Le violeur-victime
C'est curieux, et un rien dérangeant, la manière dont l'actualité du jour, celle de ces viols en Allemagne dont ont pu être victimes de braves acceuillantes de migrants, qui manifestaient leur chaleur humaine dans les gares d'arrivée il y a trois mois à peine en souhaitant la bienvenue à ces hommes, me rappelle ma jeunesse montpellieraine. Montpellier était la capitale estudiantine, dans la première moitié des années 70, de tout ce qui avait raté le coche de mai 68. Montpellier vivait donc une espèce de Mai 68 permanent, avec quatre ans de retard, comme le permettait encore cet âge précoce des temps post-modernes où les émeutes parisiennes connaissaient leurs répecussions provinciales (Larzac, etc.) presque cinq ans plus tard.
Dans ces temps reculés, les "sans-papiers" existaient déjà, qui se plaisaient à occuper les églises, souvent protestantes (dans les contreforts des Cévennes, c'était un peu normal) se mettant en fausses grèves de la faim pour de symboliques "cartes de séjour". Il y avait des meneurs locaux, presque tous trotskystes, qui firent carrière ensuite dans l'appareil PS de George Frêche. Certains maoïstes, qui se débandèrent bientôt, rejetés par le PS. Et il y avait nos petites gauchistes merveilleusement intentionnées, "tigresses de la charité" (Koestler), d'une vivacité et d'un dévouement démesurés pour leurs sans-papiers arabes.
L'une d'elle était professeur d'espagnol à l'université Paul Valéry. Toutes ces pétulantes pétroleuses, ardentes, le mors aux dents 24 heures sur 24, de tous les combats pour leurs vénérés héros d'outre-méditerranée auraient tout donné, enfin presque. Ce presque, il arriva à la professeur d'espagnol que l'un le prit, goulument, d'autorité. Le viol fut "assumé" par l'un et l'autre des protagonistes, l'autre qui en profita pour crécher ad vitam aeternam chez la bonne pomme qui s'était sacrifiée à quelque cause, on ne saura jamais laquelle pour de bon. Je revois le bonhomme sur le lit de la pauvre femme (à l'époque, la chambre à coucher des uns et des autres servait de salon à tous), tenant la place, conquérant, ennuyé de n'avoir personne d'autre que
ça sous la main à se violer un bon coup et repartir d'un bon pied, lui-même, dans l'affaire, un peu piégé. Et la pauvre bonne petite pomme, défaite, acquise, flouée avant l'âge.
Niquée bien profond, politiquement, sexuellement, existentiellement et à tout jamais.