L'Occident benêt ploie logiquement et comme il était prévisible face à cette arme de
dissuation massive qu'est la submersion migratoire. Comme l'arme atomique, son efficacité fait merveille sur le terrain de la dissuasion, son effet étant d'amener les "partenaires" à la table des négociations. On ne s'en sert qu'à doses homéopathiques ou modérées, ou par la menace de s'en servir, ce qui suffit généralement pour convaincre l'adversaire de signer des accords, et de livrer des pans de ses territoires. Les Chinois surent brillamment s'en servir dans les années 1980-90 face aux Britanniques à Hong Kong.
Dans le début des années 1980, les Britanniques, qui gouvernaient et possédaient comme ultime joyau de la Couronne le territoire de Hong Kong, rechignaient encore engager des négociations avec la Chine communiste en vue de sa rétrocession, qu'ils envisageaient d'opérer "par morceaux successifs", c'était l'époque du premier gouvernement Thatcher, fort de ses succès aux Malouines. La Chine communiste usa alors de cette arme terrible, et lâcha sur Hong Kong de ses "réfugiés", fuyards, détenus élargis de ses camps, chercheurs d'aventures, brigands, crève-la-faim, trimardeurs et autres trancheurs de gorges par milliers que les Britanniques se virent contraints d'accueillir, car il n'existait aucun accord avec la Chine qui eût permis un renvoi de ces personnes dans leur pays d'origine. Hong Kong fut très vite à la peine, subissant tous les problèmes sociaux que l'on imagine aisément (crise du logement, sécurité, etc.), et ce dans un contexte régional où le territoire était déjà confronté à un afflux toujours croissant de "boat people" indochinois, lesquels, on l'aura compris, dans cette configuration de pressions migratoires aux foyers régionaux multiples, étaient équivalents à nos naufragés volontaires de Libye, les Britanniques à Hong Kong se trouvant alors placés, comme les Européens aujourd'hui (entre Afrique et Proche-Orient),
dans un tir migratoire croisé. La Chine frappa donc Hong Kong de cette arme qui lui est de prédilection dans un moment de crise migratoire indochinoise qui avait obligé les Britanniques à installer une dizaine de camps d'accueil et de détention de réfugiés indochinois sur le sol de ce territoire, avec la charge humanitaire que cela représente.
Très vite, la Dame de Fer
canna, alla à Canossa et les négociations sur la rétrocession de ce fameux "dernier joyau de la Couronne" purent être entamées (en 1985) dans des conditions favorables pour la Chine de Deng.
La Turquie vient de réussir avec l'UE le même coup que la Chine avec les Britanniques en 1985.
Si ces derniers envisagent aujourd'hui sérieusement un Brexit, ne vous demandez plus pourquoi.
Un mot de morale politique à cette lamentable histoire : la perte de Hong Kong par les Britanniques fut une triste affaire certes, mais le Royaume Uni se conservait lui-même, son coeur et son corps territorial européens demeuraient intacts : tandis qu'avec la Turquie, ce n'est pas une lointaine colonie que l'UE est en train de livrer, ce n'est pas Tahiti ou les Kerguelen, mais la totalité d'elle-même qu'elle jette dans la balance de la négociation.