que la profondeur des eaux entre Bali et Lombok, par exemple, contint cet étalement. Les bouleversements climatiques naturels (glaciations, évolution du niveau des mers, etc.) suffisent à rendre compte de la désertification de certaines zones et d'une bonne part de la disparition de la mégafaune, nobobstant la fin du dodo, machetté jusqu'à l'extinction.
Concernant les "déserts" que cause la monoculture, le phénomène est à la fois récent et point nouveau --- Cendrars devant les grandes plantations de caféiers au Brésil spéculait déjà sur la catastrophe pour la nature que représentait à ses yeux, dans les années 20 du siècle dernier, la monoculture.
Pour en revenir au Japon, et en repasser par la problématique de la mondialisation des échanges de denrées alimentaires : on commence à comprendre que le Japon, de par son isolement relatif de ces échanges, de long temps maintenu, et de par la traditionnelle rigueur de sa politique de contrôle des importations, notamment les denrées et produits alimentaires, a fait office de
conservatoire de biodiversité pour le reste de l'humanité : la palourde, les huîtres de France, aux stocks chroniquement anéantis par des agents pathogènes exotiques, n'existeraient plus dans nos assiettes si le Japon ne les avait pas préservés, y compris des souches européennes mise en protection au Japon loin des foyers infectieux. En se protégeant contre ces invasions (et d'autres, d'un autre ordre), le Japon a oeuvré dans l'intérêt de toute l'humanité. Son "isolationnisme" a paradoxalement rendu service à tous ceux qui s'adonnaient au libre échange sans contrôle ni protection suffisants. Il faut y lire une grande leçon de l'histoire.
J'ajoute, concernant la Ligne Wallace, que tous ceux qui visitent Lombok et Bali s'étonnent du contraste de leur végétation respective : Lombok est aride, couverte d'une végétation xérophile où dominent des épineux, cependant que Bali, à quelques encâblures de là, est luxuriante, tropicale, et couverte d'une végétation naturelle dense. Ce contraste n'est aucunement explicable par une propension des habitants de Lombok à allumer des incendies, et à l'absence de cette propension chez les Balinais, mais bien par une histoire biogéologique différente entre ces deux îles, restées de tout temps séparées et démarquées par la Ligne Wallace.
On se demande parfois si vous n'êtes pas victime d'une affection "romantique" pour le sauvage ou la sauvagerie primitive, qui vous aveugle sur le réel. Ce n'est pas un grave défaut en soi, tant que l'on n'entreprend pas d'échafauder sur ce sentiment des théories à prétention d'exactitude scientifique.