Le site du parti de l'In-nocence

Décivilisation

Envoyé par Thierry Noroit 
17 avril 2015, 12:55   Décivilisation
Sur le blog d'Eric Chevillard ce matin :

Ces moitiés de conversation téléphoniques qui nous sont infligées à tout moment dans l’espace public permettent d’apprécier l’ahurissante vulgarité de la langue en usage dès lors que l’on ne se surveille plus comme le commandent ordinairement les relations sociales. On se parle maintenant à voix haute sans aucune tenue ni retenue comme chez soi on pisse droit dans l’eau des toilettes pour entendre la musique de son pipi.

Observation qui n'est pas hors sujet ici-même, selon moi, car l'examen objectif (autant que l'exaspération permette de rester objectif) de nos rues, nos transports en commun, etc, montre que plus on est remplaçant, plus on est nocent en matière de téléphonie, ce qui ne signifie pas que les non-remplaçants ne le sont pas, oh que non, mais ils le sont à un degré moindre en moyenne.
17 avril 2015, 13:46   Re : Décivilisation
Qui dira la nocence de ces abrutis de De Souche qui libèrent leurs chiens dans les espaces de promenade le dimanche ? Ces chiens nus de tout licol ou laisse qui viennent en bondissant vous renifler l'entre-jambe, vous menacent de leurs aboiements, vous montrent les dents prêts à vous égorger de leurs crocs si vous bronchez, quand vous êtes là, seul, raide comme un piquet au milieu d'une plage immense... qui défèquent dans le sable où les enfants des autres viendront faire des pâtés... et quand vous vous résignez à devoir périr déchiqueté sans une parole, presque en vous excusant d'avoir été là au mauvais moment, voilà leurs fripouilles de maîtres à cent mètres qui avancent placidement sans rappeler leur molosse en furie, qui parviennent à votre hauteur et vous ignorent, vous dépassent sans un regard... Et cette famille "bien sous tous les rapports" qui l'autre dimanche a laissé son maudit clébard se lancer sur les flamands roses et les hérons de la réserve naturelle près de chez moi, zone humide unique en France, protégée à grand frais par la collectivité ? Famille à qui vous auriez donné le bon dieu sans confession, emmantelée, digne, c'est tout juste si leur fillette n'avait pas des rubans dans les cheveux.

L'indiscipline du Français, bien du Français, et non du Divers, pour une fois, quand il s'agit de leurs chiens, de leurs gosses, au comportement souvent très proche de celui du chien, et de leurs travaux de bricolage, comme ce voisin qui depuis des semaines, à peu près tous les jours, scie des carrelages posté sur son balcon en mettant les nerfs de tout le monde à bout et dont la placidité des gestes, la belle aise qu'il montre à faire scier tout le monde, dit TOUT de la mentalité sans-gêne, inébranlable, qui caractérise désormais l'autochtone, dit tout du Grand Rapprochement auquel on assiste entre le peuple historique et ceux qui ambitionnent de le remplacer.
17 avril 2015, 14:51   Re : Décivilisation
L'anthropocène démarre le jour où l'homme se met à pousser le feu son chien devant lui pour faire fuir tout ce qui se présente.
 
18 avril 2015, 10:32   Rapprochement
Une nouvelle de science-fiction américaine dont j'ai oublié le titre comme l'auteur, et que j'ai lue dans mon adolescence, abordait cette question : la Terre, surpeuplée, envoyait dans les étoiles des vaisseaux d'exploration chargés de trouver d'autres planètes à peupler. Mais ces vaisseaux revenaient toujours automatiquement, à mi-parcours, sans le moindre résultat, et sans l'équipage, qui avait totalement disparu. On envoie un psychologue à bord du dernier vaisseau, et le journal de ce savant révèle que tout voyage spatial se fait en trois étapes : les membres de l'équipage travaillent d'abord ensemble, puis, la promiscuité aidant, finissent par s'ignorer totalement au point de perdre toute envie de communiquer avec autrui, qui disparaît de leur champ mental ; enfin, ils sortent l'un après l'autre du vaisseau par le sas d'urgence pour mourir dans le vide, au milieu de l'indifférence générale.
18 avril 2015, 11:11   Re : Décivilisation
Oui, c'est un scénario classique; je crois qu'on le retrouve dans les cuisines de restaurant, les bureaux open-plan où sont regroupés des travailleurs intérimaires, comme dans les squats, les centres d'hébergement, les radeaux de naufragés, les camps de réfugiés et d'autres lieux où s'empile le monde pour des durées disparates et propres à chacun, où la présence de chacun obéit à des motifs obscurs, pour soi autant que pour autrui; bref, partout où l'obscure et universelle condition des hommes sur Terre se trouve artificiellement recréée dans un microscome, où le départ est aussi anonyme que l'arrivée. Partout où on attend Godo, dans toutes les salles des pas perdus que sont les lieux publics d'aujourd'hui où la plage, l'aérogare, la salle d'attente du médecin ou le quai de métro sont indistinguables: les uns et les autres sombrent, meurent, viennent, s'en vont, quittent les lieux sur une civière, se défenestrent dans une indifférence qui finit par ne plus être masquée par personne. Pas de "marche blanche" quand une fillette se fait dévorer par un chien tueur d'enfant dans l'enclos duquel elle a pénétré par mégarde. L'homme tueur d'enfant : marche blanche. Le chien, le camion déchiqueteur de fillette : ça va, c'est la vie mon pote. T'es là tu sais pas pourquoi, tu meurs sans être plus avancé. Y'a plus que le meurtre qui émeut encore, et encore, le meurtre de masse oui. D'où, de temps en temps, un carnage qui, lui, mérite encore qu'on s'y arrête. Se suicider, se faire euthanasier en silence, sans un signe de croix, s'évanouir dans la banalité d'un trépas solitaire est bien trop peu remarquable, pour qu'il y ait événement, cérémonie, il faut crasher un avion contre une falaise, ou sur un bourg en soufflant 150 vies, là au moins, quelque chose a lieu qu'on remarque. Une bombe dans une salle des pas perdus : seul moyen de restaurer un peu de cérémonial dans l'existence, d'en ponctuer les jours et le cours, de rappeler aux murs poreux qui laissent filer les hommes et les âmes sans un mot ni un souffle que la mort existe encore pour de bon, sonner ce rappel en faisant retentir la cloche de la Mort, dessinée en point d'interrogation.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter