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Le Grand Fabius et la COP21

Envoyé par Francis Marche 
12 novembre 2015, 12:18   Le Grand Fabius et la COP21
On connaît le petit Fabius pour être un artiste "mana divina" de la frasque. Et le père ? Quel genre d'artiste est-il au fond ? On sait que l'actuelle ministre du Travail, selon une démarche fièrement inconsciente que l'on rencontre souvent chez les éléments représentant la diversité d'importation -- vous savez cette manière d'annoncer, avant même de savoir tout à fait lire, qu'on sera avocat, politicien, homme d'affaires comme si ça leur était dû de toute façon par le Pouvoir, que le pouvoir leur doit le Pouvoir parce ce qu'ils sont ce qu'ils sont --, s'en va sans souci, sans trembler, montrant le bel aplomb conquérant de qui sait ce qu'on lui doit de naissance, affronter les médias télévisuels sans avoir pris la peine de jeter un oeil sur ses dossiers.

Et le Grand Fabius, qu'en est-il au juste, est-il si différent de sa consoeur ? Quelle est sa compétence, non point technique, certes non, nous ne sommes pas sadiques à ce point, mais politique, linguistique, sémantique, dans l'organisation, la conduite, de ce que tout le monde en France appelle sans savoir pourquoi ni comment "la COP 21".

Je crois pouvoir dire que pas un Français sur mille ne comprend ce sigle, COP. C'est la marque du colonisé culturel : il se met en bouche à tous propos des mots dont il ignore le sens et la provenance, et va jusqu'à construire sur eux des discours politiques. Je me suis laissé dire que le nombre de Français qui ignorent le sens de ce sigle était, dans la population, à la mesure, représentatif, de celui des Français qui pensent que les rapports du GIEC sont foutaises et enfumage.

La cause de cela en est simple : ceux de nos compatriotes qui comprennent l'exposé du contenu, des thèses, arguments et préconisations de ces rapports forment une infime minorité parce que ceux-ci sont rédigés, pensés, et construits par des outils linguistiques et conceptuels étrangers, qui logent dans les couches atmosphériques très supérieures de la langue supranationale, et que les traducteurs français ont un mal fou à les rebricoler dans le vernaculaire national.

Il s'ensuit une belle Tour de Babel dont tout le monde en France gravit les hauteurs sur un petit vélo à roues carrées.

On pourrait penser que le Grand Fabius serait l'Anquetil de cette épreuve. La dernière en date de ses conférences de presse (le 10 novembre) sur la pré-COP, hélas fait redouter que non.

COP est le sigle anglais de Conference of the Parties (la conférence des parties à la CCNUCC, soit la Convention-cadre des Nations Unis sur le changement climatique). CoP (avec un "o" minuscule) est donc un sigle qui admet un équivalent français partout utilisé dans les documents de l'ONU : CdP (p. ex. la 10ème Conférence des Parties à la CITES, dite Convention de Washington se transcrit en français par 10ème CdP à la CITES), mais pas pour la conférence sur le climat, que les Français, Quay d'Orsay en tête, s'obstinent à désigner du sigle anglais COP, pour être sûr de mieux soumettre le petit peuple monolingue à la chose opaque à la compréhension de laquelle il est bon qu'il n'ait pas tout à fait accès.

Le Grand Fabius n'a pas froid aux yeux, et ça fait chaud au coeur de le voir se colleter les pentes mortelles des rapports du GIEC (IPPC pour les initiés) directement dans la langue stratosphérique, en enjambant les traducteurs. Le problème : le malheureux n'y entrave couic, ne s'est pas plus préparé à cette Conférence des parties que sa consoeur ministre du Travail à l'interview qui tue. Extraits de sa conférence de presse de mardi dernier, dont la transcription est fournie sur le site officiel de la diplomatie française [www.diplomatie.gouv.fr] :

Mesdames et Messieurs,
(...)
La deuxième avancée que j’ai constatée dans les différents groupes de travail qui se sont réunis, c’est le principe de ce que l’on appelle en anglais « No bad tracking » c’est-à-dire pas de recul pour tous les pays et, au contraire, il faut qu’il y ait une progression des engagements pour tous les pays. C’est évidemment quelque chose de très important.

Il n'y a rien, jamais, qui ait été désigné en anglais par l'expression "no bad tracking", qui ne veut rien dire du tout et qui n'existe pas. Et ce n'est qu'en lisant ce qu'il dit ensuite que l'on comprend que le malheureux n'entend pas l'anglais de base. Le terme anglais qui désigne "pas de recul pour tous les pays" est no backtracking bien sûr. On a le droit d'être fatigué et même de ne pas entendre une expression idiomatique de la langue internationale, mais il n'est guère pardonnable que le chef de la Diplomatie française se pique d'ergoter dans un idiome qu'il ne maîtrise pas, et ce quand rien de l'y oblige, étant chez lui à Paris.

