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Annulation de la lecture.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
03 mars 2016, 11:42   Annulation de la lecture.
Comme l'étrange impression, en lisant Hegel (énième tentative...), que la philosophie, sa philosophie, ne demande pas à être lue, en ce sens qu'elle serait le discours cherchant à se lire déjà lui-même, et donc à rendre la lecture inutile. Le système hégélien serait une vaste entreprise d'autolecture, de pré-incorporation de toute lecture possible dans son écriture même, et donc d'annulation de la lecture.

Qu'en pensent les forumeurs ?
03 mars 2016, 11:55   Re : Annulation de la lecture.
Plaît-il ?
Il est un peu "challenging" d'avancer une réponse à ce niveau (celui de la "ennième tentative") sur la philosophie de Hegel, comme ça, de but en blanc, par une claire matinée venteuse d'avant-printemps, à deux heures à peine du réveil.

Je suis sûr, absolument certain que Luc Ferry, lui, le pourrait, qui a le charme de savoir vous expliquer à peu près tout sur tout ce qui touche à la philosophie "pour élève de classe terminale". Il a produit un volume de vulgarisation (Lucifer vulgarise à mort tout ce qu'il touche, c'est confondant), sur Hegel, que je n'ai pas lu, m'étant contenté de celui qu'il a commis sur Heidegger dans la même collection.

Cela dit, oui, parfaitement, c'est aussi, de manière très furtive mais itérante, le sentiment ou l'impression, qui traverse un coin de mon esprit (peuchère !) quand il se trouve aux prises "pour la ennième fois" avec le monstre.

Cela dit, c'est bien connu, à chacun son Hegel, comme je m'attends à le lire dans le volume de Ferry sur le philosophe.
Pareil.
La philosophie hégélienne, c'est via l'ospf que je la pratique (Open Shortest Path First).
De toute façon, pour comprendre Hegel, il faut d'abord comprendre ce qu'est l'Allemagne. Ensuite, il faut comprendre ce qu'est le protestantisme. Il faut être passé par Stuttgart. Puis, il faut avoir tout compris. Après quoi, on se met à Hegel. Ça, c'est au dessus de mes forces.
Utilisateur anonyme
03 mars 2016, 12:24   Re : Annulation de la lecture.
Cela dit, oui, parfaitement, c'est aussi, de manière très furtive mais itérante, le sentiment ou l'impression, qui traverse un coin de mon esprit (peuchère !) quand il se trouve aux prises "pour la ennième fois" avec le monstre.
////

Mais alors qu'est-ce qui fait qu'on ne peut s'empêcher d'y revenir ?... Et qu'est-ce qui fait que "moi perso" je préfère lire les grands lecteurs de Hegel (Kojève par ex.) ? Alors que lire Hegel...


Merci pour ce message anyway, Francis.
Parce que "les grands lecteurs de Hegel" (Kojève, etc.) vous livrent leur Hegel. Il existe de longs développements sur la question "Hegel-de-Kojève" sur ce forum. Hegel produisit sa philosophie de l'histoire, ses premiers cours sur la question après Waterloo, et sa pensée fut saisie par la volonté d'une renaissance germanique, puis, dans la plus pure continuité de cela, européenne (ou euro-germanique) avec Kojève et le rôle philosophico-politique de ce professeur dans l'émergence de l'Europe politique telle que nous la connaissons. C'est là une filière Hegel; concurrente à celle-là il y a bien sûr la filière marxiste puis soviétique, avatar de puissance continentale rivale de l'Europe de Kojève.

Quoi qu'il en soit, la naissance de l'hégelianisme, c'est Waterloo, la fin de la France. Mais cette philosophie demeure forte d'un mystère, ou d'un questionnement : que fût-elle devenue, et qu'elle est-elle au juste, hors les hégélianismes politiques qui s'affrontèrent et rivalisèrent par la suite ? Si je reviens aux oeuvres de Hegel, c'est à cause de ce mystère. Il est possible qu'il en soit de même pour vous.

Développements sur Hegel et Kojève, avril 2014 : [www.in-nocence.org]
Oh, vous savez, c'est n'est pas que la lecture qui devient inutile et s'annule au gré de l'écriture et de la réalisation de l'histoire, ces sont les peuples aussi, et c'est à se demander si, au vu de la déliquescence des singularités nationales à quoi nous assistons, le principe et la fin des peuples ne soient déjà derrière nous, voilà donc qui en réjouira quelques-uns...

