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Une conversation avec M. Paul Verlaine

Envoyé par Francis Marche 
Ainsi commence cet article, paru dans le Figaro du 4 février 1891 :

J'ai eu, hier, l'occasion de voir Paul Verlaine à l'hôpital où le poète a pris ses quartiers d'hiver. Chargé, par un ami commun, de m'informer de l'état de sa santé, je comptais m'acquitter simplement de cette modeste mission, lorsque le hasard, hasard facile à prévoir, d'ailleurs, amena la conversation sur la littérature contemporaine. Désireux d'obtenir enfin les éclaircissements que, depuis longtemps, je recherchais sur les tendances littéraires des décadents et des symbolistes, j'interrogeais Verlaine sur les espérances de ces conspirateurs des lettres..

Multiplication, prolifération même, des incises, des virgules, qui confèrent à la phrase toute sa nécessaire ampleur et son souffle. Cela n'existe plus de nos jours, n'est plus possible. Plus personne n'ose. Comme si chacun, à s'y risquer craindrait trop qu'on lui coupe le sifflet à mi-phrase. On prèfère faire mastoc, amphigourique, autorisé, ou bien on fait dans le style faussement parlé, donc télégraphique, elliptique et abscons, faussement téléphoné, cousin germain du je-me-comprends, à trois mots par phrase, plus sûr moyen de ne pas se faire couper la parole. Etre coupant pour ne pas se faire couper, tel est le régime du français post-moderne, tout dérivé de la presse radio-télévisuelle et influencé par elle, la presse au sens de l'homme pressé.

Lisez à haute voix (même intérieure) les trois phrases du paragraphe cité, et vous vous surprendrez à parler comme ces anciennes voix radiophoniques des années 40, avec allant, sur un ton tressautant, dans une diction nasalisée, et en hâchant les syllabes dans le souci généreux de se faire entendre, aux antipodes de la bouillie verbale, opaque et bourrue (bourrue aussi comme on le dit d'un vin à robe troublée), où nous pataugeons tous.

L'interdit, le tabou qui pèse sur l'incise, et la proposition incidente, participe au mal-vivre français, fils caché, comme est caché un vice, de son père putatif, putassier aussi, et incestueux au possible --- le défaut de savoir-vivre.
Utilisateur anonyme
09 janvier 2016, 15:10   Re : Une conversation avec M. Paul Verlaine
Et ça n'est que dans ses "zones d'ombres" que le langage peut recéler quelque vérité qui ne soit pas encore souillée par la doxa, par cette pensée commune dont le langage est l'arme la plus puissante. Le langage n'est plus un allié, puisqu'il est responsable de cette métaphysique de comptoir, métaphysique de la vie qui a son jargon, et qu'employer ce jargon c'est collaborer avec l'ennemi, c'est se priver de lucidité comme de liberté.
Je comprends que d'aucuns haïssent le langage tel qu'il nous est donné parce qu'il est déjà, toujours, pollué par autrui.
A l'opposé, il y a Paradis de Sollers. Un livre écrit sans virgule ni point. Un chef d’œuvre audiophonique aussi, puisqu'il a été écrit, non pour être lu, mais pour être dit. Fort heureusement, Sollers s'est arrêté au premier panneau de son superbe triptyque: le jardin des délices de la littérature française.
Le livre n'est pas à acheter, c'est la cassette en dioxyde de chrome qu'il faut, aux puces, chiner (mais je sais que vous aimez beaucoup la chine).

Paradis a toujours été écrit pour être dit.
Ce qui veut dire qu’au moment même où je l’écrivais, je le vivais, je n’arrêtais pas de le psalmodier, de le chantonner, de le chuchoter. Je continue. L’enregistrement effectué par Michel Gheude et Philippe Berling les 11, 12, 13, 14 et 15 mars 1980, à Paris, est donc la réalisation concrète de mon intention la plus profonde. Il s’agit pour moi de laisser se développer et s’épanouir, dans toutes leurs dimensions, les coïncidences entre le trait et la voix, le geste et l’intonation à l’intérieur même des phrases. Le projet est de raconter le point où en est arrivée l’espèce humaine.
C’est le roman moderne dans la mesure où celui qui vit les aventures d’aujourd’hui est en direct avec tout, sans cesse.
Vous écoutez ici le volume 1 de Paradis. L’ensemble devrait tenir en trois volumes. Si j’en ai le temps et la force.
Je dédie cet enregistrement à Alban Berg, héros de la dramaturgie de notre temps.
Je remercie Michel Gheude et Philippe Berling de leur écoute au moment où la chose s’est faite. Et, en somme, de leur folie qui correspond à la mienne.


A bon entendeur, salut.
Philippe Sollers


Le projet est de raconter le point où en est arrivée l’espèce humaine.

Et modeste avec ça. Et sachant contenir ses ambitions. C'est bien.

La Chine est ma seconde patrie en effet, puisqu’elle partage avec la France ce trait assez rare d’être un pays que j’aime et qui ne m’aime pas. Ce doit être à cela qu’on reconnaît sa ou ses patries véritables : les pays qui de les aimer vous conduisent au désespoir.
Utilisateur anonyme
09 janvier 2016, 19:13   Re : Une conversation avec M. Paul Verlaine
Sollers ?... C'est qui ? C'est bien l'type qu'adorent les Inrocks ? Celui qui a signé une pétition contre Renaud Camus ? C'est l'pote de BHL qui dénonce la méchante "Société du spectacle" sur tous les plateaux TV ? C'est lui ???...
c'est bien luuui
Moi je le trouve quand même un peu lambinard, votre type.
Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Paf ! d'une traite, sans respiration. On comprend mieux pourquoi Verlaine lui a tiré dessus, il en avait marre d'être distancé, il voulait ralentir l'énergumène.
Alain, c'est en faisant des phrases comme ça qu'on finit par mourir de langueur une gangrène au genou, dans un hôpital douteux de Marseille. Respirez le grand air bon sang... allez ! virgule, incise, virgule, incidente, une, deux, une, deux, du rythme ! de la souplesse dans les mouvements et les articulations ! Et que ça saute ! Si vous ne voulez tout de même pas finir looser dans les moiteurs d'Aden à vous morfondre en écrivant des missives de petit comptable souffreteux à votre soeur esseulée qui sera la seule à vous accueillir à votre retour (votre chien ne vous reconnaîtra pas). Non ? Bon ! Alors ! La virgule dans le discours est une petite femme qui s'affaire avec nulle autre raison d'être que celle de donner à vos éjaculations, verbales, toute leur ardeur virile (comme disait je ne sais plus qui).
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