(...)

Le troisième élément, c’est sur les objectifs [le voilà à son tour parlant le hollandien-vallsien]. Bien sûr, chacun s’accorde sur l’objectif de 2°C et si possible, 1,5°C, mais il y a eu toute une série de discussions pour une formulation d’un objectif de long terme qui puisse être opérationnel. En anglais, la formulation qui semble avoir un large accord c’est « low emission climate resilient pave way » ce qui pourrait être traduit en français par : une trajectoire d’émissions basses et adaptées au climat, et cela permet de pousser plus loin l’objectif et donc l’ambition.

Alors là je pose mon stylo virtuel et me saisis le menton dans la paume en me plongeant dans un abîme de conjectures:
L'expression anglaise ne peut pas être low emission climate resilient pave way qui est grammaticalement absurde, désarticulée et qui ne véhicule pas l'ombre d'un début de sens. Où diable voit-il une "trajectoire" là-dedans et comment doit se découper cette proposition, où doivent être mis les tirets ("climate-resilient", "low-emission", etc.) ?

Il y a certes l'expression "Low-Emission Development Strategies (LEDS)" (stratégies de développement à faibles émissions de GES); il y a les Low-Emission and Climate-Resilient Development Strategies soit des stratégies de développement à faibles émissions, résilientes aux aléas climatiques, mais que faut-il entendre ici par ce "pave way" ? "Paving the way to" ? soit "préparer le terrain à" ? Qu'a-t-il voulu dire ? La vérité est que le malheureux n'en sait trop rien.

On remarque que même en ignorant ce pave way absurdement placé là en bout d'expression, sa "traduction" est de toute façon fausse : "une trajectoire d’émissions basses et adaptées au climat" se dirait en anglais : "an agenda for low, climate-resilient emissions" ou éventuellement (mais qui serait à déconseiller) : "a low, climate-resilient emission agenda".

Le Grand Fabius ne comprend rien aux discussions qui se tiennent dans son pays dans le cadre d'assises qu'il va présider. Ce serait presque pardonnable. Ce qui ne l'est pas : l'afficher et le faire savoir au monde entier à l'occasion d'une conférence de presse où il se met tout nu de manière aussi calamiteuse alors que rien ne l'y obligeait.

Les colonisés culturels ne connaissent pas la vergogne, c'est même à ça qu'on les reconnaît.
12 novembre 2015, 14:47   Re : Le Grand Fabius et la COP21
On pourrait penser que le Grand Fabius serait l'Anquetil de cette épreuve. La dernière en date de ses conférence de presse (le 10 novembre) sur la pré-COP, hélas fait redouter que non.



Anquetil, cela semble peu probable; dans le meilleur des cas, et avec beaucoup de mansuétude, Pierre Jonquères d' Oriola.
Utilisateur anonyme
12 novembre 2015, 14:52   Re : Le Grand Fabius et la COP21
ceux de nos compatriotes qui comprennent l'exposé du contenu, des thèses, arguments et préconisations de ces rapports forment une infime minorité parce que ceux-ci sont rédigés, pensés, et construits par des outils linguistiques et conceptuels étrangers, qui logent dans les couches atmosphériques très supérieures de la langue supranationale, et que les traducteurs français ont un mal fou à les rebricoler dans le vernaculaire national.


Nous sommes invités à accepter, à reconnaître comme nôtre ce langage-là, tel un "corps préfabriqué" ; le pouvoir méditant d'enfermer l'individu dans un autre lui-même, radicalement autre. Les gens sont absolument libres, notamment d'aller et venir, mais entièrement prisonniers de cette langue technique qu'ils ne comprennent pas - liberté futile d'aller et venir dans les allées du pouvoir, lequel pouvoir ne pouvant donner l'illusion de se maîtriser lui-même qu'en nous dominant par sa langue (entre autre).
Utilisateur anonyme
12 novembre 2015, 16:14   Re : Le Grand Fabius et la COP21
Ce langage technique fétichisé se doit d'être absolument incompréhensible pour les gueux, car c'est de cette incompréhension-là qu'il tire tout son son prestige. Ce baratin, c'est un peu comme la projection de la vie toute entière dans un simulacre d'efficacité, de maîtrise. Ainsi une partie du monde se représente devant le monde, et lui est supérieure.
12 novembre 2015, 16:41   Re : Le Grand Fabius et la COP21
[Heu... c'est IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change).]
Merci Marcel, je ne dois pas être assez initié. Après vingt-cinq ans passés la tête dans ces machins. Mon aversion pour ces sigles demeure incurable.
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