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Entre les murs : Bégaudeau au pays de Candy

Envoyé par Gérard Rogemi 
En déambulant sur le site de Marianne je viens de tomber sur l'article suivant:

Entre les murs: Bégaudeau au pays de Candy

Dans Entre les murs de Laurent Cantet, un « prof-courage » tente d'écouter ses élèves incompris. Dans le quartier où a été tourné le film, la moitié des enseignants demandent leur mutation, les bobos fuient l'établissement et la violence déstabilise le cadre pédagogique.


« Le collège Dolto, le but du jeu dans le quartier, c'est d'éviter d'y envoyer ses gamins ! », explique un ancien instituteur d'une école voisine. En regardant Entre les murs, pourtant, quel parent ne serait pas ravi de confier au bienveillant professeur Marin (interprété par François Bégaudeau, l'auteur du livre dont est tiré le film) ses enfants agités ?

Palme d'Or, coup médiatique et « débat de société », le film de Laurent Cantet sorti mercredi 24 septembre (journée de Lutte contre l'échec scolaire) prétend dresser le portrait réaliste d'un établissement en Zone d'éducation prioritaire (ZEP) et du courage des enseignants face au découragement des élèves. Mais lorsqu'on écoute les profs et les instits du quartier, dont certains ont eu dans leur classe des jeunes élèves-apprentis comédiens du film, on se dit qu'Entre les murs, film à l'épaisse couche de bons sentiments, aurait surtout fait un bon dessin animé pour enfants.

Un recrutement qui favorise les vocations
Jeunes, motivés, avec une forte propension à l'abnégation : si d'après les enseignants du quartier, le portrait des profs du collège Dolto est assez fidèle sur ces points, il manque cependant un morceau du puzzle. « Il y a un mode de sélection spécifique pour ce type de ZEP, explique un ancien enseignant du quartier. Ils favorisent les profs avec peu d'expérience et qui ont une forte vocation. Mais ça ne résiste pas à la pression : au moment où le collège a été mis en travaux, la moitié des enseignants ont fait valoir leurs droits pour être réaffectés dans les arrondissements voisins. »

Devant la caméra de Laurent Cantet, les profs plient, crient, geignent mais ne craquent jamais. Dans la réalité, ils doivent affronter « la loi de la jungle » dans les couloirs et « un sous effectif critique de surveillants » dans la cour, comme le raconte une ex-inst de CM2 à l'école Ramponneau voisine. « La population est très peu mixée, les bobos fuient Dolto, explique-t-elle. Heureusement, l'équipe est dynamique et ils bénéficient de classes de 25 élèves. »

Autocensure des profs
Dans Entre les murs, la violence est permanente mais principalement verbale, à quelques bousculades près. « J'ai vu des bagarres d'une violence terrible entre élèves, se souvient un ancien enseignant du quartier. Les profs devaient souvent s'interposer, prenaient des coups. » Même dans les classes de CM2, l'ambiance n'est pas brillante : « j'avais pris deux jours de formation, se souvient un ex-instituteur d'une des écoles primaires rattachées au collège Dolto. Au bout d'une journée et demie, ma remplaçante m'a appelé : elle s'était fait insulter, menacer, les élèves partaient de son cours... et les collègues n'avaient rien trouvé à redire ! »

Sur l'écran, François Marin, prof de français, interrompt sans cesse son cours pour permettre à ses élèves incompris de s'épancher. Lorsqu'il s'égare, s'énerve, renverse une chaise, c'est pour se reprendre immédiatement et revenir à sa noble vocation de professeur. L'autorité disparaît en même temps que la plus petite parcelle d'enseignement, ne laissant que le prof sauveteur et les enfants victimes. « Beaucoup d'instit ont la vocation et ne disent pas leurs problèmes car ils ne veulent pas stigmatiser les enfants », résume un ancien instit du quartier. « Qu'ils restent dans leur merde ! », craque un des vrais enseignant jouant son rôle dans le film. Au bout de deux heures de huis-clos carcéral, profs et élèves restent chacun dans la leur.

Jeudi 25 Septembre 2008 - 08:12
Sylvain Lapoix
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