Le site du parti de l'In-nocence

Une recension

Envoyé par Gérard Rogemi 
25 septembre 2008, 19:04   Une recension
« Le totem du loup », Jiang Rong,
Bourin Editeur, janvier 2008, 570 pages, 25 euros.

Vendu en Chine à plus de 20 millions d’exemplaires, « Le totem du loup » est un phénomène éditorial sur lequel il est intéressant de se pencher mais qu’il est surtout passionnant de lire. En dehors de quelques ouvrages de la collection Terre humaine (J. Hélias « Le cheval d’orgueil » et d’autres), des témoignages de sociétés, de modes de vie, de comportements aussi éloignés de nous sont rares. Ici, ils sont d’une force extraordinaire car ils ont été vécus par un jeune chinois envoyé par la révolution culturelle avec quelques « jeunes instruits » dans le Sinkiang, les grandes steppes qui s’étendent de la Mongolie intérieure au Tibet, entre 2 et 4 000 mètres d’altitude. Dans ces régions sauvages, au climat très dur, vivent des tribus mongoles d’éleveurs et de chasseurs, que veulent domestiquer les communistes pour développer un élevage de plus en plus intensif au risque de détruire les équilibres de la steppe. Ces équilibres sont assurés par les meutes de loups qui régulent la démographie des gazelles. Trop de gazelles supprimeraient les herbages assurant le développement des troupeaux de moutons, de chèvres et de chevaux. Trop de loups rendraient l’élevage impossible et rendraient aussi la vie humaine trop risquée.

C’est cette vie d’une extraordinaire dureté, cette lutte entre les hommes et les loups, lutte qui ne doit jamais se terminer par la victoire des uns ou des autres que décrit ce livre extraordinaire. On y trouve bien sûr beaucoup d’allusions aux difficultés de la vie sociale née de la volonté communiste de développer le pays avec une forte immigration des Hans qui s’opposent aux tribus mongoles dont ils ignorent la sagesse née de la connaissance ancestrale du pays.

« C’était la première fois que Chen Zhen traversait la steppe en cavalier solitaire. Il ne s’était pas rendu compte du danger qui l’attendait. Mais il était déjà trop tard pour rebrousser chemin. Soudain, le jeune homme faillit tomber de sa monture en voyant, à quarante mètre devant lui, une horde de loups dont le pelage étincelait sous la dernière lueur du soleil. Plus de trente bêtes se tenaient là dont certaines avaient la taille d’un léopard. Au milieu, le roi des loups, reconnaissable à la fourrure blanchâtre qui, sur sa poitrine et sur son ventre, brillait d’un éclat de platine. Tout en lui respirait la puissance de son rang. A un signe connu d’elle seule, la meute s’était levée d’un bond. La queue raidie à l’horizontale, les loups s’apprêtaient à s’élancer et à s’abattre sur leur proie comme autant de flèches projetées d’un arc bandé. »
25 septembre 2008, 19:10   Deux autres recensions
« Alexandre Soljenitsyne », Daniel J. Mahoney,
Ed. Fayard, Collection Commentaire, août 2008, 340 pages, 20 euros.

D-J. Mahoney, Américain, professeur de philosophie politique à Boston, a écrit ici un essai original et chaleureux pour rendre justice à la réflexion politique de Soljenitsyne. Il fallait faire ce travail car, après l’admiration et le respect suscités par « L’Archipel du goulag » et « La roue rouge », tout un courant d’intellectuels autoproclamés progressistes avaient critiqué ce formidable écrivain parce qu’il refusait d’adhérer sans nuance à une civilisation du progrès technologique et marchand.

La rupture s’était faite progressivement après le discours d’Harvard, le discours du Lichtenstein, le discours de Saint-Gilles-Croix-de-Vie prononcé en mémoire de Marina Tsetaeva, poétesse, suicidée dans les geôles soviétiques, qui avait quelque temps trouvé refuge en Vendée. C’est qu’en effet, Soljenitsyne, dès son arrivée aux Etats-Unis, n’a abandonné aucune des exigences morales qui l’ont fait se dresser contre le communisme de 1962, date de la publication d’une journée d’Ivan Denissovitch, à 1974, date de son expulsion d’URSS. Son exigence intellectuelle et morale est proche de celle d’un Péguy ou d’un Bernanos. Ce peintre des petites gens a dans tous ses ouvrages honoré la mémoire de l’homme du peuple, de l’ouvrier, du paysan broyés par la machine bureaucratique communiste. Mais il a su parfaitement montrer que ce n’était pas le « bazar commercial » du monde occidental, l’absence d’idéal, de vision d’avenir et d’héroïsme, l’abandon de tout idéal de justice et de charité qui pourraient assurer le vrai bonheur humain. Soljenitsyne s’est totalement refusé à assimiler progrès moral et développement technologique. Il ne croit pas que le « doux commerce » et la société marchande soient la solution à tous nos problèmes.Un livre à méditer par les libéraux.


« Qu’est-ce que l’homme, cours familier d’anthropologie », Chantal Delsol,
Ed. du Cerf, septembre 2008,195 pages, 23 euros.

Auteur déjà d’une quinzaine d’ouvrages, essais mais aussi romans, nous avions beaucoup aimé « L’éloge de la singularité » paru aux Ed. de la Table Ronde en 2000. Le cours d’anthropologie qu’elle publie aujourd’hui est d’une grande richesse et aborde tous les problèmes de l’être humain : la mort, les tics, la liberté, l’enracinement, la transmission, l’émancipation. Impossible de rendre compte d’un cours complet d’anthropologie, il faut le lire en sachant que Chantal Delsol a une grande capacité pédagogique et, qu’à la lire, tout paraît simple.
Utilisateur anonyme
25 septembre 2008, 19:20   Re : Une recension
Merci beaucoup pour ces recensions. Le Totem du loup est tentant. Mais qui est ce "nous" qui avait beaucoup aimé L'éloge de la singularité ?
25 septembre 2008, 22:26   Re : Une recension
Citation
nous
Question légitime, cher Orimont, mais par discrétion je n'y répondrai pas.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter