Oui, Bruno Chaouat, la pulsion économique révèle en ce moment, ses lois, qui sont celles du caprice, prévisible en son principe (
systémique), donc, mais imprévisible quant au temps de son occurrence. A l'automne, il pleut, mais allez savoir quand, allez savoir où et avec quelle force. Les hommes adorent cela: qu'il pleuve en automne mais qu'on ne puisse dire quand; en cette incertitude tient tout le charme du capitalisme, l'attrait illusoire qu'exerce l'incertitude systémique des affaires humaines qui d'une part rend la spéculation si excitante et d'autre part rend l'acquis, le capital, chose arrêtée, si précieux, si symboliquement désirable en son concentré de certitude offert en récompense au gagnant du jeu.
Ce qui serait intéressant d'explorer: le "end result" à somme nulle entre socialisme d'Etat et ultra-libéralisme, s'agissant du destin du capital nationalisé, qui, en régime libéral ou ultra-libéral se trouve resécurisé en bout de chaîne, attaché comme un chien ou une chèvre au piquet de l'Etat, quelles qu'aient pu être ses pérégrinations folles jusque là. L'ultra-libéralisme se voit au fond, au bout de l'affaire, au terme de huit, dix ans de spéculation fébrile, hâve et défait, contraint à rentrer chez maman se faire donner un bon repas chaud et recoudre ses boutons, comme un chenapan sans suite dans les idées rentre de sa fugue se faire re-nourrir chez les parents, pas fier, un peu grondé, mais pardonné quand même.
Allons plus loin: puisque somme nulle, parfaite équivalence dernière il y a, l'ultra libéralisme, sous ses dehors d'enfant terrible, se révèle cette semaine n'être guère autre chose qu'une
sockpuppet de l'Etat, de la collectivité. Les
sockpuppets: marionnettes faite d'une chaussette, qu'aujourd'hui l'Etat doit rapiécer. Le capital devenu marteau, devenu marteau sans maître, ou marionnette sans maître, devenu libre de ses mouvement, en Pinocchio désobéissant, condamne les meilleurs esprits du pays à la réparation de ses dégâts, eux qui n'avait rien fait pour le réguler, l'avait laissé grandir libre, s'étaient tout ce temps comporté en rois fainéants. L'Etat ainsi ramasse le capital en bout de course et le trouvant brisé, recolle ses morceaux, quand en régime socialo-viril, le capital naissait de lui et était lancé et corrigé par lui, son
tuteur. Féminisation de la politique, désertion des maîtres et des mâles (plus d'homme d'Etat qui impose une réglementation ou décide une nationalisation d'autorité, quitte à se tromper, quitte à ne pas échapper au reproche de le faire avec caprice, y compris caprice idéologique), et voilà sa Majesté le Bébé qui casse tout et nos faux-chefs et cheffes libéraux qui font semblant de se mettre en colère contre sa Majesté en courant en tous sens pour ramasser ses crottes comme le feraient de petites bonnes. Sarkozy court comme une petite bonne, sa petite pelle à la main, catastrophée par les crottes de chiens laissées sur le tapis quand la bête qu'il avait souhaité voir aller libre s'est vidée, lâchée en des formes tout à fait prévisibles.
C'est en Europe à une femme, Margaret Thatcher, que l'on doit l'immense crédit idéologique du libéralisme économique et financier relancé dans le dernier quart du siècle dernier. Margaret Thatcher, mère qui fut abonnée à l'éternel retour de son affreux fils prodigue, qui du Paris-Dakar où régulièrement, tous les ans, il fallait aller le récuper en hélicoptère parce qu'il s'était perdu ou avait cassé son matériel, ou dans des affaires de trafic d'armes ou de diamant en Afrique, ou de diplomatie souterraine où il causait un immense embarras à son pays. Fiston revenait toujous dans le giron maternel, était pardonné... et repartait à l'aventure les poches remplies. Très libre ce garçon, au bout de son élastique distendue qui le rattachait à Maman. Sockpuppet de sa mère. Bouffon de sa mère. C'est cette femme, fonctionnant ainsi avec son fils, qui conçut (avec d'autres) l'idée du
big bang boursier dans les années 80 et de la licence donnée aux banques de spéculer
on the wild side. Il conviendrait de s'en souvenir.
Curieusement j'ai pensé à Jean-François Lyotard moi aussi il y a quelques jours. Je me suis souvenu que lorsque parut l'Economie libidinale, le philosophe François Châtelet avait déclaré : "Lyotard est le plus doué des philosophes de
la France de demain". Puissent ces quelques réflexions jetées avec vous lui rendre hommage.