Gouvernante, Gouverneuse, Gouverneresse ou même, pourquoi pas après tout, Madame le gouverneur, tout sauf l'épouvantable
gouverneureu.
La question du caractère délibéré ou non de l'enseignement de l'ignorance, de l'abolition du réel ou de la grande déculturation - pour parler comme Michéa, Muray ou Renaud Camus - me paraît intéressante, cher Henri.
Il fut un temps où les promoteurs, les maîtres d'œuvre et les thuriféraires du phénomène en niaient les effets ; mais ces
niveaumontistes étaient-ils sincères ? Il me paraît difficile de démêler dans leur discours la mauvaise foi roublarde et cynique destinée à faire passer les vessies pour les lanternes et la niaiserie utopiste. Sans doute existe-t-il différents cas de figure qui tendraient à valider autant d'hypothèses.
Il y a les vrais naïfs, ceux qui croyaient sincèrement à la possibilité de faire accéder une très large part de la population à la grande culture. La réalité les a dégrisés. Je les connais bien, j'en suis. Epouvantés par le résultat des politiques destinées à réaliser leur rêve, et dont ils avaient bien souvent pensé qu'elles n'allaient pas assez loin, pas assez vite, ils se sont retrouvés dans le plus improbable des rôles : celui de
nouveaux réactionnaires. Mais comme leurs bataillons sont assez maigres et qu'au point où nous en sommes, nul, même le plus sot et le plus ignorant, ne peut ignorer la réalité du désastre, ces naïfs sincères et repentis sont forcément une minorité.
On l'a relevé ici plusieurs fois depuis que Cassandre a analysé l'enthousisme avec lequel a été accueilli le film
Entre les murs : les amis du désastre ont cessé de nier celui-ci, ils sont passés à la phase suivante, celle où l'on applaudit aux pires de ses manifestations et conséquences. Il peut y avoir, parmi ces gens, d'anciens naïfs qui, plutôt que d'avouer, de s'avouer même, leur naïveté passée, plutôt que de se déjuger, embrassent avec un enthousiasme plus ou moins feint le résultat de la politique qu'ils ont promue, approuvant ce qu'ils ne croient pouvoir éviter. Je crois que c'est le cas de Meirieu, qu'on sent à présent assez mal à l'aise, contourné, gêné aux entournures.
Mais il y a autre chose. Je ne crois pas au complot capitaliste tel que le décrit Michéa : très bon dans la description des phénomènes, il reste, dès qu'il s'agit d'analyser les causes, prisonnier de ses modes de pensée marxistes. Mais je crois au choix délibéré de l'hyperdémocratie. Quand Lionel Jospin, alors ministre de l'Education nationale, déclare, pour justifier les allègements de programmes, qu'on ne peut pas enseigner à tout le monde la même chose que ce qu'on enseignait à une petite minorité, il admet de façon tout à fait claire, consciente, délibérée, que pour instaurer l'égalité des conditions culturelles il pratique le nivellement, que le nivellement est la condition nécessaire à cette égalité et qu'il veut celle-ci en dépit de celui-là, même au prix de celui-là.
Quant à la droite, qui avait inauguré cette politique au nom de l'idée qu'il ne fallait gaspiller aucun talent, elle a cédé à l'air du temps : exténuée, incapable de sortir ses idées du discrédit dans lequel le nazisme et la guerre les avaient jetées, subissant avec veulerie le magistère moral exercé par la gauche, elle balance entre la complicité active, le laisser-faire fataliste et les velléités poussives.