« Les esprits des peuples sont les chaînons dans le processus par lequel l'Esprit parvient à la libre connaissance de lui-même. Les peuples sont des existences pour soi (nous n'avons pas affaire ici à l'Esprit en soi) et en tant que tels ils mènent une existence naturelle. Ils sont des nations et dans cette mesure leur principe est naturel. Puisque les principes sont distincts, les peuples aussi sont distincts naturellement. Chaque peuple a son principe propre et il tend vers lui comme s'il constituait la fin de son être : une fois cette fin atteinte, ils n'ont plus rien à faire dans le monde. » (La Raison dans l'histoire)
Utilisateur anonyme
03 mars 2016, 14:10   Re : Annulation de la lecture.
Si je reviens aux oeuvres de Hegel, c'est à cause de ce mystère. Il est possible qu'il en soit de même pour vous.


Très certainement.


Peut-être aussi parce qu'à chaque fois une opposition surgit, qu'il s'agit de surmonter ; un dépassement s'accomplit alors, mais il ouvre aussitôt de nouveaux problèmes qu'il va falloir réduire à leur tour - et voilà le mouvement dialectique relancé. S'il y avait un moment de fusion et d'accomplissement, l'histoire s'arrêterait... S'il n'y a pas fusion, la positivité subsiste, et le conflit entre le particulier et l'universel continue. Peut-être est-ce cette dimension d'incomplétude, ce devenir inadéquat, qui nous attire autant (?)... Peut-être aussi parce que chez Hegel, comme chez Hölderlin (je me risque au rapprochement), il y a comme la recherche de ce que j'appellerai une "nouvelle fondation du monde", ce qui là aussi ne laisse pas d'être fascinant. Hölderlin écrit dans une lettre (je cite de mémoire) que la présence d'un homme de tête comme Hegel le rassure, qu'elle l'affermit dans sa réflexion, et qu'il a besoin de la réflexion froide du "vieil homme" Hegel.


J'avoue que c'est en m'obstinant à lire (à essayer de lire) Hegel que j'ai compris à quel point la compréhension est toujours à la fois ascendante et descendante, analytique et synthétique, progressive et régressive. Mais est-ce que les choses obéissent à cette loi du concept ? Voilà, il me semble, tout le problème de la vérité de l'hégélianisme.



Développements sur Hegel et Kojève, avril 2014 : [www.in-nocence.org] : un grand moment !, merci.
Utilisateur anonyme
03 mars 2016, 14:55   Re : Annulation de la lecture.
Citation
Alain Eytan
Oh, vous savez, c'est n'est pas que la lecture qui devient inutile et s'annule au gré de l'écriture et de la réalisation de l'histoire, ces sont les peuples aussi, et c'est à se demander si, au vu de la déliquescence des singularités nationales à quoi nous assistons, le principe et la fin des peuples ne soient déjà derrière nous, voilà donc qui en réjouira quelques-uns...

« Les esprits des peuples sont les chaînons dans le processus par lequel l'Esprit parvient à la libre connaissance de lui-même. Les peuples sont des existences pour soi (nous n'avons pas affaire ici à l'Esprit en soi) et en tant que tels ils mènent une existence naturelle. Ils sont des nations et dans cette mesure leur principe est naturel. Puisque les principes sont distincts, les peuples aussi sont distincts naturellement. Chaque peuple a son principe propre et il tend vers lui comme s'il constituait la fin de son être : une fois cette fin atteinte, ils n'ont plus rien à faire dans le monde. » (La Raison dans l'histoire)

Oui Alain... Une petite note d'espoir cependant : Hegel n'affirme-t-il pas que tout être libre doit avoir quelque endroit dans le monde pour lequel il soit prêt à lutter jusqu'à la mort (sorte d'impératif territorial qui ressort à l'évidence de nombreuses conduites animales) ? Mais ce qui intéresse Hegel, me semble-t-il, c'est la contradiction qui hante cette possessivité territoriale... le fait qu'aucune partie de la terre ne peut appartenir exclusivement à personne étant précisément ce qui est mis en évidence par la mort du propriétaire putatif. Et pourtant la vie de tout homme libre dépend de son pouvoir de faire un usage illimité (donc exclusif) de quelque partie du monde. Après ça allez comprendre quelque chose à la philosophie hégélienne...
(sorte d'impératif territorial qui ressort à l'évidence de nombreuse conduites animales)

Sauf que, comme j'ai l'habitude de le dire, l'homme a un territoire, la femme a un territoireaffectif. Faudrait peut-être voir à ne pas oublier la moitié de l'humanité en chemin.
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