Je suis plutôt d'accord en ce qui concerne ce communiqué avec Pascal Ottavi. L'affaire semble bien embrouillée. Attendons d'en savoir un peu plus. D'autre part, à lire certains lecteurs du Figaro, les habitants de cette cité d'Ajaccio, dont la présidente de l'association du quartier en cause, se plaignaient depuis longtemps du bruit infernal que faisaient les "jeunes" et de leur insolence. Peut-on reprocher à quelqu'un qui est dans la souffrance permanente de perdre le contrôle de lui-même, de réagir à chaud sans discernement ? Qu'y a t-il de commun entre la belle âme ou le sociologue qui dans son logis paisible et feutré disserte doctement sur les dangers de la généralisation, sur son aspect raciste, avec celui qui souffre dans sa vie de tous les jours du comportement de certains individus ? Celui-ci a-t-il le temps, ou simplement la disposition d'esprit, de prendre du recul, de faire la part des choses, de se dire, arrivé le moment de la nuisance de trop, où il n'en peut plus : attention, généraliser a des relents racistes ! quand les jeunes qui le font souffrir appartiennent tous à la même communauté ethnico-religieuse ? Pourquoi ne pas lui demander de se réciter comme un mantra un cours de sociologie sur la richesse du multiculturalisme, pendant qu'on y est ! Non : il va au plus simple, au plus pressé et lâche à bout de nerfs, tout à trac ; "sales ceci ou sales cela !". Qui n'a entendu, telle personne habituellement exquise de politesse, crier à quelqu'un dont elle ne pense ordinairement que du bien, qui lui referme violemment sans le faire exprès la porte sur les doigts : Ah, le c...n ! Pour autant faut-il reprocher à cette personne un acquiescement existentiel à l'injure grossière ? Evidemment non. Pas plus que d'être foncièrement raciste à mon injurieur évoqué plus haut.
Je constate, en tous cas, que les "jeunes " interrogés à Ajaccio n'ont pas le style rapeur, qu'ils se sont exprimés correctement, sans l'intonation aboyante de rigueur en banlieue continentale mais plutôt avec un léger accent corse, qu'ils montraient profil bas et que leurs congénères n'ont pas brûlé de voitures ni déclenché d'émeutes en réponse à cette fusillade à plombs qui, je le rappelle, n'a tué ni blessé gravement personne ( le jeune qui a eu l'oeil atteint semble avoir moins de risque de le perdre que mon fils qui l'a perdu pour une pierre lancée contre lui). Il faudra bien que l'on cesse de faire l'autruche et si déplaisant que cela puisse paraître admettre que l'attitude intraitable des Corses explique sans doute ce calme. C'est, parfois, aux peuples à défendre leur identité sans attendre l' intervention de l'état, que celui-ci ait démissionné ou qu'il ne soit pas à même de se rendre compte de la gravité d'une situation que le peuple, menacé dans son quotidien d'agression identitaire, flaire avec une sorte de sixième sens. La stratégie archaïque, immémoriale, qui a fait ses preuves n'a pas changé : de la courtoisie mais imperceptiblement dominatrice pour décourager tout manquement à la norme identitaire, une façon de rappeler fermement à l'ordre le moindre de ces manquements, une intimidation préventive au besoin de routine et, toujours, rendre coup pour coup jusqu'à ce que celui qui est perçu comme un envahisseur déstabilisant finisse par avoir donné suffisamment de gages de respect pour être accepté,
c'est-à-dire rien d'autre, au fond, en moins rude, que ce que fait exactement sur le continent le peuple ... accueilli contre le peuple d'accueil . Cette stratégie est encore plus nécessaire quand l'envahisseur adhère à une culture de la force. Dans ce cas tendre l'autre joue, loin de le désarmer renforce sa détermination. Je sais que beaucoup vont dire que notre civilisation perdrait son âme à laisser agir certains de ses membres de la sorte. Pourtant c'est simplement la logique du contre-poison ou du contre-feu qui fait la part de ce qu'il faut sacrifier pour sauver l'essentiel. On ne peut pas faire indéfiniment l'économie d'une reflexion sur la contre-violence. Comme le dit Finkielkraut, ne pas vouloir se salir les mains équivaut, dans certains cas, à ne pas avoir de mains du tout. Il faut sans doute que le dernier mot revienne à la civilisation "civilisée" et que l'état punisse selon la loi ceux qui seraient allés trop loin dans cette stratégie de survie. Reste que le coup de semonce aura été donné et ne sera pas perdu. C'est ce que font les Corses depuis trente ans avec un certain succès ( mais il est à craindre que la situation ne soit en train de changer en raison de la véritable submersion de la région par l'immigraton venue du Maroc, preuve, d'ailleurs, que les immigrés issus de ce pays se trouvent bien dans ce coin de Fance).
Dans mon petit village de l'île de beauté, habite depuis trente ans un de ces immigrés dont les enfants sont parfaitement intégrés parce que ni eux ni leurs parents n'ont engendré le moindre désordre. Une autre famille d'origine maghrèbine s'est installée il y a une dizaine d'années, et tout ce monde vit en bonne intelligence, comme partout en France quand le nombre d'étrangers ne dépasse pas un certain seuil, le fameux, si bien nommé jadis, par le chef même, pourtant, des immigrationnistes de l'époque : "seuil de tolérance", lequel ne dépend pas seulement du nombre mais du comportement des étrangers en question.
A Graveson, près de Saint-Rémy-de-Provence, ma fille a pour voisine et amie une Maghrèbine strictement entchadorisée. J'ai pu remarquer en allant chercher ma petite fille à l'école que lorsque cette Maghrèbine est seule à attendre ses enfants, les mères "de souche" vont volontiers vers elle et engagent la conversation. En revanche quand il lui arrive d'être en compagnie de deux autres femmes en chasuble et tchador comme elle, plus personne ne s'approche du groupe qu'elles forment. La bienveillance laisse alors la place à une méfiance dictée par un instinct de conservation qui s'ignore.
(Corto, inutile de vous fatiguer, je sais à l'avance ce que vous allez dire !)