Certains, qui raisonnent en termes de classe bruts, disent que ce lumpen transcontinental est invité ici par la bourgeoisie européenne, l'oligarchie et tout ce qu'on voudra pour "tirer les salaires vers le bas", etc. C'est un peu la ligne du Front national.
Ils oublient que nous vivons dans l'ère du symbole, du signe et de la représentation, y compris représentation de soi devant l'histoire, s'agissant d'une classe sociale comme la petite-bourgeoisie. Celle-ci place désormais ses intérêts économiques directs, sinon derrière, du moins sur un même plan prioritaire que son souci de paraître sous un jour favorable à ses propres yeux. Elle "s'aime aimante", c'est un fait, déterminant dans ses choix politiques, mais à ce souci s'ajoute une image de soi protégée de toute concurrence ou comparaison. Elle se veut classe
incomparable stricto sensu, j'entends
classe sans concurrence d'image. Le gueux qu'elle invite à squatter ses terres lui sert à cela. Plus le gueux est misérable, pitoyable, pléthorique, plus se trouve conforté en elle ce sentiment d'être, décidément, au dessus du panier, très proche du divin à vrai dire. Ce souci motive ses choix politiques tout aussi largement que son éventuel désir de "tirer les salaires vers le bas" : Anne Hidalguo se rêve en Marie-Antoinette
compatissante et humaine. C'est vital : être riche par le niveau de revenu (relativement à ceux qui n'ont rien), c'est très bien, être bien vêtu, sentir bon et fréquenter les salons, c'est très très bien, mais être relativement riche, sentir bon et
être bon avec les miséreux, c'est divin. La gauche divine est bien celle-là, qui brigue l'accession à cette figure idéale :
celle d'une Marie-Antoinette qui donnerait du pain et des gâteaux aux gueux qui occupent ses jardins.
L'histoire et les problématiques politiques, une fois rendues au bercail du symbolique et de l'imago de classe, deviennent subsumables à pareil schéma tragi-comique, guignolesque, digne d'un vulgaire dessin animé pour public pré-pubère.