Dans la dernière entrée de son
Journal, Renaud Camus écrit :
« Ces histoires de harcèlement du harcèlement deviennent absolument ridicules, et vont finir par menacer gravement, si ce n’est déjà fait, les rapports entre les hommes et les femmes, et même entre toutes les parties au rapport sexuel, ou social en général. Le message du jeune homme était gentil, charmant, poli, avec un je ne sais quoi de délicieusement “français” (jusqu’en les fautes d’orthographe, hélas, peut-être dues, il est vrai, au clavier téléphonique). Pas la moindre trace de “harcèlement”, là-dedans — et j’ai donc eu bien tort d’écrire plus haut, par facilité, “harcèlement du harcèlement” : c’est harcèlement
de la drague, qu’il fallait dire, du désir, du clin d’œil, de la courtoisie ; autant dire de la civilisation.»
Voilà comment se comportent les femmes d'aujourd'hui, avec les hommes blancs. Pas toutes, évidemment, mais celles — et elles sont très nombreuses, surtout chez les plus jeunes — qui sont à la pointe de l'avancée sociale et, de ce fait, incarnent le féminisme dans ses développements les plus récents.
Evidemment, si le dragueur en question avait été un Remplaçant, ça ne se serait pas passé comme ça : il ne se serait pas exprimé ainsi, pour commencer, et d'ailleurs il l'aurait probablement traité de pute en prenant un air mauvais. Notre jeune femme, toute féministe qu'elle est, aurait baissé les yeux, légitimement apeurée, et n'aurait pas fait tant d'histoires.
Comme l'écrivain, je trouve cet épisode extrêmement significatif : il y a là un beau concentré de sens.
Que comprend-t-on ? Qu'il y a, au sommet de la hiérarchie sexuelle, et donc sociale, le Remplaçant, lequel harcèle presque impunément qui il souhaite, hommes et femmes confondus. Juste en dessous vient la Femme, qui harcèle tout homme qui ne se montre pas ferme voire menaçant à son endroit. Autant dire que le gentil petit Français castré à qui l'on a enseigné qu'il fallait être gentil avec la Femme, tombe de haut et n'en revient pas de trouver, en lieu et place de la Déesse tant vantée, le Démon en personne. Il est, on l'aura compris, tout en bas de la hiérarchie : quand il n'est pas passé à tabac par le Remplaçant, il est accusé et humilié par la Femme.
Renaud Camus voit très naturellement dans ce nouvel état de fait la fin des relations harmonieuses entre les hommes et les femmes, autrement dit la fin de la civilisation, et de la civilisation française en particulier. Un Finkielkraut serait sans doute d'accord avec lui.
Mais j'ajouterais pour ma part ceci : cette civilisation-là meurt aussi de trop avoir été ce qu'elle est. Les hommes blancs, à force d'être gentils, doux, galants, etc., ont réveillé la Femme démoniaque qui, malgré qu'elle en ait, déteste de tout son être cet excès de gentillesse et de galanterie, qu'elle assimile souvent à de la faiblesse, défaut dont elle a viscéralement horreur. Notre jeune femme qui se dit “harcelée” a envoyé au bon technicien et à ses semblables un message très clair :
arrêtez d'être si gentils, arrêtez d'être à mes pieds, arrêtez de me vénérer, je vous hais quand vous faites cela — tiens, je préfère encore aller préparer des repas chauds aux migrants.
Pourtant, lorsque notre enragée tombera sur un mâle qui cherchera
vraiment à lui nuire, elle n'aura qu'un seul souhait : qu'un policier armé (c'est-à-dire un représentant du patriarcat oppresseur et machiste) vienne la défendre. Je l'ai souvent écrit ici : là où il y a du danger, il n'y a pas et il ne peut pas y avoir de féminisme. Notre société devenant de plus en plus dangereuse, il n'a aucun avenir. L'extrême marge de manœuvre (politique, entre autres) que l'Occident a laissé aux femmes, a préparé le Grand Remplacement, qui
mettra fin à tous ces discours, comme disait l'autre.
Au fond, exprimer l'idéal de l'amour courtois, du chevalier posant genou à terre pour sa Dame, c'était comme dire que tout le monde pouvait être français, sous la Révolution française : c'était une belle idée, un idéal que l'on évoquait comme ça, dans certains cercles, en de certains moments d'exaltation, mais auquel on ne croyait guère, même si l'on y était très attaché. Or ces minuscules brèches humanistes et poétiques, ouvertes il y a très longtemps dans la pensée européenne, ont fini par devenir des gouffres. A présent l'Occident s'y noie.