Bon alors, je me lance, en improvisant un semblant de démonstration, qui risque malheureusement d'être longuette.
1. Le FN a pour lui d'avoir été le premier et longtemps le seul parti à avoir dénoncé les dangers de l'immigration de masse. Mais le caractère antisémite de Jean-Marie Le Pen (et ses autres très nombreux travers) dévaluait sa parole et aboutissait même à rendre suspecte toute défense de l'identité nationale. De ce fait, comme l'a écrit Renaud Camus, le FN-JMLP était "pire que le mal" ;
2. Longtemps Marine Le Pen est restée ambiguë à l'égard du FN que son père lui avait légué. De surcroît, elle choisit de construire son identité propre en mettant au centre de son discours et de son action la lutte contre l'Union européenne, avec un double bénéfice à court terme : d'une part, elle n'avait pas à assumer directement la position de son père sur la question de l'identité nationale (anti-immigration de masse et anti-sémitisme), tout en conservant les électeurs traditionnels du FN ; d'autre part, elle siphonnait le réservoir électoral de son rival dans les classes populaires "de souche", le Front de Gauche, puisque le PCF avait fait accroire aux ouvriers que leurs malheurs venaient de la construction européenne ;
3. Or, dans le même temps, les dangers de l'immigration de masse apparaissaient à une grande majorité de Français sous la forme de la violence islamiste : cette prise de conscience n'a pas pleinement profité au au FN car son discours anti-européen n'était pas crédible pour la majorité de l'électorat traditionnel de la droite "parlementaire" (ETDP).
4. Le FN a cru que la crise financière de 2008 allait conduire à la fin de la zone euro, en lui donnant rétrospectivement raison. Mais les dirigeants de l'UE et la BCE, en coordination avec le FMI, les Etats-Unis et le Japon, sont parvenus à éviter le pire, au grand soulagement de l'ETDP et au grand dam du FN de Marine Le Pen (FN-MLP)
5. Au lieu d'évoluer comme le fit Siryza, qui abandonna le projet de sortie de l'euro pour ne plus demander qu'une remise en cause des plans d'austérité, le FN-MLP s'est enfermé dans son discours anti-euro, faisant passer au second plan la question identitaire.
6. Or, dans le même temps, les Français s'exaspéraient devant les effets de l'immigration de masse. L'échec du Printemps arabe et la folie de la déstabilisation de la Libye sans procédure d'endiguement des populations ont fait prendre conscience des dangers de l'évolution démographique, politique et religieuse de l'Afrique ;
7. Il y a deux ans, il existait donc un espace politique pour un mouvement comme le NON qui pouvait tenter de fédérer les personnes qui ne se retrouvaient pas dans le FN parce que Marine Le Pen n'avait pas rompu clairement avec son père et parce qu'elle se fourvoyait dans un combat contre l'Europe, alors que ces personnes pensaient justement que le problème de l'immigration de masse ne peut être réglé qu'à ce niveau ;
8. De ce point de vue, le NON pouvait s'adresser au Bloc identitaire car il n'a jamais prôné la sortie de la zone euro et qu'il a toujours considéré que le combat contre le Grand Remplacement était un combat pour la défense de l'identité européenne autant que pour l'identité française ;
9. Mais le Bloc identitaire (BI) ne voulut pas rejoindre le NON car il craignait, dit-il encore aujourd'hui, de "perdre son autonomie". Il s'agit de la position de la direction du BI. Sa base pourrait être favorable à une participation au NON mais elle ne débordera jamais sa direction car celle-ci ne se laissera pas faire et pour d'autres raisons que politiques (c'est en tout cas ma conviction) : en effet, si la politique a ruiné Renaud Camus, elle est un métier lucratif pour les responsables des groupuscules qui ne prendront jamais le risque de se créer une concurrence : ils ne peuvent accepter qu'un partage du gâteau ; même si leur part est minime, l'essentiel pour eux est qu'elle leur soit garantie et personne en leur sein ne pourra remettre en cause, par idéalisme, cette logique alimentaire. Comme on disait au PCF du temps de sa splendeur : "il y a ceux qui mangent pour garder la ligne et ceux qui gardent la ligne pour manger"...
10. Les autres groupuscules indépendants du FN et opposés au GR, qui auraient pu être intéressés par le NON, avaient pour caractéristique d'être anti-européens, comme le FN ; ils étaient donc condamnés à se dissoudre au profit du FN (sauf leurs dirigeants à l'égo sur-dimensionné), surtout maintenant que Marine Le Pen a rompu avec son père ; ils ne pouvaient donc pas servir de base au NON ;
11. Dans ces conditions, il me semble que la confédération du NON, si elle maintenait sa ligne de départ, est condamnée à échouer. Mais cela ne veut pas dire que rien n'est plus possible. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées.
12. Première hypothèse : rallier le BI. Après tout, son programme se différencie peu de celui du P.I. : anti-GR et pro-européen et il semble exclure toute forme de violence, comme le prouvent ses deux actions d'éclat (l'occupation de la mosquée de Poitier et celle des bureaux de la commission européenne avec la mise en avant des dangers pour l'Europe et l'Afrique elle-même de l'immigration de masse). Cependant, ce ralliement me paraît impossible pour la raison que j'ai dites : le BI ne vise pas à devenir un regroupement large mais à rester une petite entreprise ;
13. Deuxième hypothèse : rejoindre le FN maintenant que Marine Le Pen a clairement rompu avec l'héritage pétainiste de son père. Mais le mode de fonctionnement de ce parti l'interdit : il serait impossible de remettre en cause de l'intérieur sa ligne anti-européenne pour deux raisons : d'abord parce que le culte du chef infaillible est dans l'ADN de ce type de parti issu de l'extrême-droite ; ensuite parce que la direction actuelle doit renforcer son pouvoir contre les nostalgiques du lepenisme historique ;
14. Troisième hypothèse, la seule envisageable selon moi : que le NON reste un instrument de propagande anti-GR mais
qu'il attaque la ligne du FN sur la construction européenne, dans le sens que j'ai indiqué plusieurs fois ici : critique virulente de la politique européenne en matière d'immigration mais défense de la construction institutionnelle de l'Europe, sachant que seule une Europe fortement intégrée sera en mesure de défendre son identité propre et celle de ses Etats membres. Autrement dit, c'est le thème de la défense de l'identité européenne qu'il faut mettre au centre du débat aujourd'hui ;
15. J'anticipe les critiques : ce mouvement ne serait qu'intellectuel, idéologique. Certes oui mais qu'ont été le PI et le NON jusqu'à présent ? Renaud Camus n'a pas eu besoin d'une équipe de nombreux militants pour imposer la formule du Grand Remplacement. D'autre part, un livre comme
Soumission de Houellebecq a sans doute fait beaucoup plus pour la cause que ne l'auraient fait quelques centaines ou même quelques milliers de militants (lesquels ne sont jamais venus et ne viendront sans doute jamais dans le NON s'il persistait à suivre sa ligne actuelle, selon moi).
16. Aujourd'hui, les personnes hostiles au GR savent qu'elles peuvent voter FN sans plus se compromettre avec l'anti-sémitisme ; mais la majorité des personnes qui pourraient le faire (i.e. l'ETDP) ne le feront pas parce qu'elles veulent préserver l'acquis de la construction européenne ; c'est à ces personnes qu'il faut s'adresser en attaquant le FN en tant qu'il compromet la dernière chance pour l'Europe et la France d'endiguer le GR.
Pas la force ce soir d'en dire plus mais c'est sans doute déjà trop